"AVERTISSEMENT PENAL PROBATOIRE" Billet d'Etienne TARRIDE
[NDLR : Les syndicats policiers ne voulaient plus du rappel à la loi, il sera bientôt remplacé par l'avertissement pénal probatoire! Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a présenté hier lundi 27 septembre 2021 les principales différences entre le rappel à loi et le dispositif qui vient le remplacer, l'avertissement pénal probatoire. Une nouvelle mesure "plus ferme et plus intelligente", selon lui. Ce nouveau dispositif rentrera en vigueur le 1er janvier 2023. Pour l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), c’est « changer pour ne rien changer ». Le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) reproche au ministre de ne pas avoir consulté les professionnels de terrain sur les intérêts en jeu en matière d’alternatives aux poursuites. Etienne TARRIDE réagit !]
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Ainsi, le « rappel à la Loi » source de tous nos malheurs va être, à compter du 1 janvier 2023 abrogé et remplacé par « L’avertissement pénal probatoire ».
Que peut-on déjà penser avant même que le texte soit précisément connu ?
Qu’il s’agit à priori d’un coup d’épée dans l’eau uniquement destiné à épater la galerie à des fins électorales.
Rappelons tout d’abord que le « Rappel à la Loi » est une pratique prévue par l’article 41-1 du Code de Procédure pénale permettant au parquet de substituer à des poursuites judiciaires un simple rappel de la loi et des règlements à l’auteur d’infractions mineures. Cette procédure a pour effet de suspendre la prescription, et, si le parquet en décide ainsi de contraindre l’auteur des faits à réparer le dommage cause (CPP 41-1 4°)
Nombre de praticiens et de commentateurs reprochaient au « Rappel à la Loi » d’avoir deux effets nocifs majeurs :
Il n’impressionnait en rien l’auteur des infractions qui s’en moquait allègrement.
Il permettait à ce même délinquant de réapparaitre dès le lendemain sur les lieux de son délit et de narguer les policiers qui l’avaient arrêté.
260.000 « rappels à la loi » ont été prononcés en 2019.
L’ « avertissement pénal provisoire » prononcé par le parquet sera à compter du 1 janvier 2023 aura pour effet d’ouvrir une période d’un an pendant laquelle le délinquant sera surveillé, étant bien établi qu’en cas de réitération d’une infraction dans ce délai, il sera poursuivi pour deux infractions, le nouvelle commise, et l’infraction initiale. Cette procédure ne pourra être utilisée que sous réserve d’indemnisation de la ou des victimes.
Les violences seront exclues de cette procédure.
Force est donc de constater :
- Que les délinquants en cause pourront réapparaitre dès le lendemain des faits sur les lieux de son délit et narguer ainsi policiers qui l’ont arrêté.
- Qu’il est infiniment peu probable que les délinquants soient sensiblement plus impressionnés par un « avertissement pénal » que par un « rappel à la loi », et ce d’autant plus qu’ils se savent d’ores et déjà surveillés dans leur quartier et alentours
- Que la réparation du préjudice, innovation claironnée par le Garde des sceaux était déjà prévue par le « Rappel à la loi »
Nous sommes en présence d’une modification purement sémantique et sans le moindre effet.
Ce qui a, en revanche un effet certain reste que la procédure nouvelle ramène à un an la prescription des délits mineurs visés alors que la suspension de la prescription prévue par le « Rappel à la loi » maintenait à 6 ans la prescription du délit initial. C’est un subtil avantage en faveur des délinquants, dont nous avons des raisons de penser que le Garde des Sceaux, au regard de sa formation et de son expérience, est parfaitement conscient.
Quant à l’exclusion des violences, il était très rare que des faits de violence, ou alors extrêmement mineurs fassent l’objet d’un rappel à la Loi. Il ne faut donc attendre aucune modification de ce fait.
Il est enfin plus que probable que la « surveillance » restera une mention de pure forme puisque les forces de police sont déjà plus que surchargées et qu’elles ne pourront pas, ni d’ailleurs ne voudront, consacrer le moindre temps à la surveillance de délinquants mineurs.
La conclusion apparait évidente. Comme d’usage en Macronie les grands mouvements de menton se heurtent aux réalités que notre immense Président ignorait alors qu’elles avaient été prises en compte par tous ceux qui s’intéressent aux questions réelles et les avaient jusqu’à présent mais avec un minimum de modestie convenablement traitées. Vouloir tout casser pour se rengorger et jouer les gros balaises n’est jamais positif.
Le « rappel à la Loi » ou toute autre procédure équivalente mais sous une autre appellation est, contrairement à ce que disent nombre de commentateurs une nécessité afin de soulager une justice pénale accablée par le manque de moyens, certes, mais aussi par l’incroyable inflation du Droit Pénal qui amène à criminaliser nombre de comportements que la Justice Civile Commerciale ou Sociale peut traiter de manière satisfaisante. Ne pas connaitre cette réalité condamne à des reculades ridicules en dépit des grands mots.
Etienne Tarride*
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*Etienne TARRIDE - ancien avocat au barreau de Paris, gaulliste de gauche - publie des billets régulièrement sur POLITIQUE-ACTU.COM. Il est aussi romancier.
Dernier roman paru :