« RETOUR DU SACRE & BLASPHEME » Echanges Simone LE BARON - Jean-Luc PUJO - 10 Janvier 2020

[Photo : géométrie sacrée]
POST de Simone LE BARON - 10 janvier 2010 suite à l'article « RETOUR DU SACRE & BLASPHEME – courtes réflexions libres » Jean-Luc Pujo - Billet du temps présent.
"La notion de sacré (iero, ιερό ) pour les Européens remonte à l'époque d'avant le Minoen. Tous les peuples anciens, de l'Antiquité européenne avaient une notion commune du sacré.
Le mot de blasphème est grec (quand il y a "ph" dans un mot, il vient directement du grec), il existe depuis ces époques très reculées. Par exemple, Socrate fut accusé de blasphème.
Les notions de sacré et de blasphème ne sont pas individuelles mais communes à un groupe ethnique donné.
Avec le monothéisme, ces notions ont changé de sens, et encore plus avec le multiculturalisme.
Dans un pays comme la France, le sacré n'existe plus étant donné qu'il y a séparation des églises et de l'Etat.
Les musulmans qui arrivent de terres islamiques l'ignorent, ne le conçoivent pas, et les chrétiens qui essaient de se protéger de leurs "blasphèmes" ne se rendent pas compte qu'en France ça ne veut rien dire.
Voilà le problème actuellement en France et plus généralement en Europe de l'ouest."
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REPONSE de Jean-Luc PUJO - 10 janvier 2020
Merci Simone Le Baron pour votre commentaire et votre rappel si utile sur l’étymologie de ces termes.
Cependant, je suis en désaccord avec vous sur plusieurs de vos affirmations historico-philosophiques :
1 – « Avec le monothéisme, ces notions ont changé de sens, et encore plus avec le multiculturalisme. » : Je pense que le monothéisme n’est pratiquement en rien responsable de ce changement – la datation du phénomène est d’ailleurs bien postérieure, post-renaissance -. Le multiculturalisme quant à lui est contextuel, il génère du relativisme avant de créer du conflictuel puis de la violence. Les notions de « sacré et de blasphème » vont donc devenir sources de conflits et d’affrontements dans notre contexte multiculturel mais ne sont pas fondamentalement redéfinis par celui-ci.
2 – « Dans un pays comme la France, le sacré n'existe plus étant donné qu'il y a séparation des églises et de l'Etat. » : A mon sens, ce n’est pas la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui a détruit le sacré mais le contraire. C’est la destruction du sacré (suite à la non-compréhension du sacré, de son rôle essentiel chez l’Homme) qui a rendu possible la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Vous soulevez là un point extrêmement important. La destruction du sacré – non remplacé - est une erreur fatale pour la République et la Révolution Française. Robespierre l’avait très bien compris qui a tenté en vain de sacraliser la Révolution – notamment en instaurant le Culte de la raison. Cet échec est fatal à la pensée républicaine. Depuis, l’absence de sacré rend la France et la République orpheline d’une pensée totalisante aboutie. C’est notre drame philosophique.
La loi de 1905 que d’aucuns tiennent pour le firmament du génie français est malheureusement à revoir, à repenser… le pire étant bien sûr de la repenser sous le prisme du sarkozysme – la fameuse « laïcité positive » qui n’est qu’une absurdité. Toujours penser par le haut.
L’abandon du sacré peut être daté - dès le XVII-XVIII - avec les courants exceptionnels des penseurs catholiques – Fénelon et Lamennais notamment – préparant/accompagnant l’accouchement des Lumières.
Mais la Révolution Français n’a pas su répondre à cette injonction : détruire le sacré porté/incarné par la Monarchie absolue de droit divin imposait un substitut à ce jour jamais (re)trouvé.
Heureusement (!) pour la République hémiplégique, le matérialisme structurant imposé par la société de consommation nous délivre un nouveau sacré, en une multitude d’objets, d'images et de mythes nouveaux… qui ne sont que des leurres. De quoi tenir quelques heures.
3 - « (…) le sacré n'existe plus » dites-vous. Là encore, je suis en désaccord. Nous sommes entourés de sacré. Mais c’est un sacré sans valeur aucune. D’ailleurs le système de consommation ne s’évertue-t-il pas à nous délivrer chaque jour notre pitance de sacré ? Nous voilà philosophiquement et psychiquement doublement floués. D’où notre malheur philosophique et spirituel.
4 – « Les musulmans qui arrivent de terres islamiques l'ignorent » :
Là aussi, je suis en désaccord. Les musulmans portent en eux du sacré – d’origine essentiellement religieuse mais pas que – En cela, ils pourraient nous apporter beaucoup, notamment dans la nécessité de renouer avec « le sacré de la vie » (cf. mon dernier article « Réussir l’Humanité* »). Malheureusement, la plupart des musulmans en France maitrisent mal le contour des défauts … et des qualités philosophiques dont ils sont porteurs. Ils insistent par leurs points faibles trop enfermés dans une religiosité fausse. Ils n’ont pas les outils – pas encore – pour opérer leur propre dépassement (leur propre renaissance) et nous apporter en retour ce qui pourrait résonner en nous.
Les Français souffrent dans cette impasse philosophique et spirituelle.
Il faut renouer avec le sacré. J’ai pronostiqué une possibilité de renouer avec le «sacré de la vie ». Possible belle métamorphose. En sommes-nous capables ?
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Chère Simone Le Baron.
Tous mes meilleurs vœux pour 2020.
JLPujo
*« Réussir l’Humanité » Jean-Luc PUJO - Ce texte a été publié dans l’ouvrage collectif « L’autre voie pour l’Humanité - 100 intellectuels s’engagent pour un post-capitalisme » dirigé par le poète et penseur André Prone. Edition DELGA - décembre 2018. - http://www.politique-actu.com/actualite/reussir-humanite-jean-pujo/1772805/