"La Guerre de six Jours" par Pierre Boutang - Critiques de Jean-Luc Pujo - #Israel #Palestine #PierreBoutang #JLPujo
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« La guerre de six jours » Pierre BOUTANG
Notes de Jean-Luc Pujo
La lecture de Pierre Boutang après le 7 octobre 2023* - en pleine nouvelle guerre israélo-palestinienne - est un exercice décapant, salvateur.
La qualité de l’analyse, les hauteurs de l’échange tranchent avec la médiocrité terrible de notre débat actuel quel que soit le point de vue défendu.
Le catho-sionisme dont il se revendique est ici décliné brillamment. Et si l’on refuse de le suivre, sur plusieurs pentes, si l’on persiste à rester fidèle à Raymond Aron, il faut le reconnaitre, la pensée de Pierre Boutang nous percute par la succession de plusieurs fulgurances.
Avec lui, nous revisitons l’histoire de la création d’Israël puis celle de la guerre froide, réexaminons le contexte de l’inversion des alliances russo-américaines contre la France et la Grande Bretagne à partir de Suez… et ses conséquences.
Lire Pierre Boutang, c’est revisiter les grands auteurs : Jacques Maritain, Bloy, Peguy, Claudel, Bernanos, Kafka, Maurras, Aron, Soustelle, Berque, Jung, Gabriel Marcel, Levinas, Vidal-Naquet, Bloch, Clavel… et les écritures saintes.
D’une immense culture, qui tranche avec notre impéritie actuelle, Pierre Boutang nous rappelle le lien intrinsèque de la France avec les lieux Saints et nous invite à revisiter un demi-siècle d’histoire diplomatique à la lumière d’arguments d’une étonnante modernité.
A-t-il encore raison de condamner le Panarabisme – avec plusieurs critiques fondées – en le réduisant à son seul anti-israélisme patent ?
Avec lui, le lecteur s’interroge sur « les beaux fruits de Suez 1956 », réexamine les arguments à l’appui de la question ancienne - « Pourquoi Israël est-il l’Europe ? »
Avec Boutang, le lecteur refait le procès de « la nation arabe » et celui de Nasser, revisite l’histoire de la IVème république, éclaire d’un regard nouveau les erreurs de la diplomatie américaine, dit en quoi Suez – et non la guerre d’Algérie - explique le retour de de Gaulle – Brillant ! – et s’interroge sur ce qui accompagne la naissance d’Israël – « en quoi Israël a innové et ce qui est acquis » - ou encore sur « la bombe chinoise » comme nouvelle réalité.
Et bien sûr, Boutang termine par un examen amoureux-douloureux des relations entre la France et Israël « Si je t’oublie Jérusalem » faisant de ce jeune et vieux Etat d’Israël l’héritier de la monarchie franque de Jérusalem.
Lire Pierre Boutang est indispensable pour aborder ces multiples questions essentielles.
Pourtant, pas d’inversion de lecture.
La postface du philosophe Michael Bar-Zsi - permet de mieux comprendre les fondements de notre désaccord :
« (…) les véritables interrogations de pierre Boutang portent sur la nature théologico-politique de l’Islam, sur les relations de celui-ci avec l’Occident – dont Israël lui est apparu le messager emblématique – sur ce que doit être la modernité, et sur le sens de la liberté, sur la reconnaissance et le respect des minorités ethnico-religieuses dans les Etats arabo-musulmans – elles portent sur ce que Boutang appelle « la violence faite aux réalités arabes » et « la part immortelle de l’Islam ».
Et cette conclusion terrible « l’idée d’un règlement pacifique durable, sans vainqueur ni vaincu est la plus aveugle et folle chimère ».
1967 ? « Tout le monde assiste à l’avènement expiatoire de la théatrocratie », tragédie grecque, le mot est de Platon.
Et cette déclaration d’amour au soldat juif. « N’est-ce pas l’extension de la souveraineté juive à l’ensemble des quartiers de la ville – confiée à la garde de l’Etat et du soldat juifs - qui aurait re-sacralisé Jérusalem aux yeux des musulmans ? »
Peu à peu, Pierre Boutang apparait limpide comme nos désaccords persistants.
Deux visions fondamentales ainsi nous opposent : l’une spirituelle, l’autre philosophique ; ici l’eschatologie juive et là le devoir de Justice ; Ici Athènes, et là Jérusalem.
Nous le comprenons soudain. Boutang cherche à nous révéler le sens du basculement profond de notre monde.
Homme politique ? Homme religieux ? Voilà Boutang renouant avec sa pensée première, celle du maurrassisme initiatique, qui fait d’une vérité - l’homme seul devant Dieu - un homme profondément religieux. Celle qui fait du lien de la foi chrétienne avec la nation, l’attachement du christ lui-même avec sa patrie terrestre, qui justifie le patriote chrétien, commande a fortiori sa solidarité avec Israël. « Jésus, patriote juif » (Bossuet).
Athènes ? Jérusalem ?
Fondement de notre désaccord. Boutang pense Jérusalem, nous disons Athènes.
Et si nous restons fidèles à la pensée grecque - nous n’en démordons pas - nous pouvons remercier Boutang de nous permettre de refaire frontières. Brillamment.
Jean-Luc Pujo
PS : Merci bien sûr aux éditions Les Provinciales qui nous permettent d’accéder à cette pensée.
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(*) Notes JLPujo : Le 7 octobre 2023, le Hamas – organisation politique et militaire – a mené un ensemble d’attaques terribles sur la population civile israélienne, faisant 1200 morts et des centaines d’otages. Ces actes inadmissibles sur des populations civiles peuvent – juridiquement - être qualifiés « d’actes de terrorismes ».
En représailles, Tsahal – armée officielle de l’Etat d’Israël – a mené une opération militaire catastrophique dans les territoires de la bande de Gaza, exécutant certes des membres du Hamas mais provoquant aussi la mort de plus de 20.000 civils, femmes et enfants. Ces actes menés intentionnellement par un Etat membre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sont totalement disproportionnés et peuvent – juridiquement - être qualifiés de « crimes de guerre ».
Liens vers la page du Livre :
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