GRÈVE ou PRISE D'OTAGES ? par Etienne TARRIDE
[Photo : La police et la gendarmerie viennent suppléer les agents de sûreté. CHAVEAU/SIPA]
Il est évidemment désagréable pour tout le monde de constater que les vacances de Noêl peuvent être troublées par une grève.
Il est désagréable pour chacun de nous de se trouver sur un quai de métro sans espoir de voir un train venir dans des délais raisonnables et avec la perspective de faire un trajet quelquefois long serré comme une sardine.
Il est désagréable de marcher dans la rue entre des poubelles qui n'ont pas été vidées depuis plusieurs jours.
L'exercice du droit de grève entraine, pour les usagers c'est à dire pour nous tous, des désagréments multiples et quelque fois des inconvénients graves, c'est un fait. Pour autant, il faut s'indigner sans retenue de la formule trop souvent entendue depuis quelques mois, et parfois reprise de façon scandaleuse par des commentateurs officiels, des journalistes vedettes ou même des ministres ou un Président : "Les Français sont pris en otages"
La prise d'otages est un crime d'une gravité exceptionnelle qui a fait sa réapparition de façon massive ces dernières années pour des raisons multiples sur lesquelles il ne s'agit pas aujourd'hui de réfléchir. La prise d'otages est un crime qui consiste à menacer un ennemi réel ou prétendu de tuer des hommes ou des femmes parfaitement étrangers aux débats et parfaitement innocents si le dit ennemi remplit pas les conditions que le preneur d'otages impose. Les prises d'otages étaient notamment l'une des armes favorites de la gestapo. Elles ont créé au sein de nombreuses familles,à cette époque ou plus tard, en France ou ailleurs,des drames irréparables. Venir utiliser ce même terme pour qualifier des situations certes pénibles mais sans réelles conséquences est un abus de langage plus qu'inadmissible.
Il est préoccupant de s'interroger sur la raison profonde de cet abus de langage. S'agit-il d'une simple grossièreté dans la communication ou, plus profondément, d'un révélateur d'une dépression qui atteindrait notre peuple désormais incapable de mesurer ce que sont les vraies questions et les vraies attitudes de résistance ou de combat ? Nous ne pouvons qu'inviter chacun à y réfléchir.
Commencer un quinquennat par l'usage inapproprié de la superbe lettre de Guy Môquet et le finir par des rodomontades quant à des grèves sur les aéroports est en tous cas révélateur d'une trajectoire.
Etienne TARRIDE
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*Etienne TARRIDE - ancien avocat au barreau de Paris, gaulliste de gauche - publie des billets en exclusivité pour POLITIQUE-ACTU.COM