« Où sont passés les meubles de l’Elysée ? »

La Cour des comptes constate d’importantes disparitions de meubles et d’objets d’art dans les résidences présidentielles mais juge impossible toute poursuite pénale, contrairement aux autres lieux de la République. Ce qui était en soi consternant, vu les trésors que l’Elysée s’octroie pour faire briller la France aux yeux de ses hôtes mais qui en prive de fait ses vrais propriétaires, citoyens et visiteurs de musées.
EN CES TEMPS TOURMENTÉS où la confiance envers nos élites politiques est quelque peu érodée, voilà qui ne va pas favoriser un sentiment contraire. L’année dernière, dans son rapport sur la gestion des services de la Présidence de la République, la Cour des comptes n’avait pu que constater la confusion entourant l’identification des meubles et objets d’art nationaux en dépôt dans les différentes résidences présidentielles [1]. Ce qui était en soi consternant, vu les trésors que l’Elysée s’octroie pour faire briller la France aux yeux de ses hôtes mais qui en prive de fait ses vrais propriétaires, citoyens et visiteurs de musées. Des réquisitions d’autant moins justifiées quand il s’agit de résidences quasi privées comme la Lanterne à Versailles ou le Fort de Brégançon dans le Sud. Un récolement avait bien été initié en 2007, sans rapport avec la prise de fonction de Nicolas Sarkozy, mais pour ce qui relevait du Mobilier national l’Elysée n’avait pu le produire à la Cour, le déposant n’ayant "pas encore effectué le récolement de ses propres stocks". Quant au reste, dépôts des musées nationaux, de la Manufacture de Sèvres et du Fonds national d’art contemporain (FNAC), le rapport n’en parlait même pas. Un inventaire sur support informatique était en cours d’élaboration.
Un an plus tard, où en sommes-nous ? L’inventaire n’est pas fini mais il a déjà pu révéler "une situation aussi défectueuse que dans les autres administrations de l’Etat". Allusion à la commission de récolement qui travaille depuis 1997 à localiser les dépôts d’oeuvres d’art dans les ambassades, ministères et autres lieux de la République suite à un rapport déjà catastrophiste de la Cour des comptes en 1996 [2]. En 2009, à la demande de la ministre de la Culture Christine Albanel, la commission présidée par Jean-Pierre Bady rendait public un état des lieux consternant, 16 600 objets s’avérant non localisables sur plus de 133 000 dispersés ici et là, soit 10% du total ! Sans compter les 28% d’oeuvres restant à récoler et les 122 000 dépôts relevant de la seule Manufacture de Sèvres non vérifiés. Le cancre se révélait être le ministère de l’Education avec 45,7% d’oeuvres disparues. L’Elysée, dans le travail de la commission, était épargné, son récolement débutant à peine.
Depuis 1997, la commission révélait que seulement 845 pièces avaient pu être retrouvées quand les plaintes pour vol des objets les plus précieux s’accumulaient. Déjà 1000 en dix ans. Initiative encouragée en 2004 par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin sous la menace, pour les institutions dépositaires, de se voir réclamer un titre de perception d’un montant égal à la valeur estimée de l’objet disparu [3]. Ces plaintes quand elles ne sont pas classées sans suite par les procureurs de la République, ce qui arrive trop souvent aux yeux de la commission, sont traitées en toute discrétion par l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) dépendant du ministère de l’Intérieur, les objets photographiés se retrouvant sur le fichier TREIMA (Thesaurus de Recherche Electronique et d’Imagerie en Matière Artistique) parallèlement aux listes établies par le Conseil international des musées (ICOM) dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Si la République semblait prendre la mesure de la gestion catastrophique de ses dépôts d’art, Didier Rykner publiait en mai 2009 sur le site www.latribunedelart.com une enquête pointant les nombreuses irrégularités entourant certains d’entre eux, assombrissant un peu plus le tableau.
SOURCE :
http://www.louvrepourtous.fr/Ou-sont-passes-les-meubles-de-l,569.html
[Merci à Claude]