Débats

"LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE ROUSSEAU AU CŒUR DE NOS LUTTES REVOLUTIONNAIRES" par Georges Gastaud

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- 300ème anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau -

A l’occasion du trois-centième anniversaire de la naissance de Rousseau, la multitude des bien-pensants bleus, roses ou rouges pâles s’efforcent d’exploiter le nom de cet immense philosophe politique dont ils trahissent pourtant les principes au quotidien. Il est d’ailleurs symptomatique que nos « rousseauistes » d’un jour, tristes héritiers de la réaction thermidorienne, aient toujours mesquinement refusé d’attribuer le nom d’une avenue parisienne aux deux plus grands disciples révolutionnaires de Jean-Jacques, les grands Marat et Robespierre, qui ont pourtant amplement mérité le titre de chefs de file de la Révolution française et de fondateurs de la République !

Quant aux militants franchement communistes et républicains, ils se gardent bien de séparer l’œuvre théorique de Rousseau de ses implications révolutionnaires actuelles : nous affirmons même que si l’on relit de près le Contrat social, on y puise à chaque page des raisons supplémentaires d’assumer au présent le précepte que l’Incorruptible avait fait inscrire en 1793 dans le préambule de notre première Constitution républicaine : « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour toute portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

Limites du « rousseauisme ».

Il ne s’agit certes par d’idéaliser l’héritage de Rousseau en ignorant ses limites scientifiques et historiques. Bien qu’Engels ait à juste raison qualifié Rousseau de père de la dialectique matérialiste, bien que le travailleur Rousseau ait toujours pris le parti des peuples contre le féodalisme déclinant et contre la bourgeoisie voltairienne en plein essor, l’auteur des Confessions reste évidemment un homme de son temps : en 1762, date de parution du Contrat social et de l’Emile, le prolétariat industriel est embryonnaire, la classe dominée étant principalement constituée d’artisans, de compagnons, de « laboureurs » et de « journaliers » . C’est seulement en 1845 qu’Engels et Marx écriront l’Idéologie allemande qui jette les bases du matérialisme historique en bouleversant les rapports entre la théorie et de l’action politique : pour les fondateurs du socialisme scientifique en effet, « le communisme n’est pas un idéal qu’il faudrait réaliser : nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état existant » : exit l’utopie politique et ses considérations intemporelles, bienvenue à la lutte de classe poussée jusqu’à la société sans classes, via la révolution prolétarienne, la dictature du prolétariat, la socialisation des moyens de production et la planification de la production, seules bases matérielles durables de l’émancipation générale des exploités.

A l’inverse d’une telle démarche, le Contrat social met en œuvre une méthode de pensée sciemment a-historique et quasi-mathématicienne, qui privilégie une approche juridico-conceptuelle, – en un mot formelle – de la philosophie politique. Quand cette méthode parfaitement légitime est prise pour ce qu’elle est, quand on ne projette pas indument les constructions abstraites de Rousseau sur tel régime oppressif s’autoproclamant « république », la méthodologie rousseauiste ne permet aucunement de légitimer sans ambages la démocratie bourgeoise, comme le voudraient les contrefacteurs de la pensée républicaine ; en effet, un modèle mathématique formel ne dit rien sur la réalité physique tant qu’on n’a pas produit par ailleurs un travail spécifique pour confronter empiriquement ledit modèle aux sociétés effectivement existantes. Mais dans la mesure où historiquement, l’enseignement de Rousseau a longtemps été mêlé à l’action des révolutionnaires bourgeois des 18 et 19èmes siècles, le formalisme assumé du texte rousseauiste a constamment été recyclé à son profit par la bourgeoisie post-révolutionnaire ; enfin devenue dominante et conservatrice, cette bourgeoisie s’est souvent servi du Contrat pour justifier hypocritement la « démocratie » bourgeoise ; dans la bouche des républicains bourgeois, les mots « volonté générale », « contrat », « citoyen », « indivisibilité » de la souveraineté n’ont cessé d’être utilisés pour nier l’exploitation capitaliste, proscrire le combat de classe, masquer la dictature bourgeoise et occulter la nécessité d’une nouvelle révolution, socialiste et prolétarienne.

Rousseau critique de la démocratie bourgeoise

Pourtant l’indomptable Jean-Jacques est aux antipodes d’une entreprise conformiste de légitimation des Etats oppressifs existants. Aujourd’hui comme hier, la première phrase du Contrat –  « l’homme est né libre et partout il est dans les fers » – cingle au visage tous les fauteurs d’oppression, y compris nos pseudo-démocrates impérialistes qui se moquent de la « volonté » des peuples et qui n’utilisent le suffrage universel que pour lui faire périodiquement ratifier les diktats de la classe dominante, hexagonale ou pentagonale. Dans son Contrat social, Rousseau propose une épure rationnelle : il se figure des hommes à « l’état de nature » : par quoi il ne faut pas entendre des hommes de Cro-Magnon errant tout nus dans la savane mais un état fluide et décomposé où les individus abandonnés à eux-mêmes se livrent une compétition impitoyable dans une insécurité sociale de chaque instant : bref ce que l’Anglais Hobbes, universalisant les conditions de jungle économique que dessinait l’Angleterre précapitaliste de son temps, avait naguère appelé « la guerre de tous contre tous ». Parvenue à un certain stade de ce que nous appellerions aujourd’hui la « concurrence libre et non faussée » – la  guerre économique universelle – « cet état primitif ne peut plus subsister », écrit Rousseau si bien que selon lui, « le genre humain périrait s’il ne changeait sa manière d’être ». Si les hommes veulent réellement survivre, le passage au contrat social, c’est-à-dire à la concorde civile par l’institution d’un ordre juridique librement accepté, devient incontournable. Il ne faut donc pas comprendre le contrat social comme résultant du passage effectué jadis par les hommes accédant à la civilisation, mais comme la nécessité vitale à toute époque où « la guerre de tous contre tous » fait rage, d’instituer un ordre juridique égalitaire où la collectivité se prend en charge comme telle au lieu de laisser les rapports de forces « réguler » le grand troupeau humain au seul profit des plus riches et des plus forts.

Pour y parvenir d’une manière telle que les individus n’aient point à troquer leur liberté naturelle contre l’illusoire « sécurité » octroyée par un tyran présumé débonnaire, la règle d’or posée par Rousseau est l’égalité : à égalité avec ses futurs concitoyens, chacun s’offrira donc avec tous ses biens à la collectivité nouvelle constituée en peuple ; car ; précise Rousseau, « chacun se donnant à tous ne se donne à personne ; et comme il n’y a pas un associé sur lequel on n’acquière le même droit qu’on lui cède sur soi, on gagne l’équivalent de tout ce qu’on perd et plus de force pour conserver ce qu’on a ». Cela signifie que, contre le libéralisme issu de l’Anglais Locke (pour lequel la propriété privée et la liberté individuelle sont des droits naturels antérieur à l’Etat et que celui-ci, veilleur de nuit de la propriété, n’a pas le droit de toucher), le passage de l’état de nature à l’état civil doit se faire sans aucun reste pour être effectif : « chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance (donc, y compris ses propriétés) sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie individuelle du tout ». Bref, il n’y a pas, comme le croient les libéraux  bourgeois – d’un côté les « droits de l’homme » et de l’autre les prérogatives du « citoyen » : une fois la société constituée, c’est elle qui définit pour tous, et à égalité, le périmètre des droits et des devoirs – et notamment les limites de la propriété privée, qui est évidemment subordonnée au « bonheur commun » dont la Constitution de l’An I fait le but suprême du corps social.

Comme cette « aliénation » volontaire de soi et de ses biens ne se fait pas au profit d’une classe ou d’un individu mais de chacun à tous sous une clause impérieuse d’absolue égalité formelle, les nouveaux citoyens se trouvent désormais garantis contre l’arbitraire et ils n’ont pas à redouter ce qu’ on nomme aujourd’hui « totalitarisme » (tout débordement des uns nuirait aussitôt à tous ce qui est absurde, sauf à supposer un peuple entièrement composé d’individus suicidaires et masochistes).

Bien entendu, Rousseau fixe les conditions dans lesquelles cette volonté générale doit s’exercer de manière telle que l’individu, cédant par le contrat social « sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente » gagne en contrepartie la « liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède ». Rousseau envisage alors trois formes possibles d’appropriation légitime étant donné que la possession naturelle (le droit « naturel » du plus fort et du plus riche) est abolie dès que le contrat social entre en vigueur : soit la République garantira à chacun – si du moins elle le souhaite – la propriété de ce qu’il détenait « naturellement » avant l’acte d’association (un pour tous, mais aussi tous pour un : que tous défendent désormais comme un seul homme la vie et la propriété de chaque concitoyen) ; soit elle envisagera une nouvelle répartition des biens en fonction du travail fourni (on pense au principe la terre à qui la travaille) et du besoin éprouvé (que chacun n’occupe du sol, dit Rousseau, que « la quantité dont on a besoin pour subsister ») ; soit elle mettra en place une propriété collective d’un seul tenant, notamment lorsqu’un groupe d’hommes aura abordé sur des terres réputées vierges (C.S., I, 9).

Formalisme et/ou matérialisme politiques ?

D’aucuns objecteront sans doute que cette égalité et cette liberté formelles justifient en pratique les pratiques de la démocratie bourgeoise qui, selon le mot cruel d’Anatole France, « interdit au riche comme au pauvre de voler du pain et de dormir sous les ponts ». Mais il n’en est rien : auteur de l’article économie politique de L’Encyclopédie, Rousseau délimite les conditions matérielles de validité de son modèle formel. Dans la note qui conclut le livre I du Contrat, Rousseau écrit sans précautions oratoires : « sous les mauvais gouvernements, cette égalité n’est qu’apparente et illusoire ; elle ne sert qu’à maintenir le pauvre dans sa misère et le riche dans son usurpation. Dans le fait, les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien ; d’où il suit que l’état social n’est avantageux aux hommes qu’autant qu’ils ont tous quelque chose et qu’aucun d’eux n’a rien de trop ». Déjà le très polémique Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes avait mis en accusation la domination de la propriété privée, facteur d’exclusion, d’exploitation, de concurrence sauvage et pour finir de monopole économique, puisque les hommes qui n’ont rien(nous dirions : les prolétaires) – et peu à peu ceux qui ne possèdent qu’un peu (nous dirions : la petite bourgeoisie) – sont nécessairement soumis au fil du temps au bon vouloir de ceux qui possèdent tout (nous dirions : le grand capital).

Un vrai contrat social n’est donc possible en rigueur – y  compris si l’on reste dans le cadre du raisonnement formel de Rousseau – qu’au sein d’une société sans classes, qu’on la conçoive de manière communiste comme exploitation collective des ressources naturelles en vue du bonheur commun, ou qu’on l’imagine plutôt – comme Rousseau était enclin à le faire quitte à idéaliser la République romaine – comme l’association purement politique de petits propriétaires relativement égaux subvenant chacun séparément à ses besoins propres. En clair, l’égalité formelle requiert… formellement des conditions matérielles et socio-économiques précises. Dans ces conditions, non seulement le Contrat social ne justifie pas la « démocratie » bourgeoise du « renard libre dans le poulailler libre », mais il fournit encore le cadre d’une critique matérialiste radicale du contrat social bourgeois ; c’est cette critique que prolongera le marxisme quand il montrera que le contrat de travail capitaliste – qui met censément à égalité le patron et le prolétaire lors de la signature – est en fait un contrat de dupes étant donné le rapport des forces (écrasant pour le capitaliste, accablant pour le prolétaire) : quand il y a du chômage – comme c’est toujours le cas en régime capitaliste – le marché de l’emploi reste fondamentalement un marché aux esclaves et le patronat choisira toujours dans l’ « armée industrielle de réserve » formée par la masse des « demandeurs d’emploi » ceux des prolétaires (et, à notre époque de mondialisation, des peuples prolétarisés !) qui afficheront leur résignation à « travailler plus pour gagner moins » [1].

Du devoir d’insurrection.

Ce n’est pas tout. Plus actuelle que jamais, l’analyse de Rousseau heurte de front les simulacres de la démocratie « de basse intensité » qui caractérise notre époque de démontage des souverainetés nationales et populaires. Pour montrer combien Rousseau reste révolutionnaire pour aujourd’hui, il suffit de reproduire certaines têtes des chapitres du Contrat social : « Que la souveraineté est inaliénable » (chapitre I du livre II du CS), « Que la souveraineté est indivisible » : difficile de concilier de telles exigences avec la stratégie capitaliste qui détruit la souveraineté nationale et populaire, tantôt par le haut, au bénéfice d’une Europe supranationale pilotée depuis Berlin, tantôt par le bas au profit d’euro-régions qui ne demandent qu’à se muer en féodalités d’influence, voire en maffias, au sein de feue la République française une et indivisible [2].

Plus encore, Rousseau nous apprend à dé-fétichiser les élections en régime bourgeois. Ainsi le chapitre V du livre I du Contrat réfute-t-il le « pacte d’assujettissement (pactum subjectionis) » par lequel Hobbes, Grotius et les autres « satellites des tyrans » justifiaient la subordination des peuples au pouvoir royal : dans ces conceptions, le peuple se soumet à un chef en échange de sa sécurité extérieure et intérieure. Il est facile pour nos « républiques » bourgeoises de récupérer à leur profit ce type de raisonnement : puisque vous m’avez élu, clame le tyran « démocratique », vous me devez obéissance. Mais ce n’est pas l’élection (celle du « sacre royal » applaudi par le peuple sous l’Ancien Régime ou celle qui, de nos jours, passent par nos sondages-bidon, notre « vote utile » et notre médiacratie friquée) qui constitue le peuple. Tout au contraire, explique lumineusement Rousseau « avant que d’examiner l’acte par lequel un peuple élit un roi, il serait bon d’examiner l’acte par lequel un peuple est un peuple ; car cet acte étant nécessairement antérieur à l’autre est le vrai fondement de la société ». Il s’ensuit que la république n’est pas fondée sur l’élection, mais l’élection sur la république au point que si un élu viole les droits du peuple et bafoue le contrat social qui fonde l’existence collective du peuple, ce coup d’Etat « démocratique » ne nécessite pas moins que l’usurpation royale l’appel à l’insurrection populaire que Robespierre avait fort civiquement constitutionnalisée. En clair, ce n’est jamais parce que nous t’avons élu que nous devons t’obéir, c’est au contraire parce que nous t’avons élu que tu dois à chaque instant respecter les termes du contrat social, que tu dois sans cesse rendre compte de ton mandat à tes mandants et que tu mérites d’être détrôné, destitué – voire décapité pour haute trahison – si tu t’écartes de ce contrat au risque de dé-constituer et de détruire le peuple qui t’a provisoirement investi. 

Comment ne pas voir à quel point cette analyse de Rousseau est révolutionnaire ? Dès 2007 l’auteur de ces lignes a pris ses responsabilités civiques en déclarant, de toute sa faible voix, l’illégitimité radicale d’un Sarkozy qui, sous prétexte qu’il venait d’être élu président, s’employait sans vergogne à bafouer la laïcité constitutionnelle (discours du Latran, discours de Riyad, destruction du monopole de l’Université sur la collation des grades, etc.), à casser le programme du CNR sur lequel la nation s’était reconstituée en 1945 [3] à constituer l’anglais comme langue maternelle bis de la France en concurrence du français [4] dès les classes maternelles, ou pire encore, à contourner grossièrement le Non souverain du peuple français à la constitution européenne supranationale, tantôt en imposant le Traité de Lisbonne ratifié par Sarkozy et son parlement félon, tantôt en ratifiant un « mécanisme européen de stabilité » qui destitue le parlement français de sa souveraineté sur le budget de la nation. 

Qui détruit le contrat sur lequel un peuple s’est (re-)constitué doit être désobéi et destitué : la Commune de Paris l’avait compris qui avait institué la révocabilité permanente des élus. Rousseau avait averti pour sa part que la souveraineté ne se délègue pas (si bien qu’aucun parlement ne peut s’arroger le droit inouï de dessaisir le peuple qui l’a élu d’une partie de ses pouvoir au profit de l’étranger… ou des banquiers !) et qu’elle doit être aussi directe et permanente que possible (et le dire à notre époque de réseaux sociaux et de branchements informatiques divers, cette propositions ne devrait plus faire sourire !).

Pour une nouvelle révolution française

Ces convergences pratiques entre le rationalisme abstrait de Rousseau et le matérialisme révolutionnaire n’abolissent pas les divergences de principe entre approche idéaliste et conception matérialiste de la politique. Mais les convergences éthico-politiques entre les deux approches sont rendues possibles par le fait même que les oligarchies capitalistes de nos temps impérialistes renient de plus en plus les principes révolutionnaires de la bourgeoisie des Lumières : les oligarques y sont contraints d’une part par la crise « aiguë-chronique » du système capitaliste qui impose aux capitalistes et à leurs relais politiques du Parti Maastrichtien Unique [5] de violer les peuples en broyant les conquêtes sociales et en bousculant toutes les formes démocratiques, réduites au rang d’apparences, voire de cache-misère ; d’autre part la monstrueuse «construction européenne » grossièrement impériale, anti-ouvrière et antidémocratique impose aux gouvernements de chaque pays de collaborer étroitement à la dé-constitution et au « dé-maastricotage » des Etats nations (France, Italie, etc.) et des Etats multinationaux (Tchécoslovaquie, Belgique, etc.) historiquement constitués. Alors que la Révolution française, bourgeoise mais partiellement démocratique, avait involontairement contribué à masquer l’écart entre le formalisme rousseauiste et la réalité des classes sociales (la république des Sans-Culotte, c’était tout autre chose que l’oligarchie peinte en tricolore de Sarkozy ou d’Hollande), la contre-révolution mondiale actuelle ne se contente pas de liquider les conséquences progressistes d’Octobre 17, de Stalingrad et des fronts antifascistes de l’après 8 mai 45 ; elle s’attaque désormais frontalement aux principes progressistes des révolutions bourgeoises du 18ème siècle si bien que l’Europe de Maastricht ressemble de plus en plus, avec ses extrêmes droites florissantes et sa chasse continentales aux sorcières « rouges » à la sinistre Europe de Metternich et du Congrès de Vienne. Comme à la veille de 1789, il devient difficile de masquer que le roi maastrichtien est nu, sale et laid sous ses habits « démocratiques » en loques. Ce constat situe crûment la problématique objectivement dessinée par l’histoire en ce 21ème siècle qui a si mal commencé, avec la Restauration capitaliste à l’est, la recolonisation « humanitaire » insidieuse du Sud et l’avancée des contre-réformes au Nord et à l’Ouest : soit la libéral-fascisation, terme final logique de la « dé-démocratisation » des régimes bourgeois à bout de souffle, soit de nouveau, le droit à l’insurrection, plaçant au cœur du combat anticapitaliste la lutte pour de nouvelles Républiques souveraines et sociales substituant la coopération inter-nationale à la sujétion supra-nationaliste, le patriotisme républicain au « national »-racisme sur le fond d’un internationalisme prolétarien de seconde génération faisant échec au mortifère cosmopolitisme des financiers. 

Relisons donc Rousseau et rappelons à nos peuples que pour un peuple, céder sur sa souveraineté c’est renoncer à l’être et à la dignité. Si jadis le combat républicain a pu éloigner les prolétaires de la révolution sociale, c’est aujourd’hui le salut de la République qui impose d’en finir de manière révolutionnaire, populaire, voire prolétarienne, avec le fascisant capitalisme. Quitte pour cela à claquer la porte de l’Union européenne, cette forme modernisée du « pacte d’assujettissement » dénoncé par Rousseau [6]

Georges GASTAUD*

***

(*)Georges Gastaud est agrégé de philosophie.

[1] Comme le montre superbement John Steinbeck dans Les raisins de la colère

[2] Pour ne prendre qu’un exemple, la Région Languedoc-Roussilkon vient d’ouvrir une… ambassade au Maroc…

[3] Cf l’édito de Denis Kessler, le « penseur » attitré du MEDEF, appelant Sarkozy à « démanteler le programme du CNR » (Challenges, novembre 2007).

[4] « … langue de la République », article II de la Constitution, « langue de l’enseignement » au titre de la loi de 1994.

[5] Le PMU : formation bicéphale qui monopolise l’alternance électorale, tantôt au profit du Parti Social-maastrichtien (PS), tantôt au profit de l’Union Maastrichtienne Patronale (UMP), le front « national » étant chargé de verrouiller cette tenaille politique en forçant les Français à « choisir » entre l’autophobie nationale des bobos roses ou bleus et la xénophobie des beau-beaufs bleu-marines…

6- Dans un précédent article intitulé « Exterminisme et criminalisation » (numéro spécial de la revue Etincelles), j’ai tenté de montrer comment Kant a prolongé à l’international les principes républicains de Rousseau. Kant a lui aussi été victime des mêmes mésinterprétations que Rousseau et l’on a trop souvent vu l’auteur du Projet de paix perpétuelle comme un partisan à tout crins d’un fédéralisme mondial destructeur de la souveraineté des nations. Je ne puis développer ici mais il est aisé de montrer que c’est strictement le contraire : d’une part le « fédéralisme » kantien refuse explicitement  l’idée d’un gouvernement mondial destructeur des libertés au point que Kant condamnerait sans appel toute idée d’ingérence dans les affaires d’un autre Etat (et plus encore de criminalisation de cet Etat) comme attentatoire à l’idée d’une paix perpétuelle future (d’un ordre juridique mondial reposant sur l’égalité entre les peuples et permettant de régler les litiges sans passer par la guerre). De manière plus générale, cet article montre qu’il est aberrant d’opposer le formalisme kantien au matérialisme puisque pour Kant, l’impératif catégorique de la politique internationale est d’éviter la « guerre d’extermination » et tous les moyens qui y conduisent, dont les ingérences et l’assassinat des chefs d’Etat étrangers. Sans quoi, l’humanité risque d’être détruite et avec elle « la source de tout droit » : si bien que le formalisme moral débouche sur la nécessité ô combien vitale et matérielle de défendre la vie de l’humanité en bannissant tout ce qui, depuis les années 70 et l’antisoviétisme fanatique des prétendus « nouveaux philosophes » à la André Glucksmann, a prétendu privilégier les « valeurs » de l’Occident (en réalité, les rapports de production capitalistes !) quitte à prendre le risque d’une conflagration mondiale de l’Occident avec l’URSS).

[6] Dans un précédent article intitulé « Exterminisme et criminalisation » (numéro spécial de la revue Etincelles), j’ai tenté de montrer comment Kant a prolongé à l’international les principes républicains de Rousseau. Kant a lui aussi été victime des mêmes mésinterprétations que Rousseau et l’on a trop souvent vu l’auteur du Projet de paix perpétuelle comme un partisan à tous crins d’un fédéralisme mondial destructeur des souverainetés. Je ne puis développer ici mais il est aisé de montrer que c’est strictement le contraire : d’une part le « fédéralisme » kantien refuse explicitement l’idée d’un gouvernement mondial destructeur des libertés au point que Kant condamnait sans appel l’idée d’ingérence dans les affaires d’un autre Etat (et plus encore de criminalisation de cet Etat) comme attentatoire à l’idée d’une paix perpétuelle future (d’un ordre juridique mondial reposant sur l’égalité entre peuples et permettant de régler les litiges sans passer par la guerre). De manière plus générale,Exterminisme et criminalisation montrait qu’il est aberrant d’opposer le formalisme kantien au matérialisme puisque pour Kant, l’impératif catégorique majeur de la politique internationale est d’éviter la « guerre d’extermination » et tous les moyens qui y conduisent, dont les ingérences, l’assassinat des chefs d’Etat étrangers belligérants, etc.. Sans quoi, la guerre n’ayant plus la moindre limite, l’humanité risque d’être exhaustivement détruite et avec elle « la source de tout droit » : le sujet humain. Si bien que le formalisme moral et politique kantien débouche sur la nécessité ô combien matérielle de défendre la vie de l’humanité. Cela prive de l’autorité de Kant les vaticinations proprement exterministes qui, depuis les années 70 et l’antisoviétisme fanatique des prétendus « nouveaux philosophes », a conseillé aux hommes de prendre le risque de la guerre mondiale exterministe pour éliminer l’URSS et « sauver les valeurs occidentales » (c’est-à-dire en réalité la Bourse) !

Commentaires

de simonelebaron
Nous avons notre place ici dans Politique-actu, ce n'est pas par hasard, nous appellons un chat un chat, et dépassons ce que j'appelle en grec "to koinoniko psema" que l'on peut traduire par "mensonge social". Faisons des émules, il est temps que les choses changent !
Simone Le Baron
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19 July - 00h11

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