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Jacques FOURNIER : "Hommage de Jean-Pierre Chevènement" - Conseil d'Etat - 8 novembre 2021

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Hommage de Jean-Pierre Chevènement à Jacques Fournier (1929- 2021), prononcé au Conseil d’État, le 8 novembre 2021

Monsieur le vice-président du Conseil d’État, mesdames et messieurs les présidents et membres du Conseil d’État, chers enfants, parents, proches, chers amis de Jacques Fournier, mesdames et messieurs,

Si Jacques Fournier n’avait pas eu naturellement dans le sang l’esprit militant, nous ne nous serions pas rencontrés. C’était dans les Hauts-de-Seine, à peu près au milieu des années 70. Jacques à l’époque animait un groupement d’action municipale. Cela correspondait à l’air du temps qui renvoyait à l’autonomie, ce qu’on appelait l’autogestion, l’idée que les gens doivent se prendre en mains eux-mêmes. Pour Jacques Fournier il était important d’être non pas seulement un fonctionnaire scrupuleux au service de l’intérêt général, mais aussi de prendre parti sur la manière dont celui-ci se définissait. Il fallait entrer dans le débat public, être pleinement un citoyen en étant un militant. Ce mot n’avait rien de péjoratif et ne l’empêchait pas d’être un homme absolument rigoureux, auquel on ne peut pas faire un procès d’esprit partisan parce que Jacques était l’intégrité même. Il écoutait toujours les arguments et puis répondait, et il donnait une grande leçon à tous ceux qui, plus jeunes – comme moi, nous avions une dizaine d’années de différence d’âge –, respectaient déjà en lui l’ancien élève de l’ENA bien sûr mais aussi le Maître des requêtes au Conseil d’État et le Commissaire du gouvernement respecté qu’il était peut-être déjà à cette époque-là.

J’ai gardé le souvenir d’une puissante personnalité dans ce département des Hauts-de-Seine où il avait ses attaches et où il militait. Son regard s’était naturellement tourné vers le CERES où se réunissait une ardente jeunesse à la recherche de causes qui justifiaient qu’on se dévoue pour elles. A l’époque, l’union de la gauche apparaissait comme une idée assez riche parce que certains ont perçu très tôt le potentiel que représentaient à peu près un cinquième de l’électorat français – un peu plus même – et la possibilité de libérer cette énergie d’une manière positive à partir de laquelle s’érigerait un grand Parti socialiste, neuf dans ses idées. C’est pour cela que nous nous battions.

La sympathie fut immédiate entre Jacques, sa famille et moi-même. J’ai appris à le connaître. Jacques est né à Épinal, mais il a passé sa jeunesse en Algérie. Je crois qu’il doit beaucoup à l’expérience de son père, médecin de colonisation, c’est-à-dire en fait directeur d’un hôpital de campagne, dans la région de Mostaganem, au contact des souffrances et du vécu de la population algérienne à laquelle il est toujours resté très attaché. Il aimait son pays natal et il aimait aussi le peuple fier et généreux qu’est le peuple algérien, en dehors de toute autre considération dont je vous fais grâce. Ce n’est donc pas un hasard s’il épousa en premières noces Jacqueline Tazerout, qu’il avait rencontrée sur les bancs de la Sorbonne et qui était la fille du grand intellectuel algérien Mohand Tazerout. Ce n’est pas un hasard non plus si un des derniers livres qu’il a écrits est consacré à l’Algérie, L’Algérie retrouvée, 1929 (c’est sa date de naissance) – 2014 (c’est la date de parution de l’ouvrage).

Nous n’étions pas toujours d’accord sur tout, Jacques avait ses idées. Je dirais de lui qu’il était plus social-démocrate que moi, encore que cela ne veut plus rien dire. Jacques retenait l’attention par cette générosité qui émanait de toute sa personne, par son regard attentif, sa parole précise et mesurée, et par un parti pris de modestie qui était d’autant plus méritoire qu’il ne parvenait pas à dissimuler l’intelligence supérieure qui était la sienne. Je me trouvais secrétaire national du Parti socialiste aux Etudes et au Programme, et à ce titre j’avais pressenti à un moment Jacques Fournier et Nicole Questiaux pour préparer quelques mesures, les mesures dites de « l’après 10 mai », cadeau qui fut fait à Pierre Bérégovoy, secrétaire général de l’Elysée ou plus précisément directeur de l’antenne présidentielle après l’élection de François Mitterrand en 1981. Je m’avance sur une terre inconnue, c’est la découverte réciproque de François Mitterrand et de Jacques Fournier. Je crois que François Mitterrand a très vite percé, sous ce parti pris de la modestie, les immenses qualités de Jacques Fournier et il a deviné le très grand serviteur de l’État qu’il pouvait être. Jacques Fournier a très vite pris la mesure de la personnalité de François Mitterrand, dont il a dit quelque part qu’il avait dominé la période de sa stature. Je ne dirai pas le contraire.

Je ne veux pas empiéter sur un domaine qui n’est pas celui qui m’a été assigné, et plutôt que de m’étendre sur la personnalité si attachante que fut celle de Jacques Fournier, je voudrai vous parler plus précisément de l’homme engagé. Homme engagé car il devint très rapidement le responsable du CERES des Hauts-de-Seine, et je crois me souvenir qu’il a conduit plusieurs batailles électorales, à Saint-Cloud, peut-être à Sèvres ou à Antony … Je ne me rappelle plus très bien. Pour moi les Hauts-de-Seine ce n’est pas terra incognita, mais presque ! Jacques était tout à fait conscient que l’union de la gauche recelait un très grand potentiel, encore fallait-il l’organiser, le faire mûrir, lui donner la forme des institutions. C’était ce qu’il était le mieux capable de faire.

J’évoquais tout à l’heure le côté social-démocrate, mais cela ne veut plus rien dire aujourd’hui social-démocrate. À la fin du XIXème siècle, c’était le SPD, la réunion politique des classes laborieuses, déjà syndicalisées… Cela n’empêchait pas les débats de traverser, le entre Kautsky et les marxistes d’une part, et puis d’autre part les possibilistes ou réformistes, le courant Bernsteinien, du nom de Bernstein qui considérait qu’en matière de socialisme le mouvement était tout et que l’objectif ou le programme ne valait pas la mobilisation à laquelle il donnait lieu. Il y avait cette définition de la social-démocratie qui primait dans la Deuxième Internationale. C’étaient les vents dominants. Mais le mot « social-démocrate » signifiait autre chose en Russie où le POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie) se divisait entre les Bolcheviks de Lénine et les Mencheviks de Plekhanov et de Martov dont nous nous sentions plus proches puisque nous étions partisans d’un socialisme mûri au sein du capitalisme et qui serait réglé par la démocratie. Et au fond c’est ce que nous avons fait avec le Programme commun qui prévoyait l’alternance, adaptée au contexte des pays d’Europe et d’autres pays avancés, par exemple le Chili. Et puis disons qu’il fallut tout le génie tactique de François Mitterrand pour conduire la gauche à la victoire. Jacques Fournier était un social-démocrate au sens mûr du terme. Il avait très bien compris que la démocratie pouvait être mise au service d’une transition sociale ou socialiste… Ces mots mériteraient des définitions plus précises mais je ne suis pas appelé à vous faire un cours sur ce sujet, donc j’abrège mon propos !

Je dirai simplement de Jacques Fournier qu’il avait toutes les qualités qui correspondaient à cette phase du développement de la gauche. Il avait la culture, il avait la connaissance de l’État, il avait la capacité d’innovation. Il faisait partie de ces grands réalisateurs pour lesquels ce ne sont pas uniquement les programmes qui comptent mais la manière dont on peut les traduire dans la réalité. Donc Jacques était un très bon choix de François Mitterrand – il ne pouvait pas y en avoir un meilleur – et Pierre Mauroy et Laurent Fabius ont eu beaucoup de chance, ainsi que la gauche française et la démocratie française.

J’en viens à mon troisième point : l’œuvre de Jacques Fournier, l’œuvre qu’il a réalisée. Monsieur le Président [Bruno Lasserre] vous avez parlé tout à l’heure du Secrétaire général du gouvernement, poste qu’a occupé Jacques Fournier de 1982 à 1986. Le travail qu’il a effectué dans cette période est absolument colossal. Le nombre de textes, de lois, de décrets, de règlements qu’il a fallu rédiger par centaines voire par milliers. Une tâche immense, mais Jacques Fournier était un travailleur qui ne rechignait pas. Nous lui devons certainement beaucoup. Est-ce-que j’ai besoin de rappeler les lois de décentralisation, l’abolition de la peine de mort, l’extension et la réforme de la gestion du service public et de la fonction publique, les affaires sociales, la retraite à 60 ans … Toutes ces mesures ont été mises en musique par Jacques Fournier. Si une exception avait dû être faite au fait que le poste de Secrétaire général du gouvernement était un poste trop sensible pour qu’il ne fût pas pourvu directement par le gouvernement lui-même, à mon avis cette exception aurait été pour Jacques Fournier. Il avait en effet toutes les qualités intellectuelles et morales nécessaires. Il a succédé à Marceau Long et Renaud Denoix de Saint Marc lui a succédé pour une très longue période, enjambant les cohabitations. Une anecdote : le soir de l’arrêt Nicolo (octobre 1989), alors que j’appelle Marceau Long en lui disant : « Qu’est-ce-que c’est que cette décision du Conseil d’État ? », je l’entends encore me répondre : « Le Conseil d’État ne peut rien faire contre l’air du temps. L’air du temps, c’est cela : c’est la supériorité du droit européen sur le droit national. » Cela fait encore discuter ! On voit bien que cette affaire n’est pas totalement tranchée. Jacques Fournier voyait bien qu’il y avait un problème, il le résolvait élégamment en disant que c’était une question de rapports de forces.

Mais Jacques Fournier n’a pas seulement été un très grand Secrétaire général du gouvernement. Aussitôt après cette expérience, Jacques s’est vu confier la direction d’une grande entreprise publique, Gaz de France, avec l’accord de Jacques Chirac qui reconnaissait ses mérites. Il était ainsi au cœur de la politique énergétique, cela l’a beaucoup intéressé. Il y est resté le temps de la cohabitation car il est devenu ensuite, en 1988, président de la SNCF. A la tête de ces entreprises nationales, Jacques a acquis une expérience pratique, économique, du service public, des grandes entreprises publiques. Cela complétait l’expérience qu’il avait acquise au service direct de l’État.

Il a agi et il a réfléchi. Jacques Fournier se caractérise par une praxis exigeante ; il est à la fois un théoricien et un praticien. A cet égard je voudrais conclure sur le legs qu’il nous a laissé. D’abord il se trouve que Jacques avait une réflexion politique très mûrie. Il était par exemple beaucoup plus favorable que moi, à un moment, à la cohabitation. Il avait raison. Ce système avait beaucoup d’inconvénients mais aussi beaucoup d’avantages. Il nous aurait évité par exemple le quinquennat sec qui est à l’origine aujourd’hui d’un certain malaise, il faut bien le reconnaître. Jacques était donc quelqu’un qui réfléchissait aux institutions, au service public, à la place que l’État prend dans une société comme la nôtre. On dit souvent que les dépenses publiques représentent plus de 55 % du PIB national. Mais Jacques nous a appris à distinguer entre les dépenses qui donnent lieu à la production de services et de biens qui concourent à la richesse nationale, et puis d’autre part les dépenses de transferts qui ont un effet de redistribution, qui visent à la justice sociale. Encore sur ces transferts Jacques Fournier faisait-il la distinction entre les transferts sociaux et les transferts économiques dont certains pouvaient avoir du bon mais dont d’autres pouvaient s’avérer préjudiciables à la compétitivité de la France. Bref il y avait une argumentation très fouillée, très exigeante, dans la filiation de la pensée de Jaurès sur l’État. Jaurès ne pensait pas que l’État fût un simple outil de coercition au service des classes dominantes qui opprimaient les classes dominées. Jaurès avait très bien vu que l’État était le lieu où pouvaient converger les forces sociales, où par conséquent il était possible de promouvoir de grandes réformes dès lors que l’équilibre des forces politiques dans la société le permettait. Cette théorie, infiniment plus fine et plus exigeante, Jacques l’a appliquée, et il l’a appliquée à merveille à la réalité de la fin du XXème siècle.

Je conclurai en disant que, naturellement, l’esprit de facilité, qui va de pair avec l’hyper-individualisme libéral, conduit trop souvent aujourd’hui à définir l’État comme le pelé, le galeux, d’où vient tout le mal, c’est-à-dire l’instrument du Capital et des classes dominantes – je reviens à la théorie marxiste originelle. Cela reste une vision très répandue dans une partie de la population et notamment chez les jeunes générations, cette vision qui fait de l’État le visage du Capital. C’est une vision gravement erronée. Jacques Fournier montrait que l’État pouvait être régulateur, au service de la justice sociale et de la paix civile. Lui-même brillant serviteur de l’État, il a contribué puissamment à réhabiliter l’idée de l’État républicain. Le Conseil d’État peut s’enorgueillir d’avoir compté dans ses rangs cet esprit supérieur, doublé d’un cœur généreux. Jacques a illustré ce que, aux yeux des jeunes générations, le mot « République » peut vouloir dire aujourd’hui. Loin des diatribes irresponsables qui mettent en danger la cohésion du pays et la paix civile, il a, par une pensée raisonnée et une argumentation toujours claire et ferme appliquée à des sujets contestés, bien mérité de la République. En mettant le rationalisme critique au service d’une conception exigeante de l’intérêt général, Jacques Fournier a su aller contre l’air du temps. Il a bien mérité de la France.

Jean-Pierre Chevènement

source: https://www.chevenement.fr/Hommage-de-Jean-Pierre-Chevenement-a-Jacques-Fournier-1929-2021--prononce-au-Conseil-d-Etat-le-8-novembre-2021_a2190.html

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