FRANCE CULTURE : Une honte ! "Lettre ouverte à M. Antoine Marette" par Georges Gastaud et Fadi Kassem (PRCF)
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Lettre ouverte à M. Antoine Marette, présentateur du Journal de 12 h 30 sur France-Culture
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Monsieur,
Nous protestons avec indignation contre la manière profondément discourtoise, antidémocratique et malhonnête dont vous avez traité à l’antenne le 100ème anniversaire du Congrès de Tours dans votre journal du 29 décembre 2020.
Après avoir donné quelques rares indications factuelles (et insidieusement fielleuses[1]) sur ce congrès historique, vous avez interrogé Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, non pas sur le Congrès de Tours et son actualité, mais… sur le Pacte germano-soviétique. Après la très brève réponse enregistrée de ce dernier sur ce sujet, la parole a été donnée bien plus longuement à un « historien » connu pour son anticommunisme exacerbé, sa proximité avec la droite réactionnaire et son statut d’idole de l’extrême droite française et « européenne »[2], Stéphane Courtois. Celui-ci connaissait manifestement la réponse de Roussel et a eu tout loisir de la démolir en développant l’argumentation traditionnelle des anticommunistes et en terminant son propos par une justification éhontée de l’interdiction du PCF par décret Daladier du 26 septembre 1939 ; rappelons que cette interdiction par les députés (droite, radicaux, SFIO) qui, par la suite, ont massivement investi Pétain, a conduit, directement ou indirectement, de nombreux militants et dirigeants communistes français comme Pierre Sémard, Guy Moquet ou Georges Politzer à la chambre de torture ou au peloton d’exécution. Bien entendu, ni F. Roussel ni aucun historien en désaccord avec les thèses largement discréditées de Courtois n’ont pu répondre à cette réponse-réquisitoire, aussi fausse et liberticide sur son contenu que déloyale sur la forme que vous, « journaliste » tenu à un minimum d’équité, lui avez donnée.
Notre but n’est pas ici de répondre sur le fond au sempiternel procès qui est fait au PCF et à l’URSS à propos du traité de non-agression germano-soviétique par ceux-là même qui, par la non-intervention en Espagne, par les honteux accords de Munich dépeçant la Tchécoslovaquie et par le sabotage des négociations soviéto-anglo-françaises ont contraint l’URSS, faute d’alternative à son isolement militaire programmé[3], à accepter le pacte de 1939. A ce sujet, nous vous renvoyons aux livres de l’historienne Annie Lacroix-Riz, professeur émérite à l’Université Paris VII[4], ainsi qu’aux analyses suivantes : https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/le-mythe-de-lalliance-stalino-hitlerienne-1939-1941-par-annie-lacroix-riz-video/ ; https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/munich-et-les-munichois-80-ans-plus-tard-par-annie-lacroix-riz/ ; http://www.gauchemip.org/spip.php?article2234 ; https://www.legrandsoir.info/il-y-a-80-ans-le-pacte-germano-sovietique-un-symbole-de-l-histoire-detournee-par-les-reactionnaires.html.
Notre but n’est pas non plus de rappeler à Courtois, à vous-même et aux autres amateurs d’amalgames « antitotalitaires » odieux entre les exterminateurs et les libérateurs du camp d’Auschwitz, que les communistes français furent de très loin la principale force de la Résistance sur le territoire national (et notamment, de la Résistance armée via les FTP-MOI et les FTP-F), qu’ils furent l’âme de l’insurrection parisienne décisive de 1944 dirigée par les FFI communistes Henri Rol-Tanguy et André Tollet, de même que l’URSS fut le principal adversaire militaire de Hitler durant toute la guerre, les ¾ (et même 90% en 1944-1945) des divisions allemandes étant concentrées sur le Front Est. Rappelons aux amnésiques ce que le Général de Gaulle a déclaré en 1944, lors de sa visite d’Etat au Maréchal Staline : « les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur libération ».
Du reste, qui rappelle jamais sur votre chaîne et dans votre journal radiodiffusé que les chefs de file de la droite « française » et les maîtres du grand capital, dont certains osaient clamer qu’ils préféraient Hitler au Front populaire à la République, ont massivement collaboré avec les nazis pendant qu’une large majorité des parlementaires de la SFIO votaient les pleins pouvoirs à Pétain ? Eussiez-vous rappelé ces ignominies des forces anticommunistes « françaises », Monsieur Marette, s’il s’était agi dans votre émission, non du centenaire du Parti communiste français, ex-SFIC, mais du centenaire du parti socialiste, ex-SFIO, ou de l’anniversaire de ces partis de droite où siègent bon nombre de descendants directs de pétainistes avérés (comme l’était, entre cent exemples, le père de Giscard d’Estaing) ? Notre but est ici seulement de dénoncer la méthode honteuse, indigne du service public et de sa mission qui est de respecter le pluralisme et avec lui, la totalité des citoyens français qui vous paie et dont font partie les militants communistes, tout en respectant au moins un semblant d’équité – autant d’éléments au cœur de la charte de Munich de 1971 que les journalistes sont censés respecter ? Il est particulièrement indécent de ce point de vue que…
· Ayant à parler du Congrès de Tours, date glorieuse entre toutes pour les communistes et pour les syndicalistes de classe français, vous ayez choisi de dévier l’attention due à cet anniversaire vers le Pacte germano-soviétique dont votre chaîne nous avait déjà rebattu les oreilles, avec des commentaires antisoviétiques à sens unique, en septembre 2019, date de son 80e anniversaire. Alors que, soit dit en passant, votre chaîne avait été des plus discrètes en 2013 à propos du 80e anniversaire de Stalingrad, tournant décisif de la Seconde Guerre mondiale ; bien entendu, vous n’avez fourni aucune information dans votre émission sur les nombreuses initiatives qui ont été prises en France par les communistes, y compris par ceux du PRCF, pour commémorer cet évènement (voir en ce moment sur notre site les entrevues de MM. Bruno Drweski, Stéphane Sirot et Jean-Pierre Page sur www.initiative-communiste.fr).
· Vous ayez grossièrement utilisé la ficelle consistant à opposer le « politique » supposé biaiser la réalité à l’« historien » censément impartial S. Courtois, alors que ce dernier, ex-admirateur de la Révolution culturelle chinoise, est engagé depuis des décennies dans une violente campagne anticommuniste et que son Livre noir de 1997, truffé d’erreurs, d’omissions, d’amalgames et de falsifications a tôt cessé d’être considéré comme un travail scientifique – au point que la moitié des auteurs de l’ouvrage dont Nicolas Werth, autre historien anticommuniste patenté, se sont désolidarisés de Courtois à la sortie de l’ouvrage –, notamment dans les pays anglo-saxons. Il eût été plus juste dans un cas pareil, s’agissant de l’anniversaire du PCF, que soient confrontés deux historiens de profession et si vous ignorez l’existence des livres de Madame Annie Lacroix-Riz, spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale et de l’Occupation, nous pouvons vous fournir gracieusement ses coordonnées.
· Vous ayez à ce point déséquilibré votre émission que, contre toute tradition de justice et de pluralisme de moins en moins respecté, l’auteur du réquisitoire anticommuniste, Courtois, parle le dernier et le plus longtemps, après avoir reçu communication de la plaidoirie de son adversaire absent… alors que manifestement, l’inverse n’est pas vrai et que F. Roussel ne semble pas connaître les propos de son antagoniste.
Une question pour finir : l’année prochaine seront célébrés les anniversaires de la Grande Grève patriotique des mineurs du Nord-Pas-de-Calais (mai-juin 1941), que dirigèrent la CGT et le PCF clandestin, de la Commune de Paris qui fut massacrée au cours de la « Semaine sanglante » (30.000 morts en une semaine, plus que l’ensemble de la période 1793-1794 !), les fusillades de Châteaubriant et de la Citadelle d’Arras, dont quasiment toutes les victimes étaient communistes ou communisantes. Donnerez-vous alors aux communistes dans leur diversité le même temps de parole pour rappeler la mémoire de leurs martyrs que celui que vous avez donné à Courtois pour insulter nos morts et pour justifier l’interdiction d’un parti qui, rappelons-le, combattait le fascisme depuis ses origines, s’était engagé corps et âme dans la défense de l’Espagne républicaine, avait condamné (seul en tant que parti) les Accords Daladier-Hitler-Chamberlain-Mussolini de Munich, avait voté les crédits de guerre en 1939 et qui, bien qu’interdit et pourchassé, avait transmis au gouvernement français un plan de défense de Paris et de résistance à l’Occupant par l’intermédiaire du philosophe Georges Politzer ?
Cette campagne anticommuniste incessante intervient après qu’au Parlement européen, une coalition indigne d’eurodéputés, dont les parlementaires français du RN, de LREM, des LR, d’EELV et du PS, a voté en chœur, le 19 septembre 2019, une résolution scélérate qui valide l’interdiction déjà prononcée ou en cours de plusieurs partis communistes dans des pays de l’UE (pays baltes, Pologne, etc.), qui met sur le même plan le Troisième Reich génocidaire et l’Armée rouge libératrice, et qui appelle les pays de l’UE à proscrire les symboles du « communisme totalitaire » – en clair, l’emblème ouvrier et paysan du marteau et de la faucille – de la « mémoire européenne » ; ce qui signifie, à terme, interdire les organisations, dont la nôtre, qui n’ont pas renié le drapeau rouge orné des « outils » dont l’érection au fronton du Reichstag nazi défait signa la vraie fin de la Seconde Guerre Mondiale au prix de 27 à 30 millions de morts du côté soviétique.
En clair, M. Marette, au lieu d’informer le public équitablement et dans le respect des règles éthiques élémentaires et fondamentales liées à votre profession, vous alimentez – et ce n’est pas moins grave si c’est à votre insu – une campagne liberticide qui, en mettant systématiquement un signe d’égalité entre les communistes et les nazis, ne peut que déboucher sur la criminalisation des premiers et sur la banalisation-réhabilitation des seconds. Après quoi, il sera toujours temps de pleurnicher à longueur d’antenne sur la montée des extrêmes droites racistes dans toute l’UE, France incluse !
Nous donnons copie de notre lettre au C.S.A., à la direction de votre chaîne, qui peut-être vous félicitera et vous promouvra pour votre exploit anticommuniste, ainsi qu’à Monsieur le député Fabien Roussel (malgré certaines divergences avec lui, c’est toute la mémoire communiste qui est insultée) et à Monsieur le député Jean-Luc Mélenchon, qui seront probablement tout autant indignés du traitement de « l’information » dont vous avez fait preuve. Enfin, nous transmettons cette lettre à nos camarades :
- Léon Landini, président du PRCF, ancien officier des FTP-MOI, président de l’Amicale Carmagnole-Liberté, Officier de la Légion d’honneur, Médaille de la Résistance, décoré par l’URSS pour faits de Résistance, Grand Mutilé de Guerre torturé par Barbie
- Pierre Pranchère, vice-président du PRCF, ancien Franc-Tireur et Partisan des Maquis de Corrèze (que les Allemands appelaient la « petite Russie »), ancien député et eurodéputé
- Jean-Pierre Hemmen, vice-président du PRCF, fils de Jean Hemmen, militant de l’Internationale Communiste, organisateur des Brigades internationales d’Espagne, Fusillé au Mont Valérien. Puisqu’on en est aux amalgames « communistes = nazis », signalons que Jean-Pierre Hemmen fait partie des soldats du contingent qui refusèrent de porter l’uniforme à une époque où l’OTAN était commandée en Europe par un ex-officier de la Wehrmacht, le général Speidel…
- Annie Lacroix-Riz, agrégée d’histoire, professeur émérite de l’Université, auteur de nombreux livres mondialement connus sur la Seconde Guerre Mondiale et sur l’Occupation.
- M. Antoine Mercier, votre prédécesseur, qui n’était sans doute pas communiste, mais dont les journaux de 13 h étaient d’une toute autre tenue.
Honte à vous, Monsieur Marette qui déshonorez l’audiovisuel public de vos petites habiletés désinformatrices ! Cet audiovisuel public que défendent si bien, quand c’est nécessaire, nos camarades grévistes de la CGT, et qui pourrait devenir ou redevenir, si l’anticommunisme et l’européisme bien-pensants cessent un jour d’accaparer le temps d’antenne, un VRAI service public, si ce n’est un service public du vrai.
Georges Gastaud, Fadi Kassem *
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* Georges Gastaud, agrégé de philosophie, co-secrétaire national du PRCF, fils de Résistant gaulliste décoré par la France, la Pologne populaire et les Etats-Unis d’Amérique.
* Fadi Kassem, diplômé de Sciences Po Paris, agrégé d’histoire, co-secrétaire national du PRCF
Le 29 décembre 2020 – Objet : votre journal de 13 h de ce jour.
[1] Nous avons bien noté que, mezzo voce, vous avez opposé la scission de 1920 à la bienheureuse unification de 1905. A ceci près que ce parti « uni » de 1905 est précisément celui qui, à l’unisson de la Deuxième Internationale et de la social-démocratie allemande, entra dans l’union sacrée impérialiste pour appeler les ouvriers à « mourir pour les industriels » en croyant « mourir pour la patrie » selon le mot fameux d’Anatole France, l’un des premiers grands intellectuels français à avoir rallié le PCF et accueilli chez lui, clandestinement, la grande Clara Zetkin, pionnière du féminisme prolétarien, initiatrice de la Journée du 8 mars et déléguée du Komintern à Tours.
[2] Sa fiche Wikipedia, dithyrambique, est limpide sur ce point : https://fr.wikipedia.org/wiki/St%C3%A9phane_Courtois#cite_ref-arkheia_holodomor_43-1
[3] On omet systématiquement de rappeler que l’Allemagne nazie était l’alliée de l’Italie fasciste et du Japon impérial au sein du « Pacte anti-Komintern » et qu’en conséquence, l’URSS pouvait parfaitement être attaquée sur deux fronts, ce qu’a empêché le « pacte de non-agression ». Moscou devait-il attendre d’être envahi à l’Est et à l’Ouest pour tenter de briser le Pacte anti-Komintern d’une part, et les accords de Munich d’autre part où, manifestement, les anticommunistes qui dirigeaient la France et la Grande-Bretagne avaient signifié à Hitler (cf. par la suite la « Drôle de guerre ») qu’il aurait toute licence pour poursuivre ses prédations et attaquer le moment venu l’impardonnable pays des soviets ouvriers et paysans ?
[4] Lire notamment De Munich à Vichy, l’assassinat de la IIIe République, Armand Colin, 2008 ; Le choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930, Armand Colin, 2010.