"POUR UNE VRAIE REFORME DE l’AIDE JURIDICTIONNELLE" par Etienne TARRIDE (Billet politique)

L’actuelle action des avocats ne durera pas longtemps j’en suis convaincu et ne peut déboucher que sur une situation difficile pour les Ordres. La question est secondaire sauf pour noter qu’il ne s’agit pas d’une grève, puisqu’il n’y a aucune perte corrélative de salaire, de traitement ou d’émoluments. Même si le mouvement tournait à la grève générale des plaidoiries les conseils resteraient payants.
Le Gouvernement s’est mis dans une situation détestable du fait des violences exercées sur les Avocats, du fait aussi que le ravaudage proposé n’a pas grand sens. Il serait donc souhaitable de retirer purement et simplement le projet en cause pour annoncer une grande réforme à mettre en chantier avec la plus large coopération des représentants des avocats.
Il est en effet constant que le système actuel fonctionne mal ou plutôt ne fonctionne pas du tout. Il en résulte une inégalité entre les justiciables mais aussi entre les Avocats, même si les Avocats les plus en difficulté coopèrent aujourd’hui au maintien d’un système qui leur nuit par respect pour les Bâtonniers.
Il en résulte aussi une différence mal tolérable entre le Barreau de Paris et les Barreaux de province et plus encore de périphérie
De ce point de vue la mise à contribution financière des cabinets qui n’assurent jamais d’Aide Juridictionnelle comme le proposait le rapport Darrois ou des Carpa comme le proposait Madame Taubira est loin d’être une perspective absurde mais ne sera Jamais accepté par la profession ou plutôt par ses actuels dirigeants. Je le regrette, je le constate.
Quatre observations peuvent être faites sans entrer trop avant dans une technique complexe :
- Les revenus permettant de bénéficier de l’Aide Juridictionnelle ( AJ) sont trop bas. Il faut augmenter le nombre des bénéficiaires. Sur ce point le projet est louable
- Les honoraires perçus par les Avocats d’AJ sont misérables.
- Le système est trop complexe tant en ce qui concerne l’admission à l’AJ qu’en ce qui concerne les honoraires pouvant être réclamés par l’Avocat si le client obtient satisfaction.
- le budget de l’AJ est de l’ordre de 400 Millions d’Euros annuels comprenant la rémunération des organes juridictionnelle.
Il est possible, à partir de ces considérations qui sont parfaitement opposable aux Ordres des Avocats qui semblent souhaiter maintenir un système qui fonctionne mal, d’envisager soit une réforme profonde d’un système qui ne fonctionne pas soit une vraie révolution.
LA REFORME PROFONDE
Les personnes pouvant bénéficier de l’AJ se divisent en trois groupes
- Les justiciables qui peuvent espérer obtenir des sommes plus ou moins importantes à l’issue du procès ( salariés licenciés, femmes qui divorcent, accidentés de la route ou du travail, parties civiles au pénal).
- Les justiciables qui ne peuvent espérer aucun gain du procès mais seulement une économie ( affaires de loyers, hommes qui divorcent, auteurs de fautes civiles)
- Les personnes poursuivies au pénal ou placées en garde à vue.
Une réforme permettrait de supprimer la première catégorie en autorisant les Avocats à ne percevoir que des honoraires de résultat sous forme d’un pourcentage des sommes obtenues. Une convention d’honoraires interviendrait, sous contrôle du Bâtonnier qui fixerait le pourcentage des honoraires à percevoir par exception à l’interdiction du pacte « De quota litis ». Une Loi serait nécessaire. Le pourcentage serait naturellement supérieur aux 10 % habituels il pourrait être de 15% ou 20%, mais l’Avocat ne percevrait aucun honoraire de diligences pendant la durée du procès ni aucune provision.
Une telle réforme réduirait sans doute de 50 % la masse des sommes à allouer pour l’ensemble de l’AJ et donc d’augmenter substantiellement mais à budget constant les honoraires à allouer aux Avocats dont les clients se trouvent dans les deux autres cas de figure et par application du mécanisme actuel.
LA REVOLUTION
Le budget de l’Aide Juridictionnelle, plus de quatre cent millions d’Euros, permettrait de rémunérer de façon très satisfaisante plus de cinq cent avocats qui exerceraient à plein temps l’activité d’aide juridictionnelle et serait déontologiquement responsables de l’acceptation ou non de leurs clients en fonction de critères sociaux. Ces clients ne leur verseraient évidemment aucun honoraire sauf peut-être une participation personnelle de l’ordre de cent d’Euros à titre de ticket modérateur.
Les quatre cinquième de ces Avocats doivent être hors Barreau de Paris et répartis, au niveau des Cours d’appel en fonction du nombre d’affaires d’AJ enregistrées l’année précédente.
Deux voies sont possibles. Soit demander aux Avocats dès leur prestation de serment ou en cours de carrière de choisir entre la voie libérale pure et l’aide juridictionnelle, soit permettre à des Avocats d’exercer en A J à plein temps pendant une durée limitée, cinq ans apparaît la meilleure des durées envisageables, renouvelable une fois ou non renouvelable. Cette option permettrait d’éviter le création de ce qui serait un nouveau corps d’officiers ministériels
Cette décision révolutionnaire à laquelle certaines organisations d’Avocats ont déjà pensé permettrait d’éviter les considérables complications qu’entraient aujourd’hui le tenue des divers bureau d’AJ qui statuent sur l’attribution de l’AJ puis le retour à meilleure fortune qui permet à l’avocat et aux huissiers de Justice d’obtenir rémunération.
Il faut s’attendre à de considérables protestations de la profession, comme en suscite toute réforme réelle. Il faudra donc débattre longuement du sujet avec les groupes représentatifs avant de la proposer officiellement.
CONCLUSION
Le problème posé est sérieux au delà des criailleries actuelles. Il peut être l’occasion de proposer une réforme authentiquement de Gauche, ce que nous appelons la solution révolutionnaire. Il faudra très probablement en passer parla proposition dite réformiste.
Il faudra aussi mobiliser l’opinion sur un sujet qu’elle comprend mal et croit que l’A J est réservée aux mauvais avocats et ne garantit pas une bonne défense ce qui est radicalement faux, de même qu’est radicalement fausse l’idée selon laquelle payer très cher garantit une défense efficace.
Etienne TARRIDE*
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*Etienne TARRIDE - ancien avocat au barreau de Paris, gaulliste de gauche - publie des billets en exclusivité pour POLITIQUE-ACTU.COM