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#SALVADOR - article de Maurice LEMOINE - SUITE

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(Suite)

Front Nord (Chalatenango).

Le 12 novembre 1989, les révolutionnaires lancent une très violente offensive – « Hasta el tope ! » [4] – sur San Salvador. Ombres silencieuses, les guérilleros attaquent simultanément une vingtaine de positions militaires. Conquis sans coup férir, les quartiers populaires qui entourent la capitale – Santa Marta, Zacamil, Mejicanos, Soyapango – se transforment en bastions rebelles. L’armée panique. Malgré les deux cents conseillers militaires américains présents dans le pays, elle ne contrôle plus la situation. Les combats acharnés vont durer une dizaine de jours, marqués, entre autres faits, par la prise de l’hôtel Sheraton. Qualifiée par le Département d’Etat d’« abominable acte de terrorisme », les guérilleros y prennent au piège dix-huit bérets verts des Forces spéciales US (qui pourront finalement quitter l’hôtel le 21 novembre, 18 heures après le départ des guérilleros). Cinq jours auparavant, le 16 novembre, le jésuite espagnol Ignacio Ellacuria, recteur de l’Université centre-américaine José Simeón Cañas (UCA), a eu moins de chance : partisan et artisan fervent du dialogue entre le gouvernement et le FMLN ainsi que d’« une paix juste », il a été exécuté de sang froid par un commando du bataillon Atlacatl, ainsi que cinq autres prêtres et deux employés. Ce crime abominable provoque une commotion au sein de la « communauté internationale » et met le gouvernement en difficulté.
Bien que l’aviation et l’artillerie pilonnent les quartiers populaires et que les combats fassent au moins mille cinq cents morts dans les rangs des militaires et des rebelles, le pouvoir, sauvé in extremis de la défaite par une assistance massive de Washington, doit admettre le rapport de forces et accepter la présence comme médiateur du secrétaire général de l’ONU.
Il faudra néanmoins que, en novembre 1990 encore, le FMLN lance une offensive « à caractère limité » au cours de laquelle, pour la première fois, il utilise des missiles sol-air (fournis par le Nicaragua). En aucun cas le pouvoir ne peut désormais envisager une issue militaire (son aviation et ses hélicoptères, déterminants, ne pouvant plus appuyer les combats au sol).
Les Etats-Unis ayant congelé la moitié des 85 millions de dollars de leur aide militaire, faute de progrès dans les poursuites judiciaires contre les assassins des jésuites, Cristiani écarte du pouvoir l’aile la plus réactionnaire d’Arena et relance les négociations. Ayant préparé l’avenir, les colonels membres de « la Tandona » se « résignent » : grâce au détournement d’une partie de l’aide étatsunienne, ils sont devenus propriétaires de firmes nationales et actionnaires de holdings internationaux. De son côté, le FMLN ne peut plus tergiverser : l’effondrement des partis communistes en Europe de l’est et l’échec électoral à venir des sandinistes aux élections vont l’isoler définitivement. Le 4 avril 1990, les négociations reprennent.

Front Nord (Chalatenango).

Issu d’une famille proche de la démocratie chrétienne, le colonel Mauricio Ernesto Vargas représente l’armée au sein de la délégation gouvernementale. « En premier lieu, il a fallu établir des relations de travail », nous racontera-t-il. « On n’était pas dans un cercle social ou un club d’amis. » Vargas a toujours été clair. « Vous devez résoudre un problème et les problèmes se résolvent avec ceux avec qui ils doivent être résolus ! » Bien sûr, il lui reste, mais comment pourrait-il en être autrement quand on s’est tant accroché au dogme, y compris contre toute évidence, un résidu d’arrière-pensée. On n’est pas colonel pour rien. « On aurait pu gagner la guerre. Mais gagner la guerre, c’était peut-être perdre la paix. Ça en a fait réfléchir beaucoup. » La violence d’un conflit déshumanise. L’individu rationnel finit par chercher une solution. La Nation demandait la paix. « A tous ceux qui ne démordaient pas de leur terminologie de guerre froide – “ les subversifs ”, l’ “ ennemi ” –, il fallut expliquer : Nous allons parler aux "adversaires" dans une perspective politico-idéologique ». Vu par Vargas, cela donne : je ne suis pas d’accord avec tes idées, tu n’es pas d’accord avec les miennes, mais il vaut mieux discuter que nous enfermer dans la violence. Aspect fondamental : la connaissance de l’autre. Il a sa façon de penser. Le but, c’est de la respecter. Pas de la partager. Mais oui, de la respecter. Et ce respect mutuel, ce passage d’une culture de la mort à une culture de la vie, de la confrontation à la tolérance, c’est ça le changement. La tâche n’est pas facile pour un militaire. L’ennemi, la situation la plus naturelle, c’est de l’affronter. « Donc, il fallut une relation de travail pour trouver une solution au problème et le dépasser. Jusqu’à parvenir au nécessaire point d’équilibre. » Chacun faisant des concessions.
Idem pour les guérilleros. Tous ces proscrits qui, hier, tournaient leurs yeux vers La Havane, Managua, Hanoï ou Moscou croisent la délégation d’un pouvoir dont l’assassinat constitua souvent la principale forme de gouvernement. A San Miguel de Allende (Mexique), lors d’une des ultimes phases des conversations, les deux groupes résident dans le même hôtel. Il leur arrive de manger ensemble – mais à des tables séparées. Ils se saluent avec courtoisie. Ils partagent la même église et la même messe au Costa Rica. On passe aux choses sérieuses, ils se retrouvent en tête-à-tête, le couteau entre les dents. Jusqu’au dernier jour, le « comandante » Shafick Handal enrage : « Sur la table de négociations, n’ont été posées que nos idées. Le gouvernement se contente de réagir. Il n’a jamais émis la moindre suggestion dans le sens de la réforme. » Mais la haine n’est pas individualisée. Durant tous ces mois, ils ne s’insulteront jamais [5].
Après un pré-accord signé le 31 décembre 1991 à New York, sous les auspices du secrétaire général des Nations unies Javier Pérez de Cuéllar, les pourparlers aboutissent, le 16 janvier 1992, à Chapultepec. Mais le cessez-le-feu n’entrera officiellement en vigueur que le 1er février. 

Front Nord (Chalatenango).

Dans le maquis, un étrange tressaillement saisit les « compas ». Ils vivaient pendus aux nouvelles, tous savaient que « los viejitos » [6]étaient en train de négocier. Petite guérillera du Morazán, Léona pensait bien que la guerre allait se terminer un jour ou l’autre. « Mais personne n’imaginait qu’elle allait se terminer comme elle s’est terminée. Déposer les fusils et tout... » Elle ne sait pas trop ce qu’elle en pense, mais un grand contentement la saisit. Elle a toujours eu peur. La peur est normale, même si au bout de tant d’années, on finit par s’y habituer. Et là, soudain... « Il ne va plus y avoir de “balaceras” ! » – ces fusillades tant redoutées. On discute ferme, le soir, autour du feu, avant que l’air froid ne vous prenne à la gorge. Car merde, s’insurgent certains, on était partis pour s’inscrire dans la grande Histoire et, au bout du compte, on n’a pas pris le pouvoir ! Dans les montagnes d’Usulután, Amilcar fait la part des choses : « Si on arrive à un accord comme celui qu’a accepté le gouvernement, c’est qu’il ne pouvait pas nous battre. Et vice-versa. Pour moi, la négociation a été le plus intelligent. » On débat à n’en plus finir et parfois très vivement. Mais nul n’oublie que le cessez-le-feu n’entrera en vigueur qu’à partir du 1er février. Des patrouilles s’enfoncent toujours au cœur du Chalatenango dès que l’aube rosit les monts. Celle de Roman Torres tombe sur l’armée à proximité du barrage Cerrón Grande. Elle se fait courser dans les « cerros ». Le fantôme de la mort rôde autour d’eux, tout le monde tire plus ou moins en l’air. Personne, ni d’un côté ni de l’autre, n’a envie d’être le dernier tué. Quelques jours plus tard, avec un ridicule peloton, ils feront courir une centaine de soldats. Non, « puchica », tant de sang est passé sous les ponts, personne ne veut être le dernier.

Département de Cabañas : « Journaliste, prends-nous en photo, ça fera un souvenir, on sera peut-être morts demain. » (1981)

Le Salvador entre dans une nouvelle phase de son histoire. S’il n’a pas gagné la guerre, le FMLN ne l’a pas perdue non plus. Son poids, à la table des négociations, met fin à une hégémonie militaire vieille de soixante ans et va permettre une profonde réforme de l’Etat assise sur une série de mesures sans précédent : respect du suffrage universel ; réforme du système judiciaire ; réforme constitutionnelle ; séparation de la Défense et de la Sécurité publique, réduction drastique des effectifs de l’armée, création d’une Police nationale civile.
Certes, les premiers pas sur le chemin de la paix sont malaisés. Le 15 décembre 1992 pourtant, après des mois de retard, de méfiance et d’accusations mutuelles, une cérémonie marque officiellement la fin de la guerre civile. En cette circonstance, les Etats-Unis annulent 466 millions de dollars de dettes. Ils ne feront guère plus pour la reconstruction d’un pays qu’ils ont largement contribué à ravager.

Le Salvador va encore vivre un moment particulièrement difficile quand, en mars 1993, est rendu public le rapport de la Commission de la vérité constituée sous l’égide de l’ONU. Premier point sur cette tragédie qui a fait plus de 75 000 morts, dont deux tiers de civils, et un million de déplacés, dans un pays de 5,5 millions d’habitants : « Cette explosion plonge ses racines profondes dans une histoire nationale de violence qui a permis de qualifier les opposants politiques d’ennemis pour mieux les éliminer [7] .  » Qu’on nous pardonne le rapprochement : on se croirait en Colombie ! Du document salvadorien, il ressort que, pendant douze années, les présidents salvadoriens Duarte et Cristiani, les ambassadeurs américains Deane Hinton, Thomas Pickering, Edwin Corr, William Walker, ainsi que les présidents Reagan et George Bush ont sciemment menti, couvert ou caché des crimes. En effet, révèle la commission d’enquête, « la grande majorité des violations étudiées (…) ont été commises par des membres des Forces armées ou par des groupes en lien avec elles ».
Durant les pires années, celles de la « guerre sale » (1981-1984), 65 % des cas relèvent des exécutions extrajudiciaires, 25 % des disparitions forcées, 20 % des tortures. En ce qui concerne les responsabilités, presque toujours citées dans les dénonciations, elles sont attribuées aux agents de l’Etat, aux paramilitaires reliés à celui-ci et aux escadrons de la mort pour 85 % des cas ; au FMLN pour… 5 % [8] !
« L’Etat salvadorien, peut-on lire, dans les agissements de membres des Forces armées et/ou de fonctionnaires civils, est responsable d’avoir aidé, encouragé et toléré le fonctionnement des escadrons de la mort qui ont illégalement attaqué des membres de la population civile ». Allant plus loin, la Commission écrit, d’une manière qu’on qualifiera d’explosive : « Il faut également signaler que, pour sa part, le gouvernement des Etats-Unis tolérait, apparemment sans grande considération officielle, les agissements d’exilés salvadoriens vivant à Miami, en particulier entre 1979 et 1983. Ce groupe d’exilés a directement financé et indirectement dirigé quelques escadrons de la mort. Il serait bon que d’autres enquêteurs, disposant de plus de moyens et de temps, fassent toute la lumière sur cette histoire tragique pour pouvoir donner l’assurance que ne se répétera jamais plus aux Etats-Unis une tolérance envers des personnes ayant quelque chose à voir avec des actes de terreur dans d’autres pays. » Inutile d’ajouter qu’il s’est agi là d’un vœu pieux.
Offrant à la réflexion l’une des clés du conflit, le rapport note que les escadrons de la mort sont nés entre 1967 et 1979 – c’est-à-dire avant le déclenchement de l’insurrection populaire –, dans le but « d’identifier et d’éliminer les prétendus communistes en milieu rural », permettant aux gouvernements de se maintenir essentiellement grâce à cette « violence sélective ». Dans ces conditions, était-il illégitime d’avoir recours aux armes, alors même que toute sortie démocratique demeurait désespérément fermée ?

Garde nationale (San Salvador).

Suite à la publication de ce document, l’ensemble de la direction du FMLN assume ses responsabilités et se déclare solidairement responsable des violations des droits humains qui lui sont reprochées – quelque quatre cents meurtres et plus de trois cents disparitions. Les militaires salvadoriens, à qui sont imputés l’immense majorité des crimes, nient les faits, accusent l’ONU de partialité et multiplient les manœuvres pour empêcher l’épuration de l’armée.
Lorsque se profilent les élections de 1994, le président Cristiani est toujours l’otage du haut commandement, radicalement opposé à toute « punition ». Le 3 janvier, le ministre de la présidence, Óscar Santamaria annonce que le gouvernement décrétera une amnistie générale, après le cessez-le-feu. Cette mesure vise à permettre... « la réinsertion des rebelles dans la vie civile et politique » ! Elle est surtout le résultat de tractations entre le pouvoir et l’armée : l’impunité en échange d’un engagement de ne pas torpiller les accords de paix.

Pendant la campagne électorale précédant ces « élections du siècle », l’extrême droite agite encore le slogan : « Patrie oui, communisme non, El Salvador sera la tombe des rouges ! » Avec « seulement » vingt et un assassinats politiques, et malgré une grande violence verbale d’Arena, le scrutin se déroule néanmoins dans un calme relatif. L’espace politique s’est ouvert à ce qui fut l’opposition armée et, pour la première fois de leur histoire, les Salvadoriens vont pouvoir faire leur choix sur l’ensemble du spectre politique.
Membre fondateur d’Arena et maire de San Salvador, appartenant à la frange moderniste des entrepreneurs du parti et non à celle des grands propriétaires terriens, Armando Calderón Sol, l’emporte avec 49,6 % des votes. Pour sa première participation, le FMLN a choisi d’appuyer une coalition, Convergence démocratique (CD), sous la direction d’un de ses traditionnels alliés de la gauche modérée, Rubén Zamora, et se présente de façon indépendante pour les législatives et les municipales. Si les présidentielles sont perdues (27 % des voix), le Front porte vingt-et-un députés à l’Assemblée, soit le quart des sièges à pourvoir, et devient la deuxième force politique du pays.

Il n’y aura néanmoins pas de miracle immédiat. Si les « élites » ont perdu la capacité de tuer, elles demeurent bien en place et, dans un contexte global post-mur de Berlin, la diabolisation des « communistes » du FMLN dans un pays extrêmement polarisé va permettre à l’Arena de gouverner pendant quinze ans – Calderón Sol (1994-1999), Francisco Flores (1999-2004), Tony Saca (2004-2009). Avec l’appui, bien entendu, des Etats-Unis. Lors de la campagne électorale de 2004, le gouvernement de George W. Bush intervient sans pudeur pour appuyer l’Arena. Prédisant les pires catastrophes « si le communisme venait à s’emparer du Salvador », Washington va jusqu’à menacer d’y empêcher l’envoi d’argent – les « remesas » – des immigrés salvadoriens vivant aux Etats-Unis. L’avertissement n’a rien d’anodin : seconde source de revenus du pays, ces « remesas » pèsent alors pour 17 % du produit intérieur brut (3,8 milliards de dollars en 2008).

Quinze années de purgatoire… C’est qu’on ne sort pas d’une guerre comme on revient d’une promenade de santé. Des dizaines de milliers de réfugiés rentrent dans un pays que la guerre a laissé exsangue, désarticulé. La réduction des effectifs des forces armées provoque l’apparition de bataillons de désœuvrés, la démobilisation d’une génération de guérilleros pose problème alors que le chômage écrase déjà les sociétés de tout son poids. Hier au Salvador, un peu plus tard au Guatemala, depuis 2016 en Colombie, se pose une même question : comment passer de la lutte armée à la vie démocratique ? Comment retrouver sa place dans cet univers individualiste dont on ne connaît plus les codes, dont on ne possède pas les clés ? Au sein de chacune des composantes du FMLN, s’ouvrent des débats pour trouver un mode de fonctionnement moins verticalement hiérarchique que celui imposé par la guerre. La guérilla se transforme en un parti « démocratique, révolutionnaire et chrétien », les six structures qui le composent étant dissoutes en mars 1995 au sein d’un seul FMLN, qui accepte néanmoins les « tendances ». Une transformation difficile, en l’absence d’expérience et de moyens financiers.
La réinsertion se révèle plus difficile qu’espérée. Les guérilleros (et les militaires démobilisés) ont donné une partie de leur vie. Ils pensaient que la société leur accorderait une reconnaissance à la mesure de leur sacrifice. Ils sortent de la montagne avec, pour unique bagage, une chemise et un sac à dos. Grâce à la solidarité de la communauté, ils survivent pendant quelque temps. Mais les programmes prévus pour l’octroi de terres ou le financement de projets productifs patinent. Pour les non paysans, « un passé au sein de la guérilla n’est pas forcément le meilleur passeport pour trouver du travail » ! Crédits à la micro-entreprise, formation (très brève) pour la plomberie ou la pose de structures métalliques... Il n’y a pas de marché ! Ils demeurent avec leur crédit inutile (à rembourser), leur formation aussi inutile, et vont grossir les ceintures de misère de San Salvador, à la recherche d’un improbable boulot. En 1996, Shafik Handal, ex-« comandante » qui sera candidat à la présidence en 2004, accuse : « La réinsertion des ex-combattants a été délibérément freinée par le gouvernement. Avec un but politique. Provoquer des problèmes au FMLN, envoyer un message : il n’a pas été capable de résoudre les problèmes de ses gens. » De fait, des colères à peine rentrées s’expriment, telle celle-ci, recueillie cette même année 1996 : « Tout ça, c’est de la merde, j’étais dans les commandos urbains, on n’était pas d’accord avec ces accords de paix [9]  ! »

Ex-guérilleros de l’ERP, dans le Morazán (1996).
Ex-guérilleros de l’ERP, dans le Morazán (1996).

Aux obstacles et aux pièges tendus par le pouvoir, s’ajoutent les contradictions existant au sein même du FMLN. Depuis 1983, celui-ci était divisé entre une aile sociale-démocrate (ERP, RN) et une aile marxiste (FPL, PC, PRTC). Si le principe d’une « révolution démocratique » en lieu et place d’une « révolution socialiste » avait été adopté par tous en 1987, sur le fond, le débat continuait. En 1989, lorsque tomba le mur de Berlin, Joaquín Villalobos, leader de l’ERP (militairement la plus puissante des organisations), put triompher en se moquant des « dinosaures archaïques ». L’alliance dura cependant, malgré les frictions, jusqu’aux « élections du siècle ». Pour ce scrutin présidentiel, l’ERP et la RN souhaitaient une large alliance avec… la Démocratie chrétienne. Le reste du mouvement imposa son allié historique Rubén Zamora. En septembre 1994, les dissensions idéologiques atteignirent leur sommet : l’ERP et la RN firent scission (essentiellement les cadres, la base demeurant fidèle au FMLN) et fondèrent le Parti démocrate (PD). Villalobos souhaitait désormais que son pays suive le modèle costaricien, allemand ou japonais.
Dans la pratique, à la recherche d’un improbable centre, dans ce pays polarisé, et faute d’alliés représentatifs, le PD – comme le fera au Nicaragua le Mouvement de rénovation sandiniste (MRS) – tombera à droite, s’éloignant chaque jour un peu plus de ses anciens compagnons. Une trahison et un trouble terribles pour la majorité des ex-combattants.
De cet affrontement fratricide, le FMLN sortira vainqueur. Le PD ne mordant jamais sur l’électorat, Villalobos, voyant frustrée son ambition personnelle, finira par s’exiler. Vivant désormais en Grande-Bretagne, il y deviendra, à l’image de tout « défroqué », l’un des ennemis les plus agressifs des gauches latino-américaines. Là encore, un parallèle s’impose avec les « ex-commandants » sandinistes du MRS qui, en 2018, en alliance avec la droite nicaraguayenne et Washington, tenteront de renverser Daniel Ortega. En ce qui le concerne, dans les années 1990, Villalobos ira jusqu’à devenir conseiller auprès du gouvernement mexicain dans la répression de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) au Chiapas.
Le FMLN, de son côté, s’est attaché à retisser avec le mouvement social des liens quelque peu distendus. Au bout du compte, malgré les rancœurs, ses militants sont demeurés « FMLN » au plus profond d’eux-mêmes. Leur organisation, contrepartie dans les accords de paix, conserve la possibilité de faire pression dans les mécanismes institutionnels – chance que n’ont pas les anciens soldats – et de se mobiliser contre la brutalité du modèle économique imposé.

Front Farabundo Martí de libération nationale devenu parti politique.

Car les structures qui ont conduit à douze années de guerre civile sont toujours présentes ! Les programmes économiques qui se succèdent s’inscrivent dans la continuité des politiques d’ajustement structurel instaurées par Cristiani. Désireux de supprimer l’agriculture et de transformer le Salvador en un nouveau « tigre asiatique », les gouvernements appellent les investisseurs étrangers, en particulier dans le secteur des « maquiladoras » – usines de sous-traitanceétats-uniennes, coréennes ou taïwanaises dans lesquelles la main d’œuvre, essentiellement féminine, subit maltraitances et surexploitation. D’agro-exportatrice, l’économie se tourne vers les services, mais ne survit toujours que grâce aux envois de la communauté exilée aux Etats-Unis. La pauvreté touche la moitié de la population, la délinquance commence à exploser (plus de quatorze mille homicides en 1995).
Le 1er janvier 2001, adoptée à la va-vite par une courte majorité de députés présents, sans véritable discussion, la « dollarisation » de l’économie suscite des mouvements de colère de la rue et des représentants du FMLN à l’Assemblée. En effet, lors des élections législatives et municipales du 16 mars 1997, ceux-ci ont créé l’événement : au terme d’une campagne au cours de laquelle le parti a recentré son discours, se réclamant d’une « social-démocratie radicale », il a quasiment fait jeu égal (27 sièges) avec l’Arena (28 sièges) et contrôle désormais soixante mairies, dont Mejicanos, Soyapango, Ilopango, Santa Ana, Chalatenango, Zacatecoluca, plus, bien sûr, celle qu’il a tenté par deux fois de prendre par les armes : San Salvador. Nulle part ailleurs en Amérique latine, une ex-guérilla n’a obtenu de tels résultats si peu de temps après son retour à la vie civile. Et l’ascension va se poursuivre, lentement mais sûrement.

Fête populaire (Morazán).

Bien que la majorité reste à droite du fait des alliances de circonstance de l’Arena, les législatives du 12 mars 2000 vont faire du FMLN, grâce à son unité et aux résultats de sa gestion des municipalités conquises trois ans auparavant, le premier parti du pays. Reste la magistrature suprême, qui continue à lui échapper. Les blessures sont encore trop fraîches pour que puisse être élu un candidat directement impliqué hier dans la lutte armée. Battu à deux reprises en présentant d’anciens « comandantes » de la guérilla – Facundo Guardado en 1999 et Schafick Handal en 2004 –, candidatures contre lesquelles sont grossièrement intervenus les Etats-Unis, le FMLN en tire les leçons et change son fusil d’épaule : en 2009, il investit un « proche » de tendance sociale-démocrate, Mauricio Funes, qui, de sa vie, n’a jamais porté un fusil. Et triomphe enfin, le 15 mars, avec lui ! Cette victoire électorale est bien sûr favorisée par la dynamique régionale, « les gauches » gouvernant à ce moment le Venezuela (Hugo Chávez), Cuba (Raúl Castro), le Brésil (Luiz Inácio « Lula » da Silva), l’Equateur (Rafael Correa), l’Argentine (Cristina Kirchner), l’Uruguay (Tabaré Vázquez), le Paraguay (Fernando Lugo), le Chili (Michelle Bachelet), ainsi que les voisins hondurien (Manuel Zelaya) et nicaraguayen (Daniel Ortega).

Changement d’époque ? Pas encore. En politique, nul n’en ignore, il existe les amis et les faux amis. Ex-journaliste du Canal 12 de télévision et ancien correspondant de CNN en espagnol, Funes, plus opportuniste que radical, prend rapidement ses distances avec le parti qui lui a permis d’accéder au pouvoir. Lequel FMLN reçoit pour sa part un avertissement sans frais quant aux limites que, en Amérique centrale, on ne peut en aucun cas dépasser : au Honduras, le 29 juin 2009, considéré trop proche de Chávez, Manuel Zelaya est renversé par la Sainte alliance de l’oligarchie et des Etats-Unis que gouverne depuis peu Barack Obama. A bon entendeur, salut…
Entre le chef de l’Etat et son vice-président, l’ex-comandante Salvador Sánchez Cerén, ainsi qu’avec les députés du parti, qui n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée, le feu va brûler en permanence tout au long du mandat. Se déclarant publiquement « frustré par les positions irresponsables » du FMLN, Funes critique vertement les voyages très symboliques qu’effectue Sánchez Céren à Cuba et au Venezuela et le désavoue lorsque celui-ci se prononce contre l’installation de bases militaires US en Colombie. Désireux de maintenir l’alliance stratégique du pays avec les Etats-Unis, il refuse catégoriquement d’intégrer l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), créée par Hugo Chávez et Fidel Castro [10]. Avec l’appui et le vote des partis de droite, il envoie un contingent militaire en Afghanistan. Bref, il provoque une telle déception que cette droite, emmenée par l’Arena, l’emporte aux législatives de mars 2012. Triste bilan. Un coup pour rien ? Pas si sûr…

Si Funes et ses conseillers – appelés « les Amis de Mauricio Funes » – ont pris le contrôle des questions stratégiques, des matières économiques essentielles et du secrétariat aux réformes politiques, le FMLN a géré des domaines tels que la santé publique, l’éducation et la sécurité. Dans ce registre, sans réussir les changements dont ses partisans rêvaient, divers programmes sociaux ont tout de même réussi à faire baisser de presque six points le taux de pauvreté qui, d’après le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), s’établit désormais à 40 % de la population. Durant la campagne présidentielle de 2014, Sánchez Cerén, désormais candidat, promet d’approfondir cette orientation. Et l’emporte de très peu, mais l’emporte (50,11 % des voix), au terme du scrutin « historique » du 3 février ! Dans un hourvari de cris enthousiastes – « El pueblo, unido ! jamas sera vencido ! » – ce signataire des accords de paix de 1992 devient ainsi le sixième ex-guérillero à accéder au poste de président en Amérique latine et dans la Caraïbe, après Fidel puis Raúl Castro à Cuba, Daniel Ortega au Nicaragua, José « Pepe » Mujica en Uruguay et Dilma Rousseff au Brésil – sans parler du maire colombien de Bogotá (2012-2015), Gustavo Petro (ancien du M-19 et candidat très sérieux à la présidence colombienne en 2022). 

San Salvador aujourd’hui (vue très partielle !)…

Après 2014, les dissensions politiques entre le gouvernement du président Sánchez Cerén et l’Assemblée, où le FMLN n’avait acquis que 31 sièges sur 84, bloqueront en partie les réformes sociales. Le 4 mars 2018, le FMLN s’affaiblit plus encore en perdant les législatives (23 sièges, 20,61 % des voix) au profit l’Arena (37 députés, 40,23 % des suffrages). Lors de l’élection présidentielle qui suit le 3 février 2019, à la tête d’une Grande alliance pour l‘unité (GANA), Nayib Bukele (37 ans), spécialiste du virage politique, l’emportera dès le premier tour avec plus de 53 % des voix. Maire de San Salvador (2015-2018) sous la bannière du FMLN, avant d’être exclu du parti en 2017, il fait voler en éclat le bipartisme droite gauche ayant cours depuis près de 30 ans.
Cette défaite marque un tournant historique. Le collectif des quatorze anciens « commandantes » qui ont dirigé la guérilla dans les années 1980 puis pris les principales décisions du parti dans l’après-guerre annoncent leur retraite. Ils ne pourront pas être réélus lors des élections internes à venir – et ils ne le seront pas.
Le 28 février 2021, Nuevas Ideas – le parti politique créé pour soutenir Bukele – obtient la majorité des deux tiers à l’Assemblée législative. Dans ce pays ensanglanté par les « maras » (bandes de délinquants particulièrement violentes), le nombre d’homicides (35,6 pour 100 000 habitants en 2019) a diminué de moitié. La population en sait gré au président. Elle sera moins enthousiasmée par la suite des événements. Déjà, fait sans précédent, des militaires et policiers lourdement armés avaient fait irruption en sa compagnie au sein du Parlement, le 9 février, pour sommer les députés d’approuver un prêt destiné à équiper les forces armées. Le 1er mai, le nouveau Parlement va destituer neuf magistrats du Tribunal constitutionnel et le procureur général de la République, qui avaient lancé des enquêtes sur la corruption. Jusque-là considéré comme un « président millenium » pour son usage systématique des réseaux sociaux, sur lesquels il s’est proclamé « le dictateur le plus cool du monde », Bukele gouverne depuis de façon de plus en plus despotique. Dévoilant, le 20 novembre 2021, le projet d’une « Bitcoin City », il entend faire du Salvador le premier pays à utiliser le bitcoin comme monnaie officielle, à côté du dollar. Les trois quarts des Salvadoriens protestent, qui redoutent l’instabilité et l’inflation susceptibles d’être provoquées par l’extrême volatilité de cette monnaie. Le 12 décembre dernier, accompagnés de juges et d’anciens juges, des milliers de personnes ont manifesté, à San Salvador, contre la corruption et ce qu’ils considèrent comme une dérive autoritaire.

Tout ça pour ça ! murmurera-t-on peut-être en songeant à l’odyssée des « compañeros »… A chacun sa perception. Si les Salvadoriens manifestent aujourd’hui, c’est qu’ils peuvent le faire sans être massacrés.
Au-delà de la justesse de sa cause et de l’héroïsme de ses militants et combattants, le rapport de forces n’a pas permis au FMLN d’imposer des réformes structurelles en matière économique et sociale à la table des négociations. Mettre un terme à une guerre meurtrière et sans victoire possible constituait la priorité. Dans le contexte des années qui ont suivi et l’étouffant tête-à-tête avec les Etats-Unis, le modèle néolibéral a pu étrangler le pays. Toutefois, on aurait tort d’oublier l’essentiel : les progrès institutionnels, l’apparition d’un Etat de droit, l’émergence d’une vie démocratique qui n’avait jamais existé. C’est le pistolet sur la tempe (et le bazooka à la main) que l’oligarchie de l’archéo-Salvador a consenti à ces réformes. Elle n’aurait pas accepté de remettre en cause son pouvoir absolu sans la lutte armée. Les générations nées après les accords de paix ne peuvent imaginer ce que fut, dans le temps, l’exclusion politique, les fraudes électorales, les coups d’Etat, les menaces, les assassinats, les disparitions.
Une autre étape commence, un nouveau cycle, dans la recherche d’une « remontada » et d’un modèle alternatif de développement. D’un Salvador sans guerre qui tue ni paix qui opprime. Le rêve éternel de la démocratie… Celle à laquelle ils aspiraient lorsqu’ils parcouraient les montagnes, le fusil à la main. Car, disaient-ils déjà : « Pour manger la tortilla, il faut moudre le maïs ; pour obtenir quelque chose, il faut lutter. »

Texte et photos : Maurice Lemoine


[1]  Orden signifie également « ordre ».

[2] Sous la pression de Washington et des sociaux démocrates sud-américains, l’Internationale socialiste et la France « mitterrandienne » demeurée, malgré tout « atlantiste », prirent assez rapidement leurs distances avec les révolutionnaires centraméricains.

[3] Monterrosa mourra le 23 octobre 1984 lors de l’explosion en vol de l’hélicoptère dans lequel il se trouvait. Une bombe y avait été cachée par la guérilla.

[4] Littéralement : jusqu’au sommet !

[5] Passage extrait de Maurice Lemoine, Amérique centrale. Les naufragés d’Esquipulas, L’Atalante, Nantes, 2002.

[6] Les petits vieux – familièrement, les « comandantes ».

[7] « De la Locura a la Esperanza. La guerra de 12 años en El Salvador », Informe de la Comisión de la verdad para El Salvador, Naciones Unidas, San Salvador - Nueva York, 1992-1993.

[8] Le rapport attribue 342 crimes au FMLN, 4281 à l’armée, 1 656 à la police, 2 248 aux groupes paramilitaires et 817 aux escadrons de la mort.

[9] Maurice Lemoine, « Amère convalescence au Salvador », Le Monde diplomatique, septembre 1996.

[10] L’ALBA regroupe la Bolivie, Cuba, la Dominique, l’Equateur, le Honduras (jusqu’au coup d’Etat de 2009), le Nicaragua, le Venezuela, Saint Vincent, les Grenadines, Antigua et Barbuda.

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