Présidentielle 2017 : " Moi, Etienne Tarride" par Etienne TARRIDE (Billet d'humeur)
Moi, Etienne Tarride, j’aime l’opposition. C’est chouette l’opposition. On peut y discuter sans fin et sans jamais conclure puisque personne ne se préoccupe de ce qu’on pourrait bien proposer et qui ne verra jamais jour. On peut y traiter tous ceux qui gouvernent d’imbéciles, de traitres, de nazis ou de staliniens selon son tempérament ou selon les circonstances. C’est surtout chouette dans une Démocratie puisqu’on ne risque rien. Ce n’est que le laitier qui sonne à huit heures puisque même les opposants farouches et prêts à tout ont droit au lait du matin plutôt qu’aux argousins.
Etre dans l’opposition, c’est la certitude de ne jamais être démenti par les faits aussi absurdes soient les boniments qu’on émet et qu’on peut même appeler « idées ». C’est le meilleur moyen de se faire une réputation d’incorruptible puisque personne n’a le moindre intérêt à vous corrompre ou encore de penseur suprême dans nombre de gazettes puisqu’il est bien connu que les penseurs suprêmes doivent expliquer comment ils vont renverser la table sans jamais dire quel meuble ils mettront à la place et quel pourra bien en être l’usage.
J’ai enfin compris, il m’a fallu du temps, pourquoi j’avais choisi de devenir Avocat pénaliste. L’Avocat, devant une juridiction pénale est l’incarnation même de l’opposition. Il est celui qui se dresse contre la société, la sécurité, les bonnes mœurs, l’ordre établi et tout le Tralala . Et sans même, rendez vous compte, en avoir honte un instant.
Moi, Etienne Tarride, j’ai été Gaulliste et je le reste. On pourrait me le reprocher, mettre en doute mes principes et me tenir finalement pour un opposant en peau de lapin. J’avais quand même près de trente ans en 1974. Mais qu’est-ce que le Gaullisme sinon l’opposition enfin venue au pouvoir ? Souvenez vous. Combien fallait-il tourner de pages d’un journal avant d’en trouver une ou ne soit pas dénoncé le dictateur, le passéiste, l’imitateur de Boulanger ou de Napoléon III pour les plus indulgents ? Combien de temps, de son vivant, fallait-il chercher dans les librairies avant de trouver un bouquin qui ne dénonce pas la formidable imposture qu’il représentait et l’art consommé qu’il avait de tromper un peuple imbécile à coup de répugnant plébiscites. Plébiscite, là est le mot. De Gaulle prétendait représenter le Peuple alors qu’il s’appuyait sur la plèbe que les gens convenables savent tenir à l’écart des réunions de familles.
Enfin vint 1974 et la victoire des savants, des experts des bien élevés. J’ai alors pu passer des années tranquilles. Il n’y avait plus de fureur et chacun était à sa place.
Moi Etienne Tarride, j’ai fait en 2012 une énorme bêtise. J’ai voté, et aux deux tours s’il vous plait, pour François Hollande. Le soir de sa victoire j’ai été attéré. Comment pourrais-je regagner l’opposition, mon paradis, après que celui pour lequel j’avais voté soit élu ? J’avais été plus malin jusque là grâce à Michel Debré, à Jacques Chirac longtemps, à Jean Pierre Chevènement…
Il n’a pas fallu longtemps pour que je me reprenne. Voilà que l’opposition revenait au pouvoir en mode mineur sans doute, les temps ne sont plus héroïques et l’homme moins vêtu de légende. Certes personne ne voulait coller Hollande au mur, certes personne ne tirait sur sa voiture, certes nul ne le prenait pour Mussolini, personne n’imaginait qu’il fasse défiler les chars Soviétiques sur les Champs Elysées, mais les choses n’allaient pas trop mal et bien souvent grâce à la Gauche. Les grands maitres de l’opinion savaient à nouveau dire en chœur que la France était en danger de mort. Prélever 75 % au-delà de 1 million de revenu par an c’est du vol . Envisager qu’une jeune fille arrêtée dans un car scolaire puisse poursuivre ses études en France c’est une capitulation en rase campagne. Le mariage pour tous c’est la fin de la famille. Favoriser le dialogue social dans l’entreprise plutôt que laisser les gens qui savent s’en occuper c’est presque de la participation comme la souhaitait le Général félon. S’obstiner à ce que les suspects de terrorisme soient jugés avant d’être enfermés ou expulsés à coups de pied au cul avec femme et enfants c’est bien la preuve de cette faiblesse mortelle, cause première du grand remplacement.
L’opposition est à nouveau au pouvoir. Les bons génies le disent tous. Certes il me manque parfois, j’ose le confesser, un peu de lyrisme, un peu de romantisme. Certes le discours de Québec reste inimitable comme la reconnaissance de la Chine et l’émoi qu’elle avait provoquée dans les chaumières de Paris Ouest. Mais je ressens un frisson délicieux. Je ne me suis pas vraiment trompé . Et les sondages, les merveilleux sondages qui font que l’élection a désormais lieu trois fois par semaine, la seule activité sur laquelle la finance n’a aucune influence, quels délices me procurent-ils. La majorité est en face. La majorité massive, La majorité au front de taureau.
Reste à déterminer pour qui, moi Etienne Tarride, je vais voter l’année prochaine. Le choix est rude mais je me rassure. Dès le lendemain du vote nous serons tous d’accord pour crier dans les rues que l’élu est un jeune ou un vieux con. La terre promise, à nouveau. Des lors, je ne vois par pourquoi je ne renouvellerais pas ma confiance en François Hollande, l’homme qui a réussi à maintenir cinq ans l’opposition au pouvoir en dépit de la coalition de tous ceux qui pensent bien même s’ils ne pensent vraiment pas la même chose. Encore cinq ans de bonheur et de sondages calamiteux…Encore cinq ans de fureurs des grosses têtes, des magazines et des chaines d’information… C’est inespéré dans une courte vie.
Je n’ose même pas dire, de crainte d’éteindre une controverse qui ne peut être que bénéfique pour renforcer l’opposition d’aujourd’hui et de demain que moi, Etienne Tarride je connais la vérité sur l’identité nationale. Elle a un nom, notre nation. Elle s’appelle Missak Manouchian.
Etienne Tarride*
Etienne TARRIDE - ancien avocat au barreau de Paris, gaulliste de gauche - publie des billets en exclusivité pour POLITIQUE-ACTU.COM. Il est aussi romancier.