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François HOLLANDE : ENTRETIEN AUX INROCKUPTIBLES

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"Entretien : Quand on a de la chance, on doit la partager"

ENTRETIEN AUX INROCKUPTIBLES (SEMAINE DU 19 AU 26 JANVIER) :

Entretien > Que vous inspire le départ de Ben Ali ?

François Hollande - Les peuples finissent toujours par avoir raison des dictateurs. Parfois, c'est long, interminable même, douloureux toujours. Par des soulèvements, une jeunesse qui n'en peut plus et n'a rien à perdre comme en Tunisie crée les conditions d'une confrontation qui peut dégénérer ; c'est un risque mais c'est un mouvement irrépressible. Le départ de Ben Ali est un avertissement pour bien d'autres dirigeants. Et attention aux effets d'embrasement. Et pas seulement en Afrique.

Mais plutôt que d'attendre dans le silence les convulsions et les tumultes, les autorités françaises auraient mieux fait de peser sur le pouvoir tunisien pour favoriser les évolutions, les transitions et les changements. C'est mieux que d'apparaître comme un pays refuge pour dirigeants en fuite. Faisons en sorte que le calme revienne en Tunisie, que la démocratie sorte victorieuse, que les élections se tiennent paisiblement. C'est aussi notre responsabilité. Et que la Tunisie devienne un exemple.

Comment expliquez-vous cette timidité du gouvernement français ?

J'en conteste les prétextes. Le premier était de faire le jeu des islamistes. Mais qu'est-ce qui pouvait les servir mieux que le blocage de la société tunisienne, la dictature - parce qu'il faut appeler les choses par leur nom - de Ben Ali ou la confiscation du pouvoir par sa famille ? Comme en Egypte d'ailleurs, avec Moubarak. Faire le jeu de l'islamisme, c'était en rester à la complaisance que nous avons manifestée vis-à-vis du pouvoir tunisien.

Deuxième prétexte : nos liens historiques avec la Tunisie. L'argument est aussi servi pour l'Algérie : le pays qui a colonisé est-il le mieux placé pour formuler des jugements sur la bonne gouvernance ? La démocratie n'est pas une idée européenne que nous chercherions à imposer à l'Afrique mais une valeur universelle. Et c'est le rôle d'un pays ami comme la France que de le dire.

Troisième prétexte : y a-t-il quelqu'un pour succéder à Ben Ali? Ce n'est pas à nous de le dire. Mais quand je vois, et je ne m'en plains pas, la mobilisation pour que Ouattara en Côte d'Ivoire puisse prendre ses fonctions au nom du suffrage universel, pourquoi tant de timidité et de contorsions pour la Tunisie?

Une fois au pouvoir, si vous devez l'être, aurez-vous le même discours ? Dans l'opposition, Jacques Chirac se montrait offensif, Nicolas Sarkozy voulait envoyer valdinguer la Françafrique.

Ce que je dis là m'engage. Nous sommes à quelques mois d'une élection présidentielle. Soyons clairs : sur la démocratie, il faut appeler les choses par leur nom. Cela n'empêche pas d'avoir des relations avec les Etats et d'améliorer les rapports entre les deux rives de la Méditerranée.

Vous vous êtes rendu en Algérie fin 2010 à l'invitation du FLN. Diriez-vous que le pays est dans une situation identique ?

Il y a des facteurs communs : un système politique bloqué et, comme en Tunisie, une jeunesse bien formée qui n'arrive pas à trouver les emplois qu'elle espère. Demeurent les différences. L'Algérie a traversé une guerre civile, un traumatisme qui paralyse.

Par ailleurs, l'Algérie a des richesses et une balance commerciale excédentaire, elle possède plus de cent milliards de dollars de réserves financières, alors comment expliquer à la population qui souffre de la vie chère et du chômage que les solutions soient si difficiles à trouver ? La mauvaise gestion de l'économie comme les rigidités politiques expliquent le hiatus qui s'est élargi et les risques de la désespérance.

Je plaide pour souhaiter une ouverture de l'économie et un approfondissement des principes démocratiques. A condition de montrer à l'Algérie notre confiance ; c'est ce que j'ai fait lors de mon déplacement là-bas.

Vous n'avez pas trouvé que le PS a été lent à réagir sur Laurent Gbagbo?

Le parti ne s'est pas montré lent mais contradictoire, ça peut lui arriver (rires). Je n'ai pas compris pourquoi tels ou tels socialistes (Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Marie Le Guen, Jack Lang - ndlr) sont allés rendre visite à Gbagbo pendant la campagne. Ils ont affirmé ensuite que c'était pour surveiller la préparation du scrutin. Je leur en donne quitus. Mais ils auraient dû se caler sur la position que j'avais moimême fixée en 2004 : Gbagbo est infréquentable. Ça aurait évité quelques malentendus. Martine Aubry a été parfaitement claire lorsqu'on lui a posé la question.

La Françafrique, les rapports de la France avec les pays colonisés... Si vous êtes au pouvoir, est-ce qu'on en finira avec ces comportements ?

Il ne faut avoir ni complexe ni connivence. Le complexe reviendrait à se considérer comme coupables de la colonisation d'hier. Nous devons la condamner et assumer l'histoire même quand elle est douloureuse. Mais ce devoir ne nous interdit pas d'affirmer que bien des régimes africains ne correspondent pas aux critères de la bonne gestion, de la transparence et de la démocratie. La connivence ne vaut pas mieux.

Sous prétexte qu'il existe des relations d'Etat à Etat et des intérêts économiques communs, nous devons fermer les yeux pour ne rien compromettre ? Nous devons être intraitables sur la corruption. Ainsi, il faut laisser la justice travailler sur ces fameux comptes détenus par des chefs d'Etat africains et qui relèvent du détournement.

Ceux qui sont en France, il faudrait les geler ?

Aux hautes autorités judiciaires de le faire. En tout cas, c'est mon souhait.

Même si ça nuit à nos intérêts...

Je ne suis pas sûr que ça leur nuise. Si nous sommes présents en Afrique, c'est parce que nous apportons des compétences, pas parce que nous sommes les amis de tel ou tel chef d'Etat. Les affaires n'ont rien d'incompatible avec la clarté politique. J'en veux pour preuve que les Allemands ou les Chinois, de façon très différente, ne se retiennent pas de dire ce qu'ils ont à dire et de faire ce qu'ils ont à faire.

Vous avez plusieurs fois utilisé l'expression "Président normal". Qu'est-ce que ça veut dire, un Président normal ?

Par une mauvaise interprétation des institutions, l'idée s'impose qu'un chef de l'Etat doit sortir de l'ordinaire par son charisme ou son comportement. L'élection de 2007 s'est déroulée sur le thème de la transgression : peut-être s'agissait-il de sortir de deux présidences longues. On voulait la rupture. "Normal", qu'estce que ça signifie ? En tout cas pas terne, banal, gris, couleur muraille et sans aspérité. "Normal", cela veut dire un homme - ou une femme - stable, cohérent et qui reste sur ses positions sans avoir besoin d'échapper aux règles.

De ce point de vue, l'élection de 2012 sera très différente de celle de 2007. Nicolas Sarkozy a douché les Français avec ses exubérances et ses exhibitions. En période de crise, on attend du chef de l'Etat qu'il se révèle capable de proposer une vision, de s'y tenir, de s'adapter aux circonstances et de le faire avec des règles de comportement, une constance dans ses choix et une maîtrise de son expression. Les mots ont un sens et une portée quand on est président de la République. Il ne s'agit pas de mots ordinaires.

Le style de Sarkozy n'aura été qu'une parenthèse ?

Le pays attend du calme et du respect. Je pense que ce style de présidence n'est plus adapté à la réalité des temps.

On pense toujours au général de Gaulle ou à François Mitterrand comme à de grands hommes avec une densité culturelle, des hommes exceptionnels. Votre désir de normalité ne va-t-il pas à l'encontre de cette nostalgie ?

Charles de Gaulle était un homme exceptionnel qui a vécu une période exceptionnelle. Celle de la guerre et de la Libération. D'une autre manière, François Mitterrand venait lui aussi de cette histoire : ministre à 30 ans, participant à la reconstruction, travaillant ensuite au retour de la gauche au pouvoir. Nous sommes dans une période plus exceptionnelle sur le plan économique : fini les Trente Glorieuses, les économies fortes et fermées sur elles-mêmes. La mondialisation, un moment exceptionnel, appelle des défis.

Nous avons besoin d'autres qualités : donner une vision, mobiliser, rassembler. Nicolas Sarkozy a cru qu'on pouvait faire avancer le pays en le brutalisant, en le divisant, en dressant les Francais les uns contre les autres et en cherchant des coupables - le fonctionnaire, l'étranger, le jeune délinquant. Moi, je considère que les Francais aujourd'hui ont besoin de réconciliation, d'apaisement, d'harmonie.

Bien sûr, les clivages existent. Mais le futur chef de l'Etat aura à redresser l'économie et les comptes, mener des réformes, notamment fiscales, mettre de la cohésion nationale, régler la question des quartiers les plus difficiles, la question des jeunes. Pour y parvenir, il faut être capable de rassembler plus large que sa seule majorité. Pas en allant chercher dans le camp d'en face tel félon ou telle girouette mais en allant à la rencontre des Français eux-mêmes. Voilà le comportement d'un chef d'Etat. Mitterrand ou de Gaulle ont eu cette qualité, cette intuition et cette force : emmener derrière eux ceux qui au départ ne leur avaient pas accordé leur confiance et qui ont compris le sens de leur action.

Vous parliez de fiscalité. Ce sera un des thèmes de la campagne ?

On aurait dû déjà en parler lors de la campagne de 2007. Je m'y étais essayé, peut-être pas de la meilleure des façons.

En déclarant que toute personne gagnant au-delà de 4 000 euros net par mois est considérée comme riche ?

Oui, même si c'était juste. On n'est pas riche à 4 000 euros par mois et par personne mais on fait partie des 5 % de la population... (il ne finit pas sa phrase). J'avais dit à ce moment-là que les avantages fiscaux accordés par Dominique de Villepin et Jean-François Copé à la fin du mandat de Jacques Chirac seraient revus pour ceux qui gagnaient plus de 4 000 euros par part fiscale. La réforme fiscale n'est pas un sujet où tout le monde gagne.

Concrètement, nous auront deux débats de société. D'abord, sur quoi faut-il faire l'ajustement ? La consommation, le travail ou le capital ? Ensuite, s'il y a des dépenses à couper, et il y en aura, lesquelles ? C'est plutôt sur le capital que doit porter l'effort principal. On peut augmenter l'impôt sur les successions quitte à déduire l'ISF (l'impôt sur la fortune) de l'impôt sur les successions. Pour le travail, nous n'allons pas interdire les rémunérations excessives, mais nous pouvons les taxer.

Etes-vous pour ou contre un revenu maximal ?

Dans le secteur public, ce serait la logique puisque l'Etat est actionnaire. A lui de fixer la rémunération maximale. Dans le secteur privé, c'est la liberté. La fiscalité existe pour récupérer ce qui paraît excessif. J'assume le débat fiscal, il ne faut pas le fuir.

Au PS, vous aviez cette image de synthèse...

Oui, comme Martine Aubry aujourd'hui. Mais elle n'est pas artificielle (rires).

Vous avez changé ? Vous savez trancher aujourd'hui ?

A la tête d'un parti, on doit servir son unité, donc sa crédibilité. Face à son destin et aux Français, on doit trancher par rapport à soi-même. Il faut être anguleux non pas simplement pour créer du débat mais pour trancher les questions importantes, surtout s'il s'agit de demander des efforts aux citoyens. Ce n'est pas facile dans une campagne électorale et plus plaisant de promettre une redistribution. Mais je pense que les Français sont lucides et capables de comprendre.

Qu'avez-vous pensé du débat lancé par Manuel Valls sur les 35 heures ?

Qu'il y ait un débat sur l'organisation du travail et le temps de travail durant toute la vie, cela me semble utile. Les syndicats sont prêts à s'engager en ce sens. Quel temps accorder à la formation et au travail ? Que fait-on pour entrer plus tôt sur le marché du travail et pour en sortir plus tard afin de liquider sa retraite dans de bonnes conditions ? Cela mérite une discussion.

En revanche, sur les 35 heures, la durée légale du travail, ce serait un paradoxe que les socialistes empêchent de payer les salariés en heures supplémentaires au-delà des 35 heures et que la droite défende la position inverse ! Les 35 heures ont changé l'organisation de la vie au travail et de la vie tout court. La France reste un pays à haut niveau de productivité. Aucun partenaire social, ni le patronat ni les syndicats, n'entend rouvrir cette question. Ça prouve que l'idée est passée.

Les socialistes se sont engagés à revenir sur la réforme des retraites. Vous reprenez cet engagement à votre compte ?

Oui, il me semble injuste de demander à ceux qui ont déjà travaillé quarante et un, quarante-deux ans d'être obligé d'en faire quarante-trois ou quarante-quatre sous prétexte qu'ils ont commencé leur vie professionnelle à 18 ou 19 ans. A terme, dans cinq ou dix ans, je pense que le seul critère sera la durée de cotisation et non plus l'âge, avec une prise en compte de la pénibilité. Mais tant qu'il y a des gens qui ont commencé tôt à travailler, il faut fixer un critère d'âge.

Est-il bien raisonnable de décréter qu'on fait campagne sur la jeunesse alors que celle-ci s'abstient la plupart du temps ?

On verra, elle peut aussi se mobiliser. On l'a vu lors de l'élection présidentielle de 2007, mais elle demeure minoritaire. Même si la France a une vraie vitalité démographique, il existe davantage d'individus de 65 ans et plus que de 18 à 25 ans. Je ne m'adresse pas à la jeunesse pour la flatter ou pour la mobiliser, même si elle peut se montrer sensible à cette attention, je le fais pour m'adresser à toute la société.

Pourquoi les plus de 50 ans accepteraient-ils de faire un effort si ce n'est pour permettre que leurs enfants ou leurs petits-enfants réussissent leur vie ? Pourquoi serait-on prêt à donner une part de ses revenus, une part de son patrimoine si ce n'est pour ses enfants ou pour la génération qui vient ? Un pays comme la France n'a pas d'avenir s'il n'est pas capable de convaincre la génération qui arrive qu'elle vivra mieux que la précédente. Or la majorité de nos citoyens pense l'inverse, d'où le niveau exceptionnellement haut du pessimisme en France.

Si vous arrivez au pouvoir, quelles seront vos premières mesures ?

D'abord sur la garde des enfants et l'école primaire : c'est le début de la vie. Donner là toutes les conditions de la réussite avec une remobilisation des moyens éducatifs, des systèmes plus faciles de garde, un contrat avec les collectivités locales pour l'accompagnement scolaire et puis la réaffectation de moyens pour les écoles en difficulté. Ensuite, l'orientation à l'université qui explique les malaises et les frustrations. Beaucoup de jeunes des quartiers vivent cette situation : on leur a fait miroiter que l'université leur ouvrirait un avenir et on leur propose d'être gardien ou d'occuper des emplois peu qualifiés. Ça veut dire qu'un diplôme de l'enseignement supérieur ne garantit plus un revenu, un emploi meilleurs.

Vous voulez faire entrer l'entreprise dans l'université ?

Bien sûr, avec des systèmes beaucoup plus fréquents d'alternance entre l'université et le monde de l'entreprise. Bien des étudiants travaillent dans beaucoup de pays et on s'aperçoit que dans ce système les études se révèlent plus efficaces car la formation se fait à la fois dans l'entreprise et dans le milieu universitaire.

Ça veut dire aussi limiter le nombre de gens qui s'inscrivent en philo ou en histoire de l'art, des voies très demandées ?

On peut avoir un premier cycle ouvert. Nous n'avons pas à encourager des formations qui ne correspondent pas aux besoins non seulement de l'économie mais aussi de l'ensemble du pays. Il faut avoir ce souci de l'orientation, pas pour contraindre mais pour convaincre. L'autre problème pour les jeunes couples, c'est le logement. Il devient beaucoup plus compliqué pour un couple qui a 30 ans de louer et encore plus d'accéder à la propriété. Les prêts leur sont interdits, les cautions très élevées, la dépendance à l'égard des parents très forte... Combien restent chez leurs parents ou logent dans des habitats précaires alors qu'ils ont un emploi ?

Faut-il mettre la main sur le marché de l'immobilier ?

Il va falloir contenir la rente immobilière et mettre davantage de fluidité dans le parc social. Aujourd'hui, les personnes âgées restent dans les logements sociaux même si elles ont de trop grandes surfaces parce qu'elles ne savent pas où aller. Nous devrons trouver des formules qui permettront davantage de mobilité pour que les jeunes y trouvent leur place.

En Algérie, en Tunisie ou en Angleterre, on a l'impression d'assister à une lutte des générations. Que peut-on imaginer comme réponse ? Un pacte ?

C'est vrai : un égoïsme de génération s'installe. Le débat sur la dépendance peut encore l'accentuer. Je suis de la génération qui a bénéficié de Mai 68, qui a connu l'alternance en 1981.

C'est quand on a de la chance qu'on doit la partager. J'ai pu obtenir un prêt à 23 ans et m'acheter très jeune un logement. Pour mes enfants, c'est plus dur. Je suis conscient du phénomène et j'en mesure le risque. Mourir dans la dignité, c'est respecter ce que l'on a été, mais il faut aussi vivre dans la dignité. Je veux réconcilier les générations. Pour le travail, j'ai proposé un contrat de génération : l'employeur qui garderait un senior jusqu'à l'âge de la retraite à taux plein et qui embaucherait un jeune à qui le senior transmettrait son expérience, cet employeur-là serait exonéré de toute cotisation sur les deux emplois. Mais on doit aller au-delà : refonder une solidarité entre les seniors et les jeunes, une solidarité entre les générations.

Des deux septennats de Mitterrand, on retient entre autres la densité de sa politique culturelle et le doublement du budget de la culture. Est-ce qu'un candidat de gauche peut en proposer autant ? Que peut-il proposer d'excitant ?

En France, la culture n'est pas un luxe mais une dimension de notre conscience nationale et le gage de notre présence sur la scène internationale. A la fois sur le plan économique, politique, sur celui de la francophonie, de l'attractivité, du rayonnement de la France, la culture représente un atout. Les contraintes financières d'aujourd'hui ne nous autorisent pas à mettre des sommes que nous n'avons plus. Peut-être faut-il s'y prendre différemment. Actuellement, ce sont les collectivités locales qui financent d'abord la culture. Nous pouvons rassembler sur un certain nombre d'objectifs communs l'Etat, les collectivités locales et les entreprises. J'en connais qui seront choqués mais je crois qu'il faut mobiliser le secteur privé. C'est le grand défi à poser aux chaînes de télévision, aux opérateurs téléphoniques et aux fournisseurs d'accès à internet : nous devons les amener à participer au financement de la culture.

Vous vous voyez en directeur des programmes de France Télévisions ?

Si Nicolas Sarkozy n'était que le directeur des programmes, ce serait un moindre mal. Mais il joue aussi au directeur du personnel et parfois même au présentateur. Comme d'habitude, il en a rajouté. Son successeur devra accepter d'être un téléspectateur comme les autres. Mais je pense à une réforme très importante : la fusion du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) et de l'Arcep (l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes). On s'aperçoit aujourd'hui que par internet on pourra faire de la télévision. Il faut donc que la même autorité régule les deux systèmes. Ensuite, pour assurer l'indépendance, nous devrions présenter une liste de noms au Parlement qui donnerait son aval par une majorité large, les deux tiers par exemple.

Le PS a adopté son calendrier de la primaire.

J'avais une autre position mais ce n'est pas un calendrier qui fait gagner une élection.

Vous comprenez la logique qui consiste à laisser le temps nécessaire au favori des sondages, Dominique Strauss-Kahn ?

Qu'on veuille donner du temps à un candidat qui en a besoin, soit. Ses amis en réclamaient davantage. Les bons calendriers ne tiennent pas aux personnes mais aux circonstances. Aujourd'hui le pays attend que l'alternance prenne un visage, une forme, un contenu. Plus on reporte ce moment, plus il sera difficile de convaincre.

Est-ce une façon pour Martine Aubry d'obtenir la paix des ménages ?

Si elle a fait du François Hollande, elle l'a bien fait (rires). Il faut toujours en arriver à une synthèse. Maintenant que ce calendrier nous y oblige, le problème est de savoir si on peut en faire une machine à gagner. Telle est ma proposition : essayons d'en faire un levier. Nous n'allons pas partir dans une course de lenteur où chacun retiendrait ce qu'il a à dire. Moi je dis tout.

Pas encore que vous êtes candidat...

Sauf ça.

Pourquoi ?

Parce que cela relève de ma liberté : je parlerai quand je l'estimerai nécessaire. En plus, j'ai les cantonales en Corrèze.

Elles vont se jouer chez vous ?

Oui, à un siège. C'est aussi un principe de précaution et de respect pour le corps électoral. De quoi aurais-je l'air si je perds la présidence du conseil général et que je brigue l'investiture ?

Si vous n'êtes pas réélu président du conseil général, vous ne vous présentez pas ?

C'est un risque. J'ai des électeurs. Je dois me présenter devant eux au mois de mars, car je suis président du conseil général. Ce sont eux qui me confèrent ma légitimité.

C'est dangereux, un candidat Europe Ecologie-Les Verts au premier tour de la présidentielle ?

Aucun candidat à gauche n'est dangereux en lui-même mais quand on les additionne tous, ça peut provoquer un 21 Avril ! Prenons comme d'habitude trois candidats trostkistes, puisque nous avons cette spécificité française, un candidat Front de gauche, peut-être un candidat communiste maintenu, un candidat écologiste ou deux, j'espère un seul mais c'est un autre débat, un radical, peut-être et Jean-Pierre Chevènement pour couronner le tout. Et puis on fait comme si on n'avait jamais vu le film ? Je n'oublie pas ce qui se passe au centre-droit : on voir poindre des candidats anti-Sarkozy de droite. Que vont faire Dominique de Villepin et François Bayrou ? Ils vont manger des voix pas simplement à droite mais aussi au centre et un peu à gauche. Donc on va avoir quinze ou dix-sept candidats ? Et tout le monde dit : attention à Marine Le Pen, ses idées progressent. J'insiste : le premier tour, c'est le tour décisif. Nous avons tous les yeux fixés sur le second tour mais il reste que le premier détermine tout. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy n'a pas d'autre tactique que d'arriver le plus haut possible au premier tour avec l'écart le plus grand entre le candidat socialiste et lui. Deux conséquences à cela. La première, pour le candidat socialiste : il doit être vraiment socialiste et ne pas aller chercher sur sa gauche ou sur sa droite des électeurs qui ne viendront pas.

Vous êtes populaire à droite...

Peut-être ceux-là n'iront pas voter pour moi. Il faut que le candidat socialiste corresponde à des électeurs socialistes et qu'il n'ait rien à craindre de son identité, qu'au contraire il revendique ce qu'il est, ce que nous sommes, ce que nous avons fait.

Deuxième conséquence : rassembler dès le premier tour un certain nombre de candidats. Il ne va pas de soi que Jean-Pierre Chevènement soit un protagoniste.

Il envisage de se présenter...

Essayons de l'en dissuader. Pour ce qui est des écologistes, je souhaite que le Parti socialiste conclue avec eux un accord de gouvernement. Il vaudrait mieux y parvenir avant l'été 2011 et le début de la campagne présidentielle.

On doit aussi leur proposer des circonscriptions, de telle sorte qu'ils puissent avoir un groupe à l'Assemblée nationale, et éventuellement, s'ils le décident, une participation à la primaire socialiste. Pour l'instant, ils n'y sont pas favorables, je respecte leur choix. Le PS ne pourra pas gouverner seul. Il faudra une coalition gouvernementale et donc des alliés.

Jean-Luc Mélenchon est-il un allié ? Il qualifie les socialistes d'" assassins", d'" affameurs du peuple".

Il va loin dans l'égoïsme partisan. Il se trouve néanmoins allié avec le parti communiste qui rappelle à chaque fois qu'il veut, lui, faire gagner la gauche. Mélenchon doit trouver le bon équilibre. Pour l'instant, il nous a frappé avec ses béquilles !

Il y a deux tours pour la primaire. Est-ce que vous vous imaginez vous retrouver au second tour face à Ségolène Royal ?

Je vais vous répondre aussi franchement que je peux. Je ne suis pas dans la politique-fiction. Je ne me demande pas ce que vont faire l'une, l'autre et le troisième.

Je me demande seulement quels vont être ma responsabilité, mon devoir et peut-être mon destin. En aucune façon, je ne me préoccupe de mes concurrents pour la primaire. Avec Ségolène Royal, nous avions une vie commune il y a quelques années, nous nous sommes séparés.

Nos vies personnelles sont distinctes, nos vies politiques se situent au Parti socialiste. Je n'ai rien d'autre à dire. Seul compte ce que nous avons l'un comme l'autre à proposer aux Français - ça vaut pour tous les protagonistes à la primaire.

Marine Le Pen vient de se faire élire à la tête du FN. Le PS doit-il adopter une stratégie particulière face à l'extrême droite ?

Le PS doit regarder ce qui s'est passé en Europe, c'est-à-dire la façon dont l'extrême droite a utilise l'islam à des fins électorales. Le discours de l'extrême droite en Europe - et celui de Marine Le Pen ne fait pas exception -, ce n'est plus l'étranger, ce n'est plus seulement l'immigré, c'est le musulman. Il ne s'agit plus de vouloir chasser un étranger parce qu'il prend un emploi aux Français mais de lancer une guerre des religions au prétexte que nous serions menacés dans nos modes de vie et dans nos principes républicains. Il s'agit d'une captation du concept de laïcité. Il faut demeurer ferme devant cette manipulation, cette instrumentalisation extrêmement dangereuse qui aboutirait à radicaliser les positions religieuses. Voilà pourquoi nous devons défendre les chrétiens d'Orient et le droit des musulmans d'Occident à pratiquer leur religion. Deuxième sujet de fermeté : la laïcité garantit la liberté religieuse mais la religion doit demeurer dans un espace privé et non pas déborder dans l'espace public. Et chaque fois qu'il y a entorse à ce principe, il faut y mettre un terme, et vite.

Pourquoi ne faites-vous plus de blagues ?

L'humour est une arme formidable en politique et je n'y renoncerai pas, notamment dans les campagnes électorales : c'est peut-être le moyen le plus efficace pour capter des électorats rétifs à la politique. Mais à la télévision, en une ou deux phrases, le second degré devient très compliqué et ce que vous croyez être de l'humour ne passe pas pour tel. En plus, faire rire, ça ne fait pas sérieux. J'essaie d'en tenir compte, mais il faut savoir l'utiliser à bon escient. Et la période actuelle n'est pas drôle avec les Français.

Vous avez de bons sondages. Vous n'avez pas peur d'un effet de mode ?

J'étais à la tête d'un parti pendant dix ans et ce n'est pas forcément la fonction qui rend le plus populaire. On aime les hommes libres : aujourd'hui j'en bénéficie. L'important, c'est de toucher le peuple dans ses profondeurs. Par la presse, car je la respecte. Par la télévision, mais ce n'est pas là que je me sens le plus à l'aise, même si ce mode d'expression s'impose comme l'instrument principal. Je pense plus à un rapport traditionnel avec les élus et les militants. Je crois à ce contact : nous devons incarner la politique.

Façon Chirac ?

Ou Mitterrand. La politique à l'ancienne, le contact direct, c'est la politique de demain.

Vous reconnaissez être à la mode ?

Si vous êtes venu me voir, j'imagine...

Propos recueillis par Thomas Legrand, Marion Mourgue et Bernard Zekri

SOURCE :http://www.francoishollande.fr/entretien-quand-de-la-chance-doit-la-partager

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