« Une révolution militaire en sous-sol ? » Bernard WICHT, Maitre de conférences à l’Université de Lausanne
Docteur en droit, Bernard Wicht est Privat-docent à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne où il enseigne la stratégie. Il est l’auteur de plusieurs publications dans ce domaine: L’OTAN attaque : la nouvelle donne stratégique (1999); Guerre et hégémonie : l’éclairage de la longue durée (2002); Une nouvelle Guerre de Trente Ans : réflexion et hypothèse sur la crise actuelle (2011). Son dernier ouvrage s’intitule « Europe Mad Max demain: retour à la défense citoyenne »: il s'agit d’une approche prospective sur la transformation radicale des formes d’organisation militaire et son impact la construction de l’action stratégique. A côté de ses activités scientifiques, Bernard Wicht a participé à plusieurs négociations internationales avec l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ou avec la Commission Européenne.
Le concept de «révolution militaire » a été élaboré par des historiens anglo-saxons dans les années 1950. Largement discuté et utilisé dans le monde anglophone depuis, il est relativement peu connu des historiens de langue française. Il postule que, lorsque les transformations militaires atteignent une certaine masse critique en terme de durée, de volume et d’expansion géo-stratégique, elles ont alors un impact déterminant sur les formes d’organisation socio-politiques. La thèse de la révolution militaire associe ainsi la formation de l’Etat moderne en Europe aux mutations de l’art de la guerre intervenues à partir de la fin du XVIe siècle avec l’apparition des armées professionnelles, l’utilisation systématique des armes à feu et la croissance exponentielle des effectifs. L’ampleur de ces mutations et leur durée contraignent dès lors les Etats à se doter des institutions de gouvernement nécessaires à l’entretien de ce nouvel outil militaire, en particulier l’impôt et une administration centralisée capable de le lever : d’où la formule de Charles Tilly, « la guerre fait l’Etat ».
L’hypothèse d’une révolution militaire en sous-sol s’appuie sur ce raisonnement. Elle se demande si le développement ininterrompu et exponentiel des divers mouvements de partisans et de guérilla depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours, l’autonomie financière à laquelle ils sont parvenus à partir des années 1980 grâce à la libéralisation des flux financiers et à la montée de l’économie grise, ne conduisent pas, là aussi, à la formation de nouvelles formes d’organisation socio-politiques. FARC colombiennes, Hezbollah, Hamas, complexes politiques émergents en Afrique sub-saharienne et plus récemment l’EI traduisent un tel phénomène. Il faut donc s’interroger si on n’assiste pas à la naissance de formes proto-étatiques capables de concurrencer l’Etat moderne, voire de le supplanter ?
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