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Le Conseil constitutionnel se fera-t-il hara-kiri ? par Manuel de Diéguez, un des plus grands philosophes contemporains.

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[Avertissement : L'actualité politique et législative me contraint de remettre à la semaine prochaine la mise en ligne de la seconde partie de La Nef des fous, ou le ballet des catastrophes, parce que le mardi 23 avril le vote de la loi sur le "mariage pour tous" a présenté un cas d'école de nature à illustrer de la manière la plus saisissante les carences culturelles qui frappent un Etat dont la science juridique ignore les fondements de l'anthropologie critique.]

*

- DU "MARIAGE POUR TOUS"- 

 1 - Le Conseil constitutionnel et la philosophie de l'Etat
 2 Le Conseil constitutionnel et les mots de la raison
 3 - Le mot mariage
 4 - L'ironie de la raison 
 5 - L'humour et la loi 
 6 - La solitude philosophique de la France
 7 - Psychobiologie des identités collectives 
 8 - La danse des mots
 9 - Une République schizoïde 
 10 - Votre lucidité géopolitique 
 11 - Lisez, lisez, lisez…

*

- Le Conseil constitutionnel et la philosophie de l'Etat

L'institution que vous incarnez est sans doute la plus révolutionnaire que le droit public ait jamais placée au cœur des Etats civilisés. Jamais les législateurs du monde antique n'avaient songé à confier à des juristes éminents la surveillance et le contrôle au grand jour du pouvoir législatif et du fonctionnement constitutionnel des démocraties, afin de protéger de l'intérieur les nations des atteintes de la maladie chronique qui les menace depuis l'invention des cités - j'ai nommé la tyrannie.

Ne nous y trompons pas, c'est le despotisme que vous avez vocation de combattre, c'est du despotisme que vous avez le devoir de préserver les Etats. Rendons hommage au Président Giscard d'Estaing qui, le premier, a compris que la souveraineté des peuples représentés par leurs élus au suffrage universel peut conduire à des formes insidieuses de la tyrannie si les principes mêmes de Liberté, d'Egalité et de Fraternité en viennent à masquer l'arbitraire des Etats sous un vocabulaire convenu et falsifié par l'affichage même des dévotions politiques. Au cœur de la "défense et illustration" des apanages du citoyen, votre autorité réelle est celle d'un haut conseil des civilisateurs. C'est à ce titre que je vois en vous un aréopage de philosophes de l'Etat et l'oracle le plus écouté d'une République de la justice. Si Voltaire revenait parmi nous, je ne doute pas qu'il jugerait plus pertinent de vous adresser ses Lettres philosophiques qu'à l'Angleterre en laquelle le siècle les Lumières voyait la cité de la Liberté.

2 - Le Conseil constitutionnel et les mots de la raison

Il n'est pas de preuve plus irréfutable de vos devoirs de philosophes de la politique et de votre mission de pédagogues des Etats démocratiques que l'étroitesse des relations que vos prérogatives constitutionnelles vous commandent d' entretenir avec la seule autorité qui puisse égaler la vôtre, celle de la langue française. Vous avez vocation d'en défendre les apanages, parce que vous savez que le devoir impérieux de l'intelligence française est de sauvegarder le sens des mots de la raison. Le génie national veille sur le trésor du cœur et de l'esprit de la France, celui de la droiture de la pensée. Le langage en est le garant.

Dès le Moyen Age la logique française s'est taillé un empire redoutable au cœur même de la théologie. Mais quel était l'objet des droits de la pensée rationnelle au sein de la scolastique de haut vol et de ses syllogismes, sinon la dignité théologique qu'il convenait de concéder aux victoires de la pensée sur le mythe? Le réel ressortissait-il aux oracles du langage universel, donc au sceptre de l'abstrait ou à la connaissance focalisée sur le singulier ? Dans ce dernier cas, comment les mots, qui sont collectifs, donc sociaux par définition, saisissent-ils la spécificité de Pierre, de Paul ou de Jean? A votre tour, vous avez à répondre, mais en juristes, à une question de philosophie des langues, à votre tour, vous avez à trancher entre les nominalistes d'un côté et les défenseurs des temples des concepts, de l'autre.

En vérité, ce n'est pas la première fois que la chouette de Minerve tournoie au-dessus de vos têtes. C'est seulement de justesse que vous n'avez pas eu à prendre les armes pour défendre la langue française contre les agressions du pouvoir exécutif d'un Etat démocratique qui entendait réformer l'orthographe par décret et qui n'en a été empêché que par les philosophes du vocabulaire, qui sont montés au créneau pour demander au gouvernement comment il allait distinguer ver, vert, verre, vair, vers, ou erre, ers, air, ère, haire, aire et hère. Cette fois-ci, la guerre que la philosophie mène depuis Platon sur le champ de bataille de la nature et de la portée de la parole vous demande de traiter d'une question de vocabulaire dont dépend rien de moins que la précision du tracé de la frontière qui sépare le pouvoir politique au sein des démocraties d'un côté, de l'arbitraire des dictatures de l'autre.

3 - Le mot mariage

Il n'est pas de pouvoir plus décisif aux yeux des tyrans que celui de changer la définition, donc la signification et le contenu des mots. Vous avez à croiser le fer aux côtés de Littré au chapitre du sens légal du terme de mariage, qui renvoie à mari. Mais les termes les plus usités de la langue du droit se sont souvent transportés dans les rituels de la loi et sont devenus quasiment liturgiques. Vous avez donc à décider de l'usage commun et public du mot mariage: le maire qui célèbrera une union conjugale et qui demandera aux futurs conjoints: "Monsieur X, consentez-vous à prendre M. Y pour époux", "Madame Y, consentez-vous à prendre Madame Y pour épouse", réfutera-t-il tous les dictionnaires et renverra-t-il le Robert et le Larousse dans les cordes?

Mais voyez comme la définition rigoureuse des mots du droit intéresse l'ordre public et la paix civile: si vous ne défendez pas l'autorité que les linguistes exercent sur les vocables, ce sera un ridicule de comédie que vous introduirez dans la langue de Rabelais, de Molière et de Jean de la Fontaine, ce sera la littérature tout entière qui menacera de vous percer de son épée sur le pré. Une fois de plus, c'est du pouvoir politique que l'Etat entend exercer sur la langue française qu'il est question; et l'arbitre n'en est pas l'exécutif, mais l'Académie française. Car le gouvernement n'a pas étendu le terme de mariage aux homosexuels et aux lesbiennes, il en a radicalement changé le contenu. On ne verse pas le vin nouveau dans de vieilles outres.

4 - L'ironie de la raison

Mais, vous direz-vous, un chef d'Etat compétent, donc réfléchi, est-il autorisé par la Constitution à proposer la promulgation d'une loi à l'Assemblée nationale et au Sénat - donc au peuple souverain - s'il n'a pas longuement soupesé la pertinence de son argumentation de juriste, de grammairien, d'historien et de philosophe de la nation dont il prétend diriger le destin et la pensée au milieu des récifs? De même que les dieux rendaient fous ceux qu'ils voulaient perdre, la démocratie rend fous ceux qui ouvrent des brèches dans sa coque et veulent faire couler le navire en haute mer. A ceux-là, les dieux mettent le sceptre des promesses électorales les plus délirantes entre les mains , ce qui les frappe, en retour, d'une démence dont la philosophie souligne les méfaits depuis vingt-cinq siècles : comme vous le savez, cette discipline proclame, par la bouche de Socrate, que l'ignorance est le pire de tous les maux.

Mais votre haut conseil de la langue française se trouve comme jamais devant une étendue déserte. Je vous convie à l'occuper paisiblement, tellement elle offre une surface plane et propice aux conquêtes de la dialectique. Vous n'avez pas de logiciens redoutables à vaincre en duel, vous n'avez à réfuter que des sophistes. Voyez comme les dieux s'apprêtent à vous accorder la victoire, voyez comme ils remettent entre vos mains le poison que vous donnerez à boire à vos contradicteurs. Car cette coupe contient un venin plus mortel que la ciguë, celui d'une ironie à laquelle la France doit sa victoire sur la sophistique, puis sur la scolastique. Vous incarnez le haut conseil de la raison française; et vous serez nourris à vie au Prytanée des démocraties si vous usez de l'arme de l'ironie qui, la première, a perverti le discours de la logique et a feint de la faire dérailler afin de mettre la sottise cul par-dessus tête. L'ironie ne fait pas rire à gorge déployée: son alliance avec l'humour demande à la vérité d'agrémenter l'erreur d'un sourire afin de réveiller le bon sens endormi de l'interlocuteur d'un coup d'épaule un peu rude.

Ou bien, vous déclarez avec une gravité d'acteur comique que l'exécutif est un humoriste dont le pouvoir sur la scène va jusqu'à changer le sens des mots de la langue française aux yeux des badauds, ou bien vous dites que les sortilèges des ironistes ne sont pas davantage inscrits dans la Constitution que ceux des magiciens et qu'il faut que la loi les accorde ou les refuse expressément à l'Etat et les grave en toutes lettres dans la Constitution, faute de quoi vous ne sauriez vous déclarer compétents. Cette ironie-là, je vous jure qu'elle crépitera sur l'agora.

5 - L'humour et la loi

Vous vous enquerrez donc gentiment auprès des apprentis-sophistes de l'Etat sur les points suivants: primo, les conjoints du même sexe seront-ils soumis "toutes les obligations nées de l'union conjugale", comme le veut la loi; secundo, bénéficieront-ils du droit accordé quelquefois aux mineurs par le procureur de la République de convoler en justes noces avant l'âge requis; tertio, en cas de divorce, l'un des conjoints fera-t-il valoir des droits de garde de l'enfant adopté plus pertinents que ceux de l'autre; quarto, dans le mariage de deux lesbiennes, celle qui aura éventuellement confié à ses entrailles la gestation d'un fœtus sera-t-elle animée d'un instinct maternel supérieur à celui de l'autre et bénéficiera-t-elle d'une préférence; quinto, l'enfant parvenu à l'âge adulte pourra-t-il se retourner contre ses géniteurs fictifs et leur demander des comptes, comme Mme Agacinski le soutient; sexto, qu'arrivera-t-il en cas de défaut d'intention matrimoniale réelle de l'un des conjoints, ce qui demeure une cause de divorce (1ère chambre civile, 1er juin 2011, pourvoi n° 0967805 BICC, n° 750 du 1er nov. 2011); septimo, qu'adviendra-t-il des contrats de mariage dans le cas où l'un des conjoints n'aura obtenu le mariage que pour mettre la main sur la fortune de l'autre, ce qui donnera accès à une action en nullité du riche adolescent victime d'un séducteur.

L'ironie ne tue pas, mais, comme le disait Molière, "on supporte la répréhension, non la raillerie". Vous êtes le cerveau socratique de la République; et ce sommet est tellement philosophique dans son fondement même que votre argumentation recourra à l'ironie qui a donné à la dialectique le masque hilare des condescendances de la raison.

6 - La solitude philosophique de la France

Mais le territoire nouveau ouvert à votre intelligence philosophique n'a jamais connu une extension aussi soudaine et ne vous a jamais placés davantage à un carrefour de la réflexion sur les civilisations qu'à l'heure où vous devrez vous interroger sur la fatalité qui fait soudainement basculer les sociétés dans l'irrationnel et les contraint à rompre subitement avec le bon sens, comme il est arrivé bien souvent dans l'histoire des autels. Souvenez-vous seulement du prodige qui a changé en un instant en sang réel le vin de la messe et le pain de l'autel en viande absente de l'étal des bouchers. Ce phénomène cérébral a fait proclamer à Bérenger au XIe siècle que les chrétiens étaient devenus une "troupe de sots" - et seule l'odeur du bûcher l'avait contraint à se rétracter.

Mais vous n'aurez à défendre les dogmes ahurissants d'aucune Eglise de la folie, parce qu'au début du XVIe siècle, Erasme se réjouissait déjà de ce que la plupart des préceptes du décalogue ne reposent que sur nos "lumières naturelles" et de ce qu'aucun Etat rationnel ne défend le vol, la fraude ou l'assassinat. Il est donc évident que le sacre du ciel vient seulement sanctifier après coup les verdicts du bon sens et leur donner a posteriori l'autorité qui en augmentera le prestige de tout le poids attaché à une révélation divine.

Mais c'est ici que votre vocation de philosophes de la République fait alliance avec votre vocation politique la plus haute au sein de la nation. Car d'autres Etats n'ont pas encore entièrement quitté l'âge théologique de la politique A ce titre, ils croient combattre les restes d'une Eglise du Moyen Age qui leur colle encore aux chausses et mener un combat de la laïcité. Et ces malheureux honnissent à ce point les arguments théologiques marqués du sceau de l'infaillibilité du ciel que le mot mariage continue de répandre un fâcheux parfum d'orthodoxie à leurs narines.

Vous vous trouvez donc placés au carrefour le plus décisif de l'histoire de la pensée rationnelle de la France. Car vous avez à démontrer au monde entier qu'on ne fait pas perdre le nord à la raison d'un peuple parti d'un si bon pas et qu'au contraire, ce peuple prendra, une fois de plus, une grande avance sur la cervelle de la planète, parce qu'il sera seul à défendre les droits réels de la raison. Ne craignez pas la solitude provisoire de la France cartésienne, car ce sera pour des motifs fort étrangers aux guerres du passé auxquelles la raison a dû se livrer que vous vous trouverez placés à l'avant-garde de la pensée philosophique de ce siècle. Sachez que l'intelligence humaine n'a pas attendu les combats tardifs de la raison des théologiens et leurs jeux avec le langage pour rendre toute seule des verdicts assurés. Si d'autres peuples ont gardé des béquilles et s'ils ont besoin de combattre les lumières naturelles de la raison pour mieux combattre, pensent-ils, les prodiges langagiers des théologiens, votre isolement n'en sera que plus fécond, parce qu'une intelligence dont les victoires ne précèdent pas celles de l'avenir n'est jamais qu'une théologie déguisée.

Mais voyez à quel point la philosophie vous conduit comme par la main à une réflexion d'anthropologues sur les exploits des sorciers de la parole, puis voyez comment votre anthropologie d'avant-garde pilote votre intelligence nouvelle de la politique et de l'histoire de la France. Car si la raison la plus élémentaire du genre humain se trouve ébranlée jusque dans ses fondements à l'heure où la caution biblique ne vient plus lui prêter son acier et si le chaos mental succède fatalement aux délires de l'orthodoxie, ce sera l'infirmité de la condition cérébrale des évadés de l'Eden qu'il vous appartiendra d'apprendre à peser, et cela sur une balance qu'il vous appartiendra de fabriquer. La science politique de ce siècle radiographiera la cervelle d'une espèce débarquée dans les Républiques de la pensée il y a deux millénaires et demi seulement - et vous voici plus que jamais des apprentis du guidage de la boîte osseuse de la nation.

7 - Psychobiologie des identités collectives

Vous voici sur le chemin de l'initiation de votre science politique du siècle dernier aux découvertes de l'anthropologie philosophique, donc critique, du XXIe siècle, vous voici conduits dès vos premiers pas à l'examen clinique et psychobiologique d'Adam et d'Eve qu'un verdict de la nature a rendus inaptes à la reproduction de l'espèce. Que vous enseignera votre documentation? Lisez seulement André Gide et vous apprendrez, premièrement, que les homosexuels sont la proie de désirs subits et incoercibles, secondement qu'ils ne tombent amoureux que fort rarement, troisièmement qu'ils n'ont aucune envie de se marier et encore moins d'avoir des enfants fictifs. Que démontrent les sociologues? Que la proportion des homosexuels concernés par la loi proposée avec tant de tapage à l'approbation solennelle du peuple français et à son Assemble nationale est tellement infime qu'elle relève de la psychanalyse de leur enracinement inconscient dans le passé religieux du monde.

Tout se passe comme si deux millénaires de la foi en une religion qui avait inscrit le mariage au nombre de ses sacrements avait gravé dans les gènes et rendu héréditaire le besoin de quelques spécimens de se réfugier dans le berceau d'une éthique transcendantale fort étrangère aux humains de l'antiquité. Sparte réprouvait l'homosexualité, mais ne la combattait pas; et Athènes aurait fourni à Aristophane la plus désopilante de ses comédies s'il avait pu mettre en scène un Socrate ardent à se marier avec Alcibiade ou avec Xénophon et d'adopter des enfants aux fins de fonder le simulacre d'une famille conforme à un modèle sacré.

C'est ici que votre réflexion de philosophes de la démocratie, d'anthropologues de la politique et de penseurs de la République vous conduit une fois de plus à vous documenter sur les réflexes collectifs et innés qui commandent le grégarisme animal: les espèces rassemblées en troupeaux rejettent avec violence de leur sein les spécimens immédiatement reconnaissables à leur odeur étrangère à celle de la collectivité et résolument prisonnière de son propre parfum. La cruauté innée du groupe à l'égard des individus allogènes à ses narines se manifeste dès l'enfance.

C'est pourquoi il est bien évident, aux yeux de l'unanimité des psychanalystes, des psychologues et des pédagogues, qu'une exclusion brutale et instantanée frappera dès les bancs l'école les malheureux dont les "parents" seront deux hommes ou deux femmes Au reste le terme de "parents" renvoie à parere, accoucher. Mais jamais vous n'aurez affaire à un peuple dont la moitié ou la majorité de la population serait composée à titre psychobiologique d'homosexuels et de lesbiennes. Ce sera donc l'identité de masse sécrétée par les espèces animales ou humaines qui vous contraindra à défendre le sens des mots de la langue française, tellement l'idiome d'une nation n'est jamais que le parfum dans lequel le genre humain respire sa propre odeur.

8 - La danse des mots

Vous avez dit parfum ? Quel est le parfum qu'une minorité de dix pour cent de la population fera respirer à l'organe olfactif d'une majorité de quatre-vingt dix pour cent si, depuis la plus haute antiquité, les progrès de la connaissance scientifique du genre humain se heurtent à la triple ignorance des masses, de leurs élites et de leurs clergés?

Car, encore une fois, si la langue, donc l'encens naturel d'un peuple n'appartient pas au législateur, si les mots d'une nation échappent à l'autorité des Etats, si la parole est une enceinte interdite aux tyrans, comment se fait-il que, jusqu'à présent, les despotes débaptisaient les vocables à leur bénéfice, et cela au point que l'iniquité empruntait les vêtements de la justice au profit d'un seul homme, tandis qu'aujourd'hui, on voit la torture reconquérir sa légitimité collective dans les procédures pénales sanctifiées par les idéaux de la démocratie et d'abord aux Etats-Unis? Ce n'est plus seulement le tyran isolé aux côtés du bourreau, c'est la loi elle-même qui reçoit maintenant le renfort inquisitorial de l'opinion publique d'une nation enflammée et ardente à hisser la hampe et le drapeau d'une falsification vertueuse des mots au Capitole des dévotions démocratiques.

Jamais encore la piété d'un tyran n'avait imaginé de se donner pour blason une définition auto-sanctifiante de la torture judiciaire. Il fallait dorer cet écusson-là pour que le terme de mariage change de pavois et qu'un vocable bénédictionnel s'arme de la cruauté de blanchir l'achat et la vente des enfants sur le marché d'Uranus.

Que nous apprend le législateur des décadences dans une civilisation où la Liberté se pare des vêtements de la torture judiciaire? Que jamais des "décrets d'application" ne remédieront aux carences psychobiologiques dont souffrent des lois contraires à la nature.

9 - Une République schizoïde

Mais une odeur tenace se propage et s'infiltre dans les fissures de l'édifice qu'on appelle l'Etat de droit: on dit que vous vous trouveriez pris en étau entre deux républiques, deux peuples, deux visages du suffrage universel, deux légitimations électorales. Le peuple français s'est montré logicien à donner une majorité parlementaire au Président de la République qu'il a élu, mais comment un chef d'Etat en mesure de se servir d'un Parlement en monarque de l'exécutif demeurerait-il longtemps sur son trône face à la majorité des citoyens si la vie politique de la nation entraîne des fluctuations tumultueuses et ne cesse de creuser un fossé entre des députés changés en légionnaires du Président de la République et une opposition qui verra une aubaine dans la scission interne du suffrage universel entre la rue et le Capitole?

Ce serait donc en vous-mêmes que vous oscilleriez, dit-on, entre, d'un côté, une allégeance tentatrice à un exécutif puissant et attractif, mais fractionné et, de l'autre, votre devoir de réprimander et même de morigéner au besoin un législatif armé d'un monopole artificiel de prétoriens de la gauche; et votre inclination naturelle sera grande et dangereuse à laisser son casque pseudo parlementaire à un Etat dans lequel l'exécutif sera devenu le maître absolu du législatif. Pris entre ces deux feux, ajoute la rumeur, vous seriez allés jusqu'à déclarer que vous n'auriez pas à empiéter sur les prérogatives du législatif, comme si le vrai législateur n'était pas précisément un Conseil chargé de tenir d'une main ferme un Parlement menacé de devenir l'otage résigné des gouvernements successifs.

Qu'en est-il de la constitutionnalité d'une loi qui s'exercerait sur le contenu même des mots de la langue française, si, de son côté, le Conseil ignore la nature et l'étendue de ses pouvoirs et se dépossède de son autorité constitutionnelle sur le langage? En l'espèce, comment trancheriez-vous au chapitre du devoir de l'Etat de protéger l'enfance des effets pervers du chaos juridique introduit dans le code civil si vous ignorez la psychophysiologie de l'homosexualité? Mais, de son côté, le gouvernement ne souffre-t-il pas de la même carence intellectuelle, puisqu'il prétend qu'il n'existe pas de difficulté en droit à légiférer souverainement sur l'homosexualité, et cela même au prix d'une falsification du vocabulaire du français, donc d'une intrusion intolérable de l'exécutif dans le champ de compétence des linguistes?

Il vous faut donc étudier l'histoire des relations que le langage entretient avec la raison. Apprenez à peser la constitutionnalité des lois en éducateurs informés au sein d'une civilisation des sciences et du droit. Dites-vous bien que si la presse et les journaux avaient existé à l'heure de la promulgation de l'édit de Caracalla, le monde de l'époque aurait applaudi la générosité et le grand cœur d'accorder subitement et pleinement la citoyenneté romaine à la population entière de l'empire - mais il vous appartiendra de savoir, en anthropologues et en pédagogue, que cet édit s'est révélé un dissolvant radical de la citoyenneté qu'il croyait protéger.

10 - Votre lucidité géopolitique

Il vous faut donc vous demander ce qui se passerait si votre arrêt prenait place sur l'échiquier étriqué où campe la raison politique de la décennie à laquelle vous appartenez. Supposons que vous décidiez d'afficher non seulement votre appartenance, mais également votre soutien actif à la problématique qui régionalise le droit public et le réduit à une peau de chagrin au sein d'un Etat scindé entre deux sceptres du peuple souverain, celui des prétoriens au service du roi et celui de la rue. Dans ce cas, il vous sera néanmoins vigoureusement suggéré de plonger votre regard sur les verdicts implacables que les historiens de demain prononceront sur votre courage politique. Car vos juges éclaireront nécessairement les évènements actuels à la lumière d'une géopolitique qui, d'ores et déjà, vous crève sans doute les yeux.

Comment ne sauriez-vous pas que Clio se montrera ahurie qu'un chef du gouvernement italien aura pu défendre devant le Parlement de son pays la légitimité de l'extension continue de la base américaine de Vicenza sur les terres de Cavour et de Garibaldi sans qu'aucun parti politique et aucun journal de la péninsule n'aient relevé, même avec ironie le douloureux outrage infligé à une nation ridiculisée de cette façon face au monde entier. Car l'appel d'un gouvernement démocratique à respecter le devoir des vassaux de conserver intact leur trésor le plus précieux, la confiance de leur maître, est une infamie politique.

Mais vous savez également qu'avant vingt ans, les gardiens de la mémoire et les vigies de la réflexion politique sur cette planète souligneront qu'une Allemagne bâillonnée par l'incrustation de deux cents forteresses de l'étranger sur son sol pouvait développer à plaisir son industrie et son commerce avec la Russie et la Chine, mais qu'elle n'était jamais qu'un géant entravé par son ancrage dans le monde anglo-saxon, parce qu'aucune nation n'est libre de ses mouvements et ne peut prendre des initiatives réelles sur la scène internationale avec des menottes aux mains et des chaînes aux chevilles. Vous savez non moins pertinemment que, dans vingt ans, l'Europe sera devenue le moteur technologique de la Russie, de la Chine, de l'Inde, de l'Amérique du Sud ou qu'elle se trouvera asservie sans espoir de retour.

11 - Lisez, lisez, lisez…

Voyez comme votre vocation de civilisateurs souffre de la régionalisation du regard que la France et l'Europe portent sur la mappemonde. Quel est le sens de votre vocation de civilisateurs, donc de hauts témoins et d'agents assermentés d'une intelligence politique étendue à la planète si, pour cela, vous devez conquérir le savoir et le rang de penseurs de l'histoire? Sachez que la philosophie est la seule discipline de la raison que sa mission appelle, de génération en génération, à ouvrir le champ du regard sur la problématique et la logique internes qui régissent un astéroïde de moins en moins parcellisé.

Lisez donc à livre ouvert ce qui se trouvera imprimé noir sur blanc et page après page dans les livres scolaires du monde entier, lisez que tous les enfants de la terre apprendront qu'en 2013, vous aviez la possibilité juridique et politique de porter un regard souverain sur l'astéroïde entier de votre temps et de placer la question qui vous était posée dans la perspective ascensionnelle des verdicts que prononcera l'histoire, lisez que la question de confier l'éducation des enfants aux disciples d'Uranus posait la question de la vitalité des civilisations et que notre astéroïde se divisera entre les esprits qui auront refusé le joug de la servitude et ceux qui se seront couchés devant l'empire d'un moment, lisez que la distinction entre les sexes appellera la virilité et la féminité des nations à se donner des témoins de la vie et de la mort des intelligences, lisez que la science politique fera alliance avec Clio et qu'une anthropologie plus adulte que la nôtre enseignera aux politologues que si l'on peut former d'héroïques phalanges macédoniennes avec des homosexuels, jamais on ne recrutera des armées de mignons, lisez que le désir d'un mari est féminin par nature et celui d'avoir des enfants encore davantage - c'est pourquoi l'on voit cette institution régresser au fur et à mesure de l'évolution de la notion de famille, qui s'accompagne désormais d'une dissolution et d'une perte d'autorité progressives du "chef" de la femme et des enfants, comme on disait autrefois. Mais pourquoi voit-on les mâles fuir le mariage à toutes jambes et les homosexuels s'y précipiter en masse?

Lisez Malaparte après André Gide pour apprendre que si Alexandre, Jules César, Frédéric II ou Galba étaient bisexuels ou homosexuels, c'est qu'il existe deux espèces de mâles, les super-virils et les efféminés et que la hiérarchie interne au mariage hétéro-sexuel se reproduit dans des conditions qu'il vous appartient de connaître en législateurs avertis. Comment occuperiez-vous à bon escient la fonction de gardiens de la République sans conquérir le rang de philosophes de l'Etat et de penseurs de la démocratie?

Mais quelle occasion, pour le haut conseil de la raison de la France, de tracer la frontière entre la démocratie et la tyrannie par un arrêt qui précisera le statut juridique de la langue de la Liberté!

Le 27 avril 2102

Visiter le site officiel du philosophe Manuel de Diéguez

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