"L’Inquisition" de Marie-France Schmidt - La chronique anachronique de Hubert de Champris

[Gravure : L'Inquisition, bûchers sur la place- 17e siècle - BnF, département des Estampes et de la Photographie, PF-6-FOL (9)]

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le 11 juillet 2023,

La chronique anachronique de Hubert de Champris

-Marie-France Schmidt, L’Inquisition, PUF, Que sais-je ?, 9 €.

Ils sont deux. Plus qu’un duo, une fratrie. Un frère et une sœur. L’homme : Joël Schmidt, historien de l’antiquité gréco-romaine et de tout ce qui s’en suit, essayiste, romancier onirique et romantique aussi de son adolescence, critique littéraire et, last but not the least, fils de feu Albert-Marie Schmidt, surnommé Maître Albert, ou Albert le Grand, spécialiste de la poésie du XVI^ème siècle et du calvinisme, lui-même protestant comme son fils. La femme : Marie-France Schmidt, universitaire férue du Siècle d’Or espagnol et de ce qui tourne autour. Elle est un peu le pendant féminin de Pierre Chaunu, lequel avait commencé sa carrière en rédigeant sa fameuse thèse sur Séville et l’Atlantique de 1504 à 1650. Catholique de son état. Comme dirait ma concierge, les deux cheminent mêmement de concert et de conserve : après les nombreux Que sais-je ? du frère, voici le Que sais-je ? de Marie-France sur L’Inquisition, toutes les inquisitions, l’inquisition française, à l’époque de la Croisade des Albigeois, au reste peut-être plus étatique qu’épiscopale ; et l’Inquisition espagnole.

La psychologie générale de notre duo s’avère en affinité avec la ligne de la collection Que sais-je ? Nous la résumerons ainsi : en-deçà d’une objectivité jamais atteinte mais toujours à rechercher, s’astreindre non pas même à la neutralité mais à une bienveillance envers les faits, ladite bienveillance étant donc à la fois morale et méthodologique. Soit les scrupules propres à la méthode expérimentale de Claude Bernard mais, ici, appliquée aux sciences humaines, soit, également, la méfiance envers l’anachronisme, le plus souvent inconscient et, donc, toujours prêt à resurgir dans la tête de l’historien. (On se souvient que le fascicule de la collection sur L’Astrologie a longtemps été l’œuvre d’un astronome qui n’avait jamais étudié l’astrologie. Chez Que sais-je ? la matière s’honore aujourd’hui du travail d’une scientifique de ‘‘science dure’’ (la biologie), Suzel Fuzeau-Braesch qui, a minima, a le mérite de nous montrer que les choses ne sont pas si simples.) Ainsi, avec rigueur, simplicité et passion procède Marie-France Schmidt, déjà biographe de Cisneros, Cardinal et grand inquisiteur au XV^ème siècle. Avec elle découvre-t-on une Inquisition espagnole bien intentionnée cherchant avant tout à faire comprendre à qui de droit - c’est-à-dire avant tout au catholique, à celui-là même qui doit répondre de la conformité de l’appellation à la foi qu’elle implique de droit avant même qu’elle ne la commande - …oui, faire comprendre avant de faire accroire, persuadée qu’elle est que cette étape, sincèrement passée, est la condition du Salut. Une inquisition d’abord et avant tout pédagogue en quelque sorte qui ne s’intéresse aux Juifs judaïsant en secret que parce qu’ils sont officiellement (devenus) catholiques et qu’il ne doit plus en conséquence rien demeurer en eux de spécieux et d’officieux.

Et c’est bien cela le paradoxe : l’auteur étant fidèle à la ligne du Que sais-je ?, le lecteur en vient à regretter l’absence de toute veine polémique, du moindre esprit partisan, je veux dire : de la moindre idéologie que l’exploitation de Jean Dumont (préface de Pierre Chaunu), L’Eglise au risque de l’histoire, éditions de Paris, eût pu sainement argumenter.

De cette lecture déduit-on aussi 1/ le distinguo à opérer entre liberté de religion (et de culte) et liberté de conscience, - distinguo que notre post-modernité, en sa virulente intolérance, déclare non seulement irrecevable et indicible mais, pire : impensable – mais aussi (ce que reconnaissent à présent juristes et historiens du droit) 2/ l’exemplarité, par sa prise en considération des droits des parties, par sa justesse quand ce ne serait pas sa justice même, de la procédure pénale inquisitoriale dont la Justice actuelle si ce n’est dans sa lettre, du moins dans son esprit, ferait bien de s’inspirer.

Hubert de Champris*

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[NDLR : La redaction de politique-actu.com est heureuse d'acceuillir de nouveau les chroniques d'Hubert de Champris dont nous apprécions la qualité d'analyse et la liberté de ton. Merci à cette plume exceptionnelle. JLPujo]