Projet de réforme de la procédure pénale : Opposition du Syndicat des Avocats de France (SAF)
Projet de réforme de la procédure pénale : La mainmise du pouvoir exécutif sur la Justice (SAF)
Madame le ministre de la Justice vient de rendre public son avant-projet de loi de futur code de procédure pénale, soumis à la concertation avec les professionnels du monde judiciaire.
Force est d’ores et déjà de constater que le SAF ne semble pas en faire partie, puisque c’est par la presse qu’il a été rendu destinataire dudit projet.
Bien que comportant quelques avancées marginales, ce texte présente de graves insuffisances :
Tout d’abord, le ministère de la Justice ne semble pas avoir pris la mesure des prescriptions de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’exercice effectif des droits de la défense en matière de garde à vue.
En effet, le texte envisagé ne prévoit la communication à l’avocat que des seuls procès-verbaux d’auditions de la personne gardée à vue et l’assistance de l’avocat aux auditions qu’à partir de la 24ème heure, tout en maintenant les régimes dérogatoires en matière de criminalité organisée et de terrorisme.
La notification du droit au silence, instaurée en 2001 et supprimée en 2003, n’est pas réintroduite.
La création de « l’audition libre » pendant quatre heures est en réalité une nouvelle forme de garde à vue sans droits.
Ensuite, le parquet devient directeur unique de toutes les enquêtes pénales, mais son indispensable indépendance n’est pas organisée; au contraire, sa soumission à sa hiérarchie et au ministre de la justice est rappelée.
Le juge d’instruction est supprimé, sans que des garanties supplémentaires essentielles ne soient données à la défense.
La réforme attendue de la détention provisoire n’est pas réalisée. Si la création du tribunal de l’enquête et des libertés ne peut qu’être approuvée, de même que l’instauration de délais butoirs, bien qu’excessifs et largement supérieurs à ceux proposés par le rapport LÉGER, les critères ne sont pas modifiés, la décision initiale d’incarcération reste de la compétence d’un juge unique et le parquet dispose encore d’un référé détention lui permettant de s’opposer à une décision de mise en liberté, même émanant d’une juridiction collégiale…
Le juge de l’enquête et des libertés et le tribunal de l’enquête et des libertés, qui ne peut être saisi que par lui, ne sauraient constituer une garantie suffisante du contrôle effectif des enquêtes réalisées par le parquet.
La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est étendue à tous les délits et même aux crimes.
Les règles et durées de prescription sont profondément modifiées, de telle sorte que les infractions économiques et financières seront bien souvent prescrites avant même d’être découvertes, tandis que la prescription est par contre substantiellement rallongée pour toutes les autres délinquances (de 10 à 15 ans en matière criminelle, de 3 à 6 ans en matière correctionnelle).
Les nullités sont limitées aux seuls actes ultérieurs dont l’acte illégal constitue « le support exclusif et nécessaire », ce qui constitue une nouvelle régression par rapport à la
jurisprudence actuelle, déjà très restrictive, de la Cour de cassation.
En définitive, ce texte, particulièrement mal rédigé et manifestement écrit à la hâte pour sati
sfaire la commande présidentielle, dessine une nouvelle procédure pénale entièrement soumise au parquet dont la dépendance à l’égard du pouvoir exécutif est maintenue.
La concertation annoncée est d’emblée présentée comme à la marge ; le modèle procédural envisagé ne pourra qu’être combattu car il représente une régression des droits de nos concitoyens dans cette future procédure pénale.
Le SAF s’oppose fermement à ce projet et appelle à la mobilisation de tous les citoyens contre un texte liberticide. La journée nationale d’action du 9 mars en sera la première étape.
Paris, le 3 mars 2010
Contact : saforg@orange.fr
Tél.01 42 82 01 26
Jean Louis BORIE
Président du SAF
06 07 13 09 37