"La grippe A dévoile le fichier de la Sécu" Georges Moréas, Commissaire principal honoraire de la Police Nationale
La campagne de vaccination contre la grippe A est lancée ! « Par millions, des bons sont déjà arrivés dans les boîtes… », a annoncé Roselyne Bachelot. Cela concerne les personnes souffrant de certaines pathologies. Et l’on découvre ainsi que nous sommes fichés en fonction de nos maladies…
Mais de quel droit la Sécu s’affranchit-elle du secret médical ? On nous a imposé un médecin traitant, c’est donc lui qui est en charge de notre santé. C’est donc lui qui sait si l’on doit se faire vacciner ou pas. Mais dans cette épopée où se mélange santé, fric et politique, personne ne lui demande son avis à notre toubib.
Et comment diable cette administration peut-elle connaître nos petites maladies ? Je ne vois qu’une réponse : nous sommes fichés en fonction de critères liés aux médicaments, aux examens, aux analyses, etc. Donc, si vous êtes asthmatique, par exemple, vous êtes fiché asthmatique et vous allez probablement recevoir un bon de vaccination.
J’ai fait un micro-trottoir dans mon entourage, qui n’a évidemment aucune valeur, comme ceux qu’on nous sert régulièrement à la télé. Vous savez, le type planté sur le quai de sa gare de banlieue qui attend son train un jour de grève : Qu’est-ce que vous pensez de la grève ? lui demande finement le journaliste. Donc, dans mon entourage, ça ne choque personne que la Sécu nous classe en fonction de nos maux.
Moi si. Et pour au moins deux raisons.
D’abord, la sécurité sociale ne se contente pas de rembourser nos prestations médicales, comme on pourrait le croire. Elle a également un service de contrôles et d’enquêtes pour lutter contre la fraude sociale. Ainsi, les articles L.114-19 et suivants du Code de la sécurité sociale ont institué, en 2008, la possibilité pour ses agents d’interroger les administrations, les entreprises, telles que les banques, les fournisseurs d’énergie, les opérateurs téléphoniques, etc. Comme des flics, quoi !
Vous me direz : en quoi nos communications téléphoniques peuvent-elles intéresser notre centre de Sécu ? Franchement, aucune idée. Sauf à imaginer, par exemple, de contrôler vos appels si vous êtes en arrêt-maladie… Mais là, je dis n’importe quoi. Faut quand même pas tomber dans la paranoïa, hein !
Dans l’autre sens, le fichier de la Sécu intéresse évidemment la police. C’est The fichier ! Celui qui englobe quasiment toute la population. Il peut servir à identifier quelqu’un, à le loger, à connaître son employeur… Mais on peut faire plus. On peut par exemple l’interroger pour savoir si Treiber ne prend pas un médicament de façon régulière… Ce qui permettrait de sensibiliser les pharmaciens, surtout pour un médicament rare. Mais ça ne doit pas être le cas, puisqu’il est toujours en cavale - ce qui fait d’ailleurs languir certaines rédactions qui ont mitonné une édition spéciale pour le jour où il se fera prendre.
Et bientôt, le fichier Périclès va rendre les choses encore plus faciles en permettant non seulement d’interconnecter tous les fichiers de police et de gendarmerie, mais également les bases de données d’autres administrations - dont probablement la sécurité sociale… On peut dire qu’on a de la chance. On est certes surveillés de toutes parts, mais c’est pour notre bien…
N’empêche que pour nos petites maladies… D’ici qu’on les retrouve dans un fichier de police…
Vous savez lorsqu’on met en balance sécurité et vie privée, beaucoup de gens (même sur ce blog) répondent : je m’en fiche, je n’ai rien à cacher. Eh ben moi, je m’en fiche, je suis en bonne santé - pour le moment.
Georges Moréas
Commissaire principal honoraire de la Police Nationale
http://moreas.blog.lemonde.fr/2009/11/10/la-grippe-a-devoile-le-fichier-de-la-secu/