« Etat islamique, anatomie, du nouveau Califat » par Thomas Flichy de La NEUVILLE, Professeur à l’Ecole Militaire de Saint-Cyr
Professeur à l’Institut d’études politiques de Bordeaux, à l’École navale puis à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, Thomas Flichy de La Neuville est spécialiste de la diplomatie au XVIIIème siècle. Ancien élève en persan de l’Institut national des langues et cultures orientales, agrégé d’histoire et docteur en droit, ses derniers travaux portent sur les relations françaises avec la Perse et la Chine à l’âge des Lumières
Envisagé dès 2004 par le National Intelligence Council, l’avènement de Daesh n’est pas une surprise pour tout le monde. Sa nature est double puisque cette organisation se présente tout à la fois comme une construction politique et un rêve, celui de prendre une revanche sur les armées qui défirent le Califat au XIIIe siècle. S’il se présente comme une surenchère religieuse, en réaction au régime baasiste et au piétisme shiite, l’Etat islamique demeure une construction fragile, fondée sur des tribus au jeu politique opportuniste. Ses chefs, qui se présentent comme des officiers déclassés utilisent l’organisation pour poursuivre leur fin propre, celle de la reconquête du pouvoir. Dans ces circonstances, comment expliquer l’expansion de l’Etat islamique ? La désorganisation économique qu’il engendre profite aux intérêts saoudiens, tout en nuisant à la Chine, qui convoite les champs pétroliers irakiens. D’autre part, cet Etat attire des djihadistes dans la mesure où il se présente comme la réponse à une humiliation : depuis le XIIIe siècle, le monde arabe a, en effet, perdu la maîtrise de son destin politique. Organisation tout à la fois rationnelle et totalitaire, Daesh a gagné l’estime des populations en veillant à éviter le chaos dans les territoires conquis. Bien armé, disposant de fonds importants, il est adapté au monde qui vient : autant Al-Qaïda était soluble dans la mondialisation, autant l’Etat islamique a eu l’intuition que le monde de demain serait composé de nations. En renouant avec le passé, il a pris un temps d’avance. Pour le vaincre, la coalition occidentale n’aura d’autre choix que d’envisager une solution politique pérenne. Faute de quoi, la guerre s’éternisera.
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