"MARIAGE HOMO : IL FAUT UN REFERENDUM !" par Roland HUREAUX, Gaulliste
Dans son discours de politique générale, le premier ministre Jean-Marc Ayrault a confirmé la volonté du gouvernement d’ouvrir le mariage et l’adoption aux personnes du même sexe dès le premier semestre de 2013.
Il n’est pas sûr que le Français soient prêts à cette révolution juridique autant que le laissent penser les sondages. Si la majorité parait indifférente, deux minorités très motivées s’affrontent. Les partisans de la réforme : une partie des homosexuels, sans doute minoritaire parmi eux mais très présente dans les partis politiques et les médias. Les opposants : surtout des catholiques engagés, minorité moins influente mais probablement plus nombreuse et au moins aussi déterminée : il ne fait pas de doute que si le mariage entre personnes du même sexe n’avait pas figuré dans son programme, François Hollande aurait gagné plus largement. Des agnostques comme Michel Charasse sont également opposés à cette réforme au nom de la raison, ainsi que la plupart des adeptes des autres religions.
Certains peuvent penser que, face à l’ampleur des problèmes posés par la crise économique, la question est futile.
Elle ne l’est pas : les Etats-Unis sont au bord de la guerre civile sur ce sujet.
Et pour cause : le mariage entre personne du même sexe constitue un bouleversement anthropologique de première magnitude.
Une révolution anthropologique
La différence sexuelle comme moteur de la vie, un moteur prodigieux et qui recèle encore bien des mystères, apparaît bien avant l’homme, dès les premiers organismes complexes, il y a plus d’un milliard d’années.
Dès l’origine, les sociétés humaines ont éprouvé le besoin de régler la sexualité et surtout la procréation, sur la base d’une différence reconnue entre l’homme et la femme, donnée plus universelle encore que l’interdit de l’inceste.
Si l’homosexualité existe, elle aussi, depuis longtemps, l’idée d’un mariage entre personnes de même sexe est en revanche absente de l’histoire, sinon sur le mode parodique (cf. la vie de Néron par Suétone).
Le mariage « unisexe » non seulement remettrait en cause cet ordre ancestral mais il ouvrirait sans doute la porte à d’autres remises en cause : y a-t- il une fatalité par exemple à ce que le chiffre 2 soit sacralisé, dès lors qu’il n’est plus fondé sur une symétrie ? Sans pour autant admettre la polygamie, ne faut-il pas ouvrir l’institution du mariage à des communautés plus larges que le couple ? Sans qu’il soit question d’inceste, peut-on admettre que, comme c’est le cas aujourd’hui du fait du pacs, deux amis puissent se léguer plus facilement leurs biens que deux frères ou deux sœurs non mariés, lesquels peuvent pourtant former une communauté tout aussi solidaire ? L’adoption homosexuelle remet en cause la filiation, l’état-civil, demain la généalogie. De fil en aiguille, le bouleversement de notre socle anthropologique envisagé est beaucoup plus ample qu’il ne paraît.
La Constitution organise la société politique. Mais celle-ci n’est pas seulement une société d’individus, elle est aussi une société de sociétés : collectivités territoriales dont traite le chapitre XII de la constitution, et naturellement familles mentionnées à l’article 10 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946.
Les lois qui régissent cette cellule de base de la société politique que constitue la famille, ont, comme les droits des individus, une dimension métapolitique. Elles ont dès lors, par leur caractère fondateur, une toute autre portée que les lois ordinaires, votées à l’intérieur du cadre constitutionnel.
Les grands textes métaconstitutionnels comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ou les préambules des constitutions les plus récentes ne parlent pas des rapports de l’homme et de la femme. L’article 4 de la Déclaration des droits et devoirs de l’homme et du citoyen du 5 fructidor an III dit que « Nul n'est bon citoyen, s'il n'est…bon époux » mais sans préciser le sexe du partenaire. Il est vrai qu’à l’époque où ces textes furent rédigés ces choses avaient un tel caractère d’ évidence qu’une telle précision n’ apparaissait pas nécessaire. Tel n’est plus le cas aujourd’hui.
C’est pourquoi l‘idée commence à faire son chemin qu’un changement aussi fondamental que le mariage de personnes du même sexe appelle une procédure au moins aussi solennelle que celle qui a fondé les institutions politiques, à savoir le référendum.
François Hollande, qui ne mesure peut-être pas encore l’ampleur du bouleversement qu’il se propose d’engager, s’honorerait de prendre l’initiative d’un tel référendum, lequel serait l’occasion d’un grand débat à même d’éclairer enfin pleinement toutes les dimensions du sujet.
S’il ne s’y résolvait pas, on pourrait trouver là l’occasion de mette en ouvre en vraie grandeur le référendum d’initiative populaire, tel que la réforme constitutionnelle du 21 juillet 2008 l’institue à l’article 11. Certes, la loi organique qui en précise les modalités n’est pas encore votée mais son défaut peut-il entraver l’exercice d’un droit désormais reconnu par la Constitution ? Sans doute, les conditions mises à l’organisation d’un tel référendum sont-elles strictes : il doit être demandé par un cinquième des parlementaires et un dixième du corps électoral (soit 4, 6 millions d’électeurs). Mais, compte tenu des passions que suscite ce sujet et surtout de son enjeu, un tel quorum ne devrait pas être impossible à réunir.
Roland HUREAUX
Publié avec l'aimable autorisation de son auteur. Article paru dans Le Figaro - été 2012.
[Normalien et énarque, Roland Hureaux a été membre du cabinet de Philippe Séguin et professeur associé à l'Institut d'études politiques de Toulouse. Il a également été invité à plusieurs reprises par les Café Hyper républicains de Politique-actu.]
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