« Sois heureux ! » Pape François - édit Philippe Rey - La chronique anachronique de Hubert de Champris

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François, Sois heureux!, Philippe Rey, 320 p., 20 €.
Voici un livre qui ne dépareillerait pas au rayon «Développement personnel» de nos librairies, qui plus est lorsqu’il est arboré d’une bande sur fond bleu où est inscrite ce mot d’ordre bien propre à notre époque post-moderne: Le bonheur est possible, dès maintenant.
Mais quel est donc l’auteur de pareil ouvrage ?
Un de nos bateleurs de plateaux télévisés ?
Un médecin, un psychologue médiatique ? Une vedette de cinéma qui nous ferait la bonté de nous livrer ses recettes de bien-être psychique comme elle nous ferait don de la composition de ses masques de beauté ?
Que nenni !
Notre auteur détient le titre de vicaire du Christ, ce qui n’est quand même pas rien.
Précisons que le susdit répugne à ce que nous le désignons ainsi.
Peut-être, un jour, un François II sera-t-il élu ; en attendant – alors qu’il y a bien eu un Jean-Paul Ier - ne saurait-il y avoir de François Ier.
Il aime à se banaliser, les mauvaises langues diraient : ‘‘ à faire peuple’’.
A tort, car sur ce plan-là, l’évêque de Rome est un homme de foi.
Oui, le pape actuel, comme l’indique de lointains textes prémonitoires (pour ne pas dire prophétiques) «des Romains [de la tradition catholique romaine] ne sera trop conforme.»
C’est dire qu’il plaît avant tout aux… chrétiens, à ceux, aussi, qui ne le sont point, et beaucoup moins aux catholiques et aux orthodoxes.
Pape de paradoxes, non pas pape hétérodoxe toutefois.
Il ne touche pas à la partie juridiquement dogmatique de la doctrine chrétienne; ce à quoi nos mauvaises langues ajoutent encore : ‘‘certes, certes… mais c’est là un peu par défaut, à la manière des papes Borgia, qui, eux aussi, n’ont point erré, mais c’était tout simplement parce que cela ne les intéressait pas’’. (Cela dit, à la vérité, comme l’ont pu être momentanément des papes comme Jean XXII ou Libère, François, guère théologien, plus féru d’immanence que de transcendance, humaniste et très peu mystique, homme de paroles plus que de sémantique, demeure, que ce soit à l’échelon dogmatique ou doctrinal, souvent borderline, sans, cependant, qu’il ait été jusqu’à présent pris en flagrant délit).
On ne déconseillera donc pas la lecture de cette compilation, de ce florilège des perles de notre souverain pontife, si peu souverain, si peu pontifiant, et qui se veut proche des gens (et très loin de la curie); on ne la déconseillera pas à condition d’en faire une lecture critique, à tout le moins amusée, comme quelque chose à ne pas prendre au sérieux, comme quelque chose d’important cependant.
Car si ces pensées peu religieuses, ainsi qu’aurait pu le souligner l’essayiste et avocat gaulliste et catholique romain Etienne Tarride, ne disent rien de la religion catholique romaine, elles disent beaucoup de l’esprit (die zeit) de notre temps, de l’esprit du monde, qui, comme on le sait, est bien éloigné du monde de l’Esprit.
Hubert de Champris
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