« Bonne Manif ! » par Jean-Marc DESANTI

Photo tirée du film « Jacquou le Croquant » de Laurent Boutonnat (2007) - Les Jacqueries désignent les révoltes paysannes de la période révolutionnaire et, de façon analogue, en sciences politiques désignent tout soulèvement paysan.
« Bonne manif ! », dit Besancenot le bobo, qui habite dans le quartier du Sacré- Cœur en plein Montmartre, mardi 7 septembre aux épigones de gauche.
J’avoue ne l’avoir jamais entendue celle-ci.
J’ai connu : « fais gaffe », « attention, camarades, aux provocateurs infiltrés », « ça va cogner avec le troisième escadron de gendarmes mobiles » ou même, « foncez dans le tas ».
Mais là, oh non ! Tous nos acteurs se préoccupent de leur propre mise en scène : Thibault, qui n’exclut pas une crise sociale d’ampleur (retiens-moi ou je fais un malheur) devise aimablement, pendant la promenade, avec Chérèque qui, sans rire, fustige « le manque de bonne volonté du gouvernement ».
« On » n’est pas contre la réforme des retraites, certes pas ! Aucun problème pour les futurs retraités « responsables » des syndicats et des partis. Peu leur importe le nombre d’années ! Leurs cotisations ? C’est le patronat qui paye ! Quid du scandale de la caisse noire des 100 millions d’euros de l’UIMM pour « fluidifier les relations sociales » ? Pas un mot ! Sur l’argent, distribué grassement par le bon Chirac, maire de Paris, aux partis de « gauche » ? Plus un mot ! S’acharner sur un vieux coquin ? Ce serait « personnaliser » ! Quel manque d’éducation ! Il faut le laisser vivre sa retraite dorée de prévaricateur, les travailleurs victimes de l’amiante, eux, sont encore au boulot et crèveront à 62 ou 65 ans.
C’est quoi la phrase magique déjà ? Pas plus pourri que le système américain ? Exact, nous vivons sous domination US.
Bonne manif ! Les choses ne bougeront pas. Et si ça bouge ? On se prépare à nous refiler les libéraux de « gauche » qui feront pareil, c’est-à-dire pire. Déguisés en Jaurès (la campagne électorale du père Sarko), les barons de la gauche font toujours mieux, s’inspirant toujours de leur faustien Mitterrand : nationalisations et privatisations ou comment remplir deux fois les poches du capital.
Bonne manif ! Les nazes du PAF prennent vite goût au cinéma burlesque. Aujourd’hui, pour eux, mieux vaut crier « tous à la Bastille » que « tous à l’Élysée ». Ils y perdraient leur écuelle. La lutte est « responsable » et « démocratique ». Traduisez, en liaison étroite téléphonique avec les députés et les ministres pour conjurer tout risque insurrectionnel.
Comprenons bien : nous vivons une comédie écœurante, un rituel de carnaval joué dans un théâtre de jeu d’ombres qui s’appuie sur les sénateurs et son président Gérard Larcher qui jugent « pas négligeables » les propositions des gentils syndicats.
Voilà l’argument suprême pour justifier les défilés et se jouer des espérances de notre peuple au travail : les ajustements des sénateurs !
Larcher nouveau Guevara a rasé sa barbe et pris quarante kilos ! Il fallait oser. C’est à ça qu’on reconnaît les cons disait Gabin … et les salauds, ajoutait-il.
Nous n’avons alors qu’une solution : devenir des Jacques !
Non pas les amis du retraité de Corrèze mais les Partisans des Jacqueries d’antan, à l’époque où le peuple français inculte, entendez pas encore châtré, brûlait les châteaux des maîtres et vidait leurs coffres trop remplis de leur pillage. Ah les vilains ! disaient les féodaux corrompus.
Et bien nous voici redevenus ces vilains serfs de la modernité, transformant leurs insultes en flambeaux !
Nous sommes tellement vilains que nous voyons le mal partout et qu’à nos oreilles bonne manif rime avec bonne manip !
Libre à vous, chers modérés, de jouer au poker menteur avec les « Jacques », mais sachez qu’à chaque pas vous grimpez une marche de notre guillotine et qu’au bout … Gare à la bascule.
Jean-Marc DESANTI