MAROC : « La mouvance islamiste divisée face à la révolte » par Jean-Michel Salgon
[Photo : ©AFP / ABDELHAK SENNA]
Alors que les mouvements de protestations se développent au Maroc depuis le début du mois de février, la mouvance islamiste est divisée sur l’attitude à adopter.
La formation d’opposition siégeant au parlement le « Parti de la justice et du développement », fidèle à sa stratégie de compromis avec le palais, n’a pas appelé à manifester provoquant la démission de l’une de ses figures emblématique l’avocat Mustapha Ramid.
A l’opposé, le mouvement clandestin dirigé par le cheikh Yassine « Justice et bienfaisance » qui dispose d’une faculté de mobilisation très importante opte pour la confrontation et a largement participé aux différents rassemblements organisés à travers le pays ces derniers jours.
Sur son site électronique www.aljamma.net les appels lancés sont extrêmement explicite : « Plus de place au camouflage, aux calmants et aux promesses miroitantes. Désormais le gouffre s’est creusé entre le gouvernant et le gouverné et la confiance à disparu. Plus d’autre choix que celui d’opérer en urgence un changement démocratique qui rompt avec le despotisme et répond aux besoins, aux exigences du peuple ou bien le peuple prendra l’initiative de foncer pacifiquement et avec tous les sacrifices qui s’imposeront pour balayer l’arbitraire. Aujourd’hui notre Maroc bien aimé à un rendez-vous avec l’histoire pour briser le cercle vicieux qui l’enferme et mettre fin à cet état régressif. »
Le mouvement réclame une abrogation de la constitution tout en appelant à « un dialogue national et responsable ».
Dans un autre texte diffusé sur le même site électronique, l’appel à la chute du Roi est évoqué en des termes voilés : « Une nouvelle ère se lève sur la Oumma depuis la Tunisie et l’Egypte, la suite viendra ! Nous prions Dieu pour qu’il mette un terme à cette phase de dictature ».
Alors que les manifestants marocains réclament jusqu’à ce jour un changement sans évoquer la chute de la monarchie, « Justice et bienfaisance » lève un tabou en osant publiquement évoquer la fin du régime.
Jean-Michel SALGON, politologue, spécialiste du Maghreb, coordinateur du dictionnaire géopolitique de l’Islamisme (éditions Bayard).