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« La solidarité tribale entre talibans Afghans et pakistanais : enjeu majeur de la guerre d’Afghanistan » M. Troudi chercheur à l'IIES

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ARTICLE publié dans la REVUE « Géopolitiques d'Afghanistan » Géostratégiques N° 27 - ( Académie de Géopolitique de Paris) - 2ème trimestre 2010

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Ce que l’on appelle, aujourd’hui, la guerre d’Afghanistan concerne et touche particulièrement un deuxième État, dont l’équilibre – ou le déséquilibre – géopolitique conditionne la paix dans cette région voire du monde sans exagération aucune. Il s’agit bien évidemment du Pakistan. L’intrusion du Pakistan dans la stratégie américaine dans la guerre en Afghanistan, complique davantage la compréhension ou plutôt l’incompréhension d’une région déjà difficile de par les enchevêtrements et les liens étroits qui existent entre les combattants talibans le long des frontières entre les deux pays.

En effet ces liens ont toujours été étroits, qui s’expliquent notamment par une frontière commune particulièrement poreuse. Dès sa création l’État pakistanais vit une situation de guerre larvée avec son voisin indien dont il s’est détaché à partir de 1947. Ce rapport conflictuel avec l’Inde a, dès le début, fait envisager l'Afghanistan comme un espace idéal de repli pour le Pakistan, qui ne dispose pas de profondeur stratégique en cas de guerre majeure.

La religion musulmane est également un lien fort entre les deux États. L'Islam est notamment la religion de l'ethnie pachtoune, majoritaire au pays et à la quelle appartiennent les talibans, fortement représentée des deux côtés de la frontière, le long de la Ligne Durand du nom de Sir Henry Mortimer DURAND, le signataire britannique qui trace cette limite en 1893 en accord avec l'Émir Abdul Rahman.

En vue de mieux comprendre les liens étroits entre les deux pays comme en témoigne l'intégration du Pakistan dans la stratégie américaine en Afghanistan, il faudrait rappeler le facteur historique qui a scellé un destin quasi-commun pour les deux pays de par la proximité géographique et par l'évolution mouvementée des deux pays.

Le PaKistan : un nationalisme sans nation, un Etat idéologique plus qu'un Etat-nation

Le mot Pakistan appelé pays des purs, est un néologisme. C'est aussi un anacronyme formé avec le nom des provinces du pays, le Pendjab, l'Afghania (province frontière du Nord-Ouest), le Cachemire, le Sind et le Baloutchistan. L'origine du pays remonte à la division en 1947, des Indes britanniques entre un Etat majoritairement hindou l'Inde et un Etat musulman (comprenant alors deux parties: l'une orientale, actuel Bangladesh et l'autre occidentale, l'actuel Pakistan.

Cette division s'est effectuée sur une base religieuse, elle est la conséquence de conflits ethniques et religieux dont certains perdurent encore aujourd'hui. La guerre de 1971, entraîne la sécession du Pakistan oriental qui prend alors le nom de Bangladesh. Cette séparation de la partie orientale distante de quelque 2000 km de la partie occidentale, a été facilitée par le soutien de l'armée indienne, qui voulait ainsi affaiblir son rival de toujours. Les deux frères ennemis s'opposent et se défient mutuellement depuis 1947. Ils se sont affrontés par les armes à plusieurs reprises notamment pour la question du Cachemire, que revendiquent les deux protagonistes.

Issu de cet antagonisme religieux, le Pakistan est un Etat fondé par et pour les seuls musulmans refusant la cohabitation avec l'Inde hindouiste. En 1945, Ali Jinnah, considéré comme le père fondateur du Pakistan, exige la création d'une nation indépendante musulmane à proximité de l'Inde.

Les populations réunies dans le cadre géographique de l'actuel Pakistan, si elles sont très majoritairement musulmanes, restent très hétérogènes ethniquement, religieusement et culturellement. L'identité pakistanaise, bien que se fondant principalement sur la religion n'est pas une donnée acquise mais une construction, une volonté. C'est pourquoi on a pu parler de "nationalisme sans nation". La population pakistanaise est composée de six groupes ethniques principaux : les Penjabis, les Sindis, les Balouches, les Pathans, les Cachemiris et les Mohajirs, correspondant aux provinces principales du Pakistan : Pendjab, Sind, Baloutchistan, North-West Frontier Province (NWFP) et Cachemire.

La population chiite est évaluée entre 15 et 25 % de la population. Elle est composée de chiites "duodécimains", comme en Iran, et de chiites "septimains", dits "ismaéliens". Plusieurs branches du chiisme ismaélien sont d'ailleurs présentes au Pakistan, les "Khoja", les plus nombreux qui reconnaissent l'Agha Khan comme chef spirituel, et les "Bohra», "daoudi" ou "sulaymani". La communauté chiite est fréquemment l'objet d'agressions par des extrémistes sunnites. La communauté sunnite est-elle aussi divisée en plusieurs écoles spirituelles issues pour la plupart du renouveau islamique suivant la chute de l'Empire Moghol et de la colonisation.

Etat bâtit intrinsèquement sur l'instrumentalisation de l'Islam avec pour conséquence aujourd'hui la montée en puissance des mouvements islamistes. L'intervention américaine en Afghanistan et l'alignement du Pakistan sur la politique américaine dite de lutte anti-terroriste engendre une radicalisation de ces mouvements. Sans être un Etat religieux, la place de la religion a toujours posé problème au Pakistan. Elle a souvent été instrumentalisée pour servir de ciment à une nation soumise à des forces centrifuges et pour conforter l'assise des gouvernants successifs.

Cette radicalisation est avant tout un instrument majeur de la stratégie du Pakistan. Le pays se définit comme un Etat idéologique, beaucoup plus que comme un Etat-nation. La détention de l'arme nucléaire par l'Inde et le Pakistan, le développement du terrorisme et des extrémismes religieux, contribuent à rendre le face-à-face indo-pakistanais plus périlleux. L'Etat pakistanais suit trois objectifs majeurs, maintenir une tension au Cachemire pour affaiblir l'Inde, aider à l'installation en Afghanistan d'un régime ami, c'est à dire fondamentaliste et pachtoune, pour s'assurer une profondeur stratégique face à l'Inde et créer un corridor vers l'Asie centrale dont le Pakistan deviendrait le débouché.

Les réseaux fondamentalistes deviennent les acteurs essentiels de cette politique régionale, ce qui fait du Pakistan aujourd'hui un des principaux sanctuaires du fondamentalisme alors que paradoxalement l'Etat est loin d'être un Etat religieux. Tout a commencé avec l'apparition des mouvements dits « jihadistes » dans la région au cours des années 1980.

Depuis 1977, le général Zia Ul-Haq gouvernait le pays par la volonté de l'armée. Sa vision de l'identité musulmane pakistanaise s'accommodait très bien d'une approche islamiste de la religion. Le ISI (Directorat of Inter-Services Intelligence) ou service des renseignements militaires pakistanais, est lui-même proche des thèses islamistes. Beaucoup plus de jeunes officiers sortent des madrasas que des écoles et collèges nationaux et un pourcentage non négligeable (près de 30%) des officiers, selon les estimations de l'Institut for Afghan Studies sont soit militants islamistes ou sympathisants des thèses véhiculées par ces mouvements en faveur d'une révolution islamique au Pakistan..

A l'époque, l'Occident, s'accommodait bien de cette situation. Mieux, avec l'invasion soviétique de l'Afghanistan, en décembre 1979, le soutien aux mouvements islamistes y compris militairement pour faire barrage aux ambitions et au dessein de Moscou, paraissait pour beaucoup la solution idéale. Un pas décisif est franchi quand les Américains, cherchant à prendre leur revanche sur les Soviétiques au Vietnam, ils recrutent et facilitent l'introduction au Pakistan et en Afghanistan d'activistes arabes. Le Pakistan devient le principal point d'appui de la politique américaine de soutien aux islamistes dans leur djihad contre les Soviétiques dans la région. Ce faisant, le Pakistan devient la base arrière de la lutte anti-communiste dans le sous-continent et un relais de la transmission de l'aide financière et militaire américaine. Cette politique a eu pour conséquence de consolider des liens déjà très forts naturellement entre Pakistanais et Afghans.

Leur poids compte peu dans la guerre, les Afghans étant assez nombreux et déterminés pour faire regretter à Moscou son expédition. Mais Washington en associant les Arabes au conflit, compte faire basculer idéologiquement tout l'ensemble arabo-musulman contre l'Union soviétique.

Cette tactique a eu pour résultat d'auréoler de gloire les islamistes. Pire, le départ des Soviétiques d'Afghanistan, interprété comme une victoire militaire sur la deuxième puissance de la planète, renforce les plus radicaux des jihadistes au point qu'ils se sont crus capables de vaincre les régimes en place, dans les pays musulmans voire en Occident et d'imposer leur loi au moyen de la guerre sainte contre les infidèles et les impies. Le Pakistan est aujourd'hui prisonnier de la réalité du terrain d'autant plus prisonnier que Wasghinton vient de l'intégrer dans sa stratégie globale de guerre en Afghanistan.

Le pays compte un certain nombre de groupes islamistes radicaux dits jihadistes. Or, pendant des années, ils avaient participé aux combats en Afghanistan ou au Cachemire avec sinon le soutien, du moins l'approbation, des autorités pakistanaises. Résultat, une partie importante de la population du pays éprouve de la sympathie à l'endroit de ces jihadistes élevés au rang de héros de l'islam. D'autre part, le Pakistan dépend de son alliance avec les États-Unis pour des raisons économiques et financières évidentes. En clair, il se retrouve pris entre le marteau américain et l'enclume islamiste. Cette islamisation rampante de la société pakistanaise a été au cœur de toute action politique entreprise par les présidents successifs du Pakistan à l'exception du président Ali Butto, qui avait une vision plutôt laïque du devenir du Pakistan, mais la tentation était grande chez lui également d'instrumentaliser la religion pour mieux consolider son pouvoir. Son nom reste associé à  celui qui a instauré la prohibition en cherchant à instrumentaliser la religion dès 1970. Cette utilisation de la ferveur religieuse a servi de ciment à une nation soumise à des forces centrifuges et pour conforter l'assise des gouvernants successifs.

La palme revient toutefois au président général Zuz-al-Hacq qui comme la majorité de ces collègues musulmans, il opte pour le Pakistan au moment de la partition de l'ancien empire britannique des Indes. Il choisit de continuer dans l'armée et prépare ainsi une solide carrière militaire. Il fait d'abord l'école d'état-major en 1955, suivi d'un stage aux Etats-unis en 1963. De 1969 à 1971, il occupe le poste de conseiller militaire à l'ambassade pakistanaise en Jordanie. L'année 1976 est l'année du sacre de Zia ul Haq, il accède à la plus haute fonction militaire en devenant chef de l'état-major interarmées. En 1977, à la faveur d'un coup d'Etat militaire, Zia-ul Haq devient le sixième président du Pakistan depuis l'indépendance en 1947. A sa prise du pouvoir, il fait condamner l'ancien Premier ministre Zulfikar Ali Bhutto, le père de Benazir Bhutto seule femme musulmane élue pour la première fois au poste de Premier ministre dans un pays musulman en 1988.

Outre le rôle central qu'il joue dans le conflit soviéto-afghan en apportant un soutien total à la fois militaire et financier à la résistance afghane qui s'organise contre la présence soviétique à Kaboul, Zia ul-Haq continue avec obstination le programme nucléaire de son pays. Cette politique de course à l'arme suprême engagée avec l'Inde, aboutit en 1998 à un essai nucléaire réussi, ce qui a pour conséquence directe de relancer le conflit avec la puissance indienne au sujet notamment du Jammu et Cachemire occupé par l'Inde.

A l'opposé de l'ancien Premier ministre Zulfikar Ali Bhutto qui a une approche laïque du pouvoir, Zua-ul-Haq se montre déterminé à instaurer un Etat islamique en s'appuyant notamment sur les mollahs. C'est par conséquent sous son régime (1977-1988) que le Pakistan connaît une véritable islamisation de l'Etat et de la société. Il fait de l'application de la Charia sa priorité principale pendant ces onze années de dictature. Progressivement différentes taxes d'origine religieuse sont introduites. Notons à titre d'exemple, la Zakat (aumône obligatoire instituée par le Coran), la création d'une cour fédérale de la Charia pour statuer sur les affaires selon les principes de la loi musulmane, le Coran et la Sunna.

Ces réformes vont plus loin avec le remplacement en 1980 de l'assemblée nationale par un Majlis-i-Shoora (conseil de consultation), ce qui fait perdre à cette institution ses fonctions législatives pour devenir une assemblée de conseil du président, en somme une chambre d'enregistrement des décisions du président général. Par ailleurs l'arabe et les études islamiques deviennent des matières obligatoires dans quasiment l'ensemble des enseignements supérieurs. Les médias sont également visés par ce processus avec l'instauration de journaux télévisés en arabe assurés par des présentatrices à la tête couverte. Notons aussi la promulgation le 15 juin 1988 de la “ Shariat Ordinance” qui érige les muftis du pays en conseillers de tribunaux civils. Il interdit l'intérêt bancaire et instaure les châtiments publics. Au sein de l'armée, les théologiens obtiennent le grade d'officier afin d'attirer vers l'institution militaire, les meilleurs éléments des universités, des écoles et des institutions religieuses. Le général a même tenter de réinstaurer le califat (autorité centrale commune à tous les musulmans), abolit par le président turc Mustapha Kemal le 3 mars 1924. Cette politique d'islamisation à outrance, a un impact bien visible aujourd'hui, puisque nombre de textes sont encore en vigueur au Pakistan. Mais qu'en est-il de l'Afghanistan?

Afghanistan, une histoire jalonnée d'invasions et de guerres

Pays de l'Asie centrale, entouré du Turkménistan, de l'Ouzbékistan, du Tadjikistan, de la Chine, du Pakistan et de l'Iran. Le nom Afghanistan dérive de l'autre nom donné aux Pachtounes «  Afghans. Le suffixe du nom tire son origine du mot « dari » stan ou « pays. Par conséquent l'Afghanistan signifie « pays des Afghans. L'Afghanistan, souvent appelé le carrefour de l'Asie centrale, a eu une histoire pour le moins mouvementée, le pays a en effet connu une série d'invasions notamment de l’empire perse et d'Alexandre le Grand.

Le rôle de l'Islam est également fondamental dans l'histoire de ce pays. Les premières armées arabes ont pu profiter de la faiblesse de l'Empire perse Sassanide en plein effondrement, et s'emparer ainsi de la presque totalité des possessions de celui-ci. Mais force est de constater que l'islamisation d'une bonne partie de l'Afghanistan a pris plus de 200 ans. La résistance légendaire des Shahs de Kaboul, encore bouddhistes, a considérablement retardé l'islamisation. La région du Nourestân à titre d'exemple a été la dernière région du pays à se convertir à l'Islam. En effet, les Nouristanis ne sont musulmans que depuis le XIXe siècle, soit plus de 1200 ans après les  premières conquêtes arabes. L'Afghanistan en tant qu'État ne commence à exister qu'à partir de1747, qui correspond à la dislocation de l'Empire perse afsharide, après la mort de l'empereur Nader Shah de Perse. Composé en majorité de tribus Pashtouns mais aussi de Tadjik, de Turkmène et d'Ouzbek,

l'Afghanistan a vigoureusement lutté pour son indépendance. Il échappe à la domination perse au 18ème siècle et résiste longtemps à l'emprise britannique au 19ème siècle. En dépit du protectorat britannique imposé au pays en 1880, le pays retrouve son indépendance en 1919. En 1973, la monarchie constitutionnelle du roi est renversée par un coup d'Etat militaire qui proclame la République.

L'invasion soviétique de 1979 dans un contexte de guerre froide ramène un certain temps l'Afghanistan dans la sphère d'influence soviétique, par la mise en place à Kaboul d'un régime pro soviétique dirigé par Babrak Karmal. Il entretient des relations privilégiées avec Moscou et met en place une série de réformes de nature socialiste qui contrastent avec les traditions et le conservatisme des tribus afghanes. C'est alors qu'une partie des Afghans entre en résistance, c'est le début de la guerre d'Afghanistan. Le gouvernement américain met alors en place la stratégie dite de « containment » pour piéger les Soviétiques.

Elle repose sur une aide massive militaire et financière à la résistance afghane qui s'organise. Plusieurs combattants affluent de l'ensemble du monde musulman appuyé par l'Arabie saoudite et le Pakistan. Ils viennent accomplir le devoir de chaque musulman celui du Jihad contre les impies. On parle alors de moujahidines, notion qui va s'accentuer le long des années 1990, notamment après la chute du pouvoir de Nadjibullah et la prise de Kaboul par les Talibans en 1996.

Ces derniers soutenus militairement par l'armée pakistanaise, instaurent un régime fondamentaliste et rigoriste, fondé sur l'application stricte de la loi islamique émanant de l'école déobandi, école d'oulémas du sous continent indien, née en 1867 près de New Delhi, en réaction à la domination britannique. Le mot déobandi dérive du nom de la ville Déoband qui se trouve dans l'Etat Uttar Pradesh au Nord de l'Inde. C'est l'un des deux grands courants sunnites, il est à l'origine des talibans, il se réclame de l'héritage fondamentaliste de Shah Waliullah. La madrasa (littéralement école) influence des le milieu du 19ème siècle la spiritualité des oulémas locaux dans une forme de prostration austère. C'est de ces madrasas à majorité déobandi que sont issues les étudiants « talibans » qui gouvernent l'Afghanistan de 1996 à 2001. Un grand dirigeant deobandi, Sami ul-Haq , issu de la madrasa « Haqqaniya » a même fermé son école pour se consacrer au jihad en Afghanistan.

Composée de religieux plutôt traditionnels et conservateurs Elle est incarnée sur le plan politique par le Jamiat-e Ulama-e-Islami, le plus grand parti déobandi fondé en 1945 et dont les deux factions principales sont dirigées aujourd'hui par Moulana Fazur Rehman et Moulana Sami ul-Haq. Au sein de cette mouvance néofondamentaliste on cite également le mouvement Ahl-e- Hadith fondé au XIXe par Nazir Hassan. Il est plutôt proche du courant wahhabite en vigueur en Arabie Saoudite. La radicalisation des mouvements déobandis remonte à la politique de ré islamisation conservatrice menée par le général Zia ul-Haq.

Sur le plan intérieur, cette radicalisation s'opère principalement en vers les chiites dès 1985 avec l'appui des autorités pakistanaises qui craignent l'instrumentalisation des chiites pakistanais par la toute jeune révolution islamique d'Iran. C'est dans ce cadre qu'apparaissent plusieurs mouvements d'obédience déobandie sectaires, des écoles de pensée soufie, très présentes en Asie du sud (Pakistan, Inde et Afghanistan), en Europe et principalement en Grande Bretagne. Selon un rapport de la police britannique cité par le journal le « Times », plus de 600 des 1350 mosquées britanniques sont sous l'influence du mouvement Deobandi, dirigé par Riyadh ul-Haq.. L'école deobandi, qui réaffirme l'unité divine et rejette les autres cultes, fait référence à l'imam Abu Hanifa (Né à Kufa en Irak en 693 et mort à Bagdad en 767), théologien et législateur arabo-musulman connu sous le nom du plus grand imam, fondateur de l'école hanafite, l'une des quatre grandes écoles de droit musulman.

Les attentats du 11 septembre vont accélérer la chute des Talibans et l'émergence d'un nouveau pouvoir pro occidental dirigé par Hamid Karzaï, qui rencontre aujourd'hui toutes les difficultés du monde à imposer sa légitimité et à conduire les réformes.

C'est dans ce contexte de radicalisation religieuse, de défaite des talibans après l'invasion américaine de l'Afghanistan et de début de l'insurrection armée des moujahidins contre la présence étrangère qu'il faudrait lire la consolidation des relations historiquement très fortes entre les deux mouvements talibans afghans et pakistanais. Comment expliquer par conséquent ces liens et jusqu'à quelle mesure cette homogénéité idéologique et religieuse peut-elle constituer une force opposable aux forces étrangères?

Les Talibans: une idéologie islamiste reposant sur des sentiments ethniques et religieux

Mais d'où vient le mot « taliban » et quelle est sa signification?

Le mot taliban est extrait d'un mot d'origine arabe « taleb. Le pluriel arabe est talaba désignant celui qui étudie dans une école ou université et pas seulement religieuse. Taliban est un mot composé de racine d'origine arabe associé à un pluriel perse. Dans l'usage pachto, le terme connaît exclusivement l'acceptation d'« étudiant en théologie dans une madrasa » au détriment de son sens premier plus large dans la langue arabe.Le mouvement fondamentaliste taliban, est apparu en Afghanistan en 1994. Il est fortement influencé par la pensée de l'école déobandie, qui appelle à un retour à un islam pur, débarrassé de toute forme de modernité ou d'ijtihad, un islam proche du celui existant du temps du Prophète.

Les islamistes notamment les précurseurs d'entre eux, les frères musulmans, ont des objectifs politiques qui se définissent dans la création d'abord d'un Etat islamiste, respectant selon eux la parole de Dieu dans le but qu'ensuite la société et les mœurs deviennent islamiques.

Les talibans, sont des  néo-fondamentalistes. Au contraire des islamistes, ils veulent d'abord ré islamiser les mœurs, la justice, les êtres humains. La forme de l'État n'a pas d'importance pour eux à la condition de respecter la loi divine. Et seuls ceux qui l'ont étudiée, c'est-à-dire, les talibans, sont à même de l'expliquer et d'en assurer le respect et l'application.

Les talibans sont apparus initialement en Afghanistan.

On parle aujourd'hui également de talibans pakistanais. Il en est ainsi du mouvement islamiste « Tehrik-e-Taliban-e-Pakistan, qui a pour objectif de mener une guerre défensive contre le gouvernement pakistanais et ses choix politiques. Le chef de ce mouvement Baitullah Meshud a fait allégeance au mollah Omar (le deuxième homme d'al-Qaida) en Afghanistan et dont le gouvernement affirme qu'il est impliqué dans l'attentat qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto. Ce mouvement islamiste pakistanais se déclare par conséquent comme ouvertement taliban, c'est ce qui est nouveau en soi. La montée en puissance actuelle d'une telle génération de talibans dans la zone frontalière est coordonnée par l'organisation d'al-Qaida qui cherche à fédérer l'ensemble des forces islamistes pakistano-afghanes autour d'un seul et même objectif, imposer par la force une sorte de califat sur la région du sous-continent. L'institution de ce système de gouvernance ne sera que le prélude à l'instauration du califat sur l'ensemble des terres musulmanes.

Connus pour leur esprit guerrier, les talibans sont à l'origine des étudiants en théologie qui appartiennent à un réseau d'écoles religieuses qui se développe à la fin du XIXe siècle dans le nord-ouest de l'empire des Indes autour de l'école Déobandie. Ils sont issus des grandes écoles (madrasa en arabe) situées au Pakistan point de départ du mouvement.

Bien que l'on ne dispose pas de données issues de travaux de recherche, on pense que l'enseignement dans la plupart de ces écoles consiste principalement à faire apprendre le Coran et à donner une éducation religieuse. Leur nombre n’a cessé d'augmenter, une étude du ministère pakistanais de l'intérieur réalisée après le 11 septembre, révèle qu'il y a eu vingt huit fois plus de madrasa au Pakistan qu'en 1947. A la naissance du Pakistan, elles étaient 245, en 2001, le chiffre monte à presque 900. Une partie significative est dirigée ou liée à l'union des partis islamistes baptisée Coalition pour l'Action ou Muttahida Majlis-e-Amal (MMA) (1)

Les années 1980, correspondent à une période où le régime militaire recherchant une légitimité, a parfois utilisé la religion pour promouvoir son projet politique. Il est fort possible que de nombreux facteurs internes et externes se soient combinés pour entraîner cette multiplication de ces madrasas. Alors qu'autrefois, le discours jihadiste et le fondamentalisme n'avaient guère fait partie du programme d'étude normal de la madrasa, c'est la conjugaison de divers facteurs qui a permis l'acquisition par ces établissements d'une dynamique propre, échappant au contrôle du pouvoir central. Parmi les écoles les plus radicales, figure la madrasa la « Haqqania », dirigée par Maulana Sami ul-Haq, de nombreux dirigeants talibans dont le Mollah Mohammad Omar (2) , ont été formés par cette institution.

De la même manière, le siège du Jamaat-e-Islami à Lahore, fait par exemple office de madrasa où des étudiants (estimés à 200) reçoivent une éducation religieuse doublée d'une formation politique. D'autres madrasas sont devenues aujourd'hui des institutions conséquentes: la plus célèbre la Dar ul-Uloom au Baloutchistan à titre d'exemple, accueille des centaines d'étudiants en internat et externat. Il y a aujourd'hui près de 800.000 étudiants qui suivent des formations dans les diverses écoles du pays. Ce système d'enseignement libre et gratuit, concurrence un secteur public moribond et quasi inexistant. Aujourd'hui ce sont les madrasas puritaines deobandi qui sont les plus influentes au Pakistan au détriment de l'école Barelwis(3), l'autre grand courant de l'Islam pakistanais même s'il reste minoritaire par rapport au courant deobandi.

Les madrasas deobandi, ont bénéficié de la protection du général Zia ul-Haq dans les années 1980. Ironie du sort, les Etats-Unis ont également joué un rôle important dans l'encadrement des madrasas par la guerre sainte contre les Soviétiques en Afghanistan. Ces écoles religieuses si elles assurent de nombreuses fonctions sociales très utiles, le type et le contenu de l'éducation qu'elles dispensent, constituent le principal sujet de préoccupation. L'Etat pakistanais est aujourd'hui devant d'immenses défis. Ce pourquoi, il n'hésite pas à utiliser la manière forte comme l'attaque contre la mosquée Rouge et ses deux écoles coraniques, qui s'est soldée par la mort de plusieurs étudiants et a ravivé la flamme jihadiste au Pakistan.

Il sera probablement très difficile de réglementer le fonctionnement de ces écoles dans certains régions notamment les zones tribales. Le 18 août 2001, le gouvernement a publié une ordonnance (Pakistan Madrasah Education Board Ordinance) en vue d'une intégration des séminaires dans le système d'éducation général. Cette mesure se heurte jusqu'à présent à des fortes pressions de la part des oulémas c'est à dire les érudits en religion en arabe.

Mais le débat sur le lien supposé entre les madrasas et le terrorisme ne doit pas occulter à la fois la longue histoire des madrasas et les différences qui existent entre elles. Pendant une longue période de l'histoire de l'islam, elle étaient la principale source du savoir religieux et scientifique, au même titre que les universités et les écoles religieuses d'Europe. Entre le VIIe et le XIIe siècle elles ont même produits des sommités de la pensée libre comme Al-Biruni ( astronome, philosophe et historien, 973-1050), Avicenne (philosophe et médecin 980-1037) ou encore Al-Khawarizmi (mathématicien du IXe siècle). Les plus grands des penseurs hindous tel le brillant réformateur Ram Mohan Roy (1772-1833) sont également issus des madrasas

Les Pashtouns représentent la plus importante ethnie historiquement, politiquement et numériquement : ils sont douze millions, dont sept du côté afghan et environ six du côté pakistanais. Ils ont par conséquent une disposition naturelle à s'unir contre les mêmes adversaires, qu'il s'agisse des Soviétiques hier, les seigneurs de la guerre de l'Alliance du Nord du commandant Massoud ou encore contre les Américains et les Occidentaux aujourd'hui

Ils habitent dans le sud-est de l'Afghanistan et dans le Nord-Ouest du Pakistan. Ils sont également connus sous le nom de Pachtous, Pathans (en ourdou) ou Afghans (en persan. Les Pashtouns, ethnie dominante de l'Afghanistan (50 %), sont vraisemblablement issus d'un même ancêtre qui aurait vécu dans ce qui est aujourd'hui l'Afghanistan. Entre le XIIIe et le XVIe siècle, plusieurs tribus pashtouns émigrent au Pakistan.

Musulmans sunnites, les Pashtouns parlent le pachto, qui comporte deux dialectes principaux. Ce sont généralement des agriculteurs et des éleveurs. Ils sont organisés en plus de cinquante tribus, elles-mêmes divisées en sous-tribus, clans, et sous-clans. Les dirigeants des tribus, (les khans), ont un pouvoir limité. Hospitalité, droit d'asile mais aussi vendetta les caractérisent. Le tribalisme chez les Pashtouns, se définit par le respect d'un code appelé le pashtounwali. C'est un ensemble de règles tribales qui prévaut sur tout autre forme de loi. Ensemble de valeurs qui définit un modèle de comportement à la fois sociale et ethnique. Les Taliban sont essentiellement issus de cette ethnie.

Si les talibans sont apparus initialement en Afghanistan, on parle aujourd'hui également des talibans pakistanais, regroupés au sein du mouvement islamiste Tehrik E Taliban Pakistan (4). Dans quelle mesure le lien idéologique entre les deux mouvements peut-il permettre un retour des talibans sur la scène afghane ce qui semble être le cas aujourd'hui en dépit des offensives répétées  de la coalition étrangère? Peut-on désormais parler d'un début d'échec des Etats-Unis dans ce pays?. L'intégration du Pakistan dans la stratégie afghane des Etats-Unis, n'est-il pas un aveu d'impuissance de Washington et une fuite en avant dans une guerre qui semble ingagnable  militairement?

Taliban Afghans, Pakistanais et Al Qaida, même combat

La nécessité d'attaquer les Etats-Unis devrait varier en fonction de la fermeté avec laquelle les Etats-Unis contiennent les djihadistes au Moyen-Orient, en Asie du Sud et en Afrique du Nord. Pour le moment, les Etats-Unis n'arrivent pas à contenir du tout ni le Pakistan, ni l'Afghanistan, deux endroits où al-Qaida (5) est implanté de longue date avec la complexité et le soutien des talibans aussi bien au Pakistan qu'en Afghanistan.

Il serait par conséquent logique qu'al-Qaida y concentre ses ressources. Le Pakistan est particulièrement précieux, car il possède des armes nucléaires; Bruce Riedel, un ancien de la Central Intelligence Agency (CIA) et aujourd'hui membre de la Brookings Institution, le qualifie de « pays le plus dangereux du monde actuel ». Le double jeu des autorités pakistanaises ( peut-il en être autrement!) complique la tâche des américains qui se trouvent face à un allié douteux ou du moins pas très sûr en dépit des positions anti-talibans affichées par le pouvoir d'Islamabad.

En effet deux décisions prises dernièrement par les autorités du Pakistan viennent justifier ce doute et susciter de l'inquiétude de la part de Washington. Tout d'abord l'accord passé avec un important chef taliban stipulant l'imposition de la (Charia ou loi islamique) dans la vallée de Swat à quelques centaine de kilomètre de la capitale Islamabad et surtout la libération du scientifique pakistanais A. Q KHAN jusque-là en résidence surveillée, soupçonné d'avoir livrer des secrets nucléaires à certains pays notamment l'Iran et la Corée du Nord.

En Afghanistan, les talibans gagnent du terrain, ils restent étroitement liés au mouvement Al Qaida en adoptant sa tactique des attentats suicides notamment celle qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre pakistanaise Benazir Bhutto. Certains rumeurs laissent penser qu'ils ont également tenter d'assassiner le président afghan Hamid Karzaï en avril 2008, tentative qui a avorté grâce notamment à la protection rapprochée dont il bénéficie.

L'intégration du Pakistan dans la stratégie de guerre globale des Etats-Unis contre le «terrorisme », les offensives répétées contre les talibans et les jihadistes islamistes dans le territoire pakistanais, les dégâts collatéraux et leur cortège de victimes civiles, ont monté le monde musulman contre l'Amérique. Ainsi le pourcentage de population ayant une opinion favorable des Etats-Unis a chuté à son plus bas niveau ( à peine 13%) si l'on croit les chiffres du Pew Global Attitudes Project (6).

Aussi bien les talibans que le mouvement de Ben Laden cherchent à mener la guerre d'abord sur le plan des idées et l'idéologie de la guerre sainte contre l'envahisseur étranger et à chaque bavure, ces idées trouvent écho chez l'homme de la rue afghan et pakistanais. C'est à mon sens un des atouts de la résistance afghane, qui parie sur le pourrissement de la situation politique, économique et militaire et bien évidemment sur l'onde de choc que pourrez susciter dans l'opinion publique des pertes en vie humaine dans l'armée américaine, venant à dépasser le seuil de l'inacceptable. Les Etats-Unis sont véritablement soumis à rude épreuve. Si après le 11 septembre personne ne doutait que Washington avait le droit de poursuivre par la force les auteurs des attentats meurtriers, cependant la décision de déclencher une vaste opération impliquant l'OTAN, était quelque peu risquée. Or pour réussir, il fallait une victoire militaire décisive, suivie d’un solide engagement financier et politique de longue haleine visant une réforme de la société afghane, en s’appuyant sur des partenaires locaux fiables et respectés, également engagés dans la voie de la réforme. Ajoutons que la réussite d'une telle action d'envergure ne peut pas se réaliser sans mais avec les talibans, qui forment une force vive du pays.

Sur le terrain, les Etats-Unis d'Obama, continuent de commaître les mêmes erreurs de l'administration précédente, en se reposant sur les chefs de guerre de l'alliance du Nord, largement affaiblie et en s'appuyant sur un président qu’ils ont installé et à qui on a assigné l’impossible mission de bricoler un semblant de gouvernement central à Kaboul, dont les affaires de corruption de ceux qui l'entourent lui enlèvent toute légitimité. Les fraudes massives lors des dernières élections qui ont consacré la réélection de Karazai, d'ailleurs entérinées par les Etats-Unis montrent si besoin, la fragilité du processus démocratique, présenté comme un moyen de sortie de crise et d'une stabilisation durable du pays. Il est intéressant de remarquer que les Américains se sont montrés incapables d’éliminer les chefs d’Al-Qaida et des talibans. Ces derniers ont même intensifié la résistance anti-américaine à tel point que le président Karazail en était obligé de négocier avec les talibans un cessez le feu, mieux encore, il voulait officiellement les associer à la direction politique du pays ce qu’ils refusèrent à plusieurs reprises.

Les deux grands alliés, Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri (7) continuent à diffuser des cassettes, défiant les forces américaines et la coalition internationale. De leur côté, les talibans, qui ont maintenu des liens étroits avec les tribus pachtounes des deux côtés de la frontière pakistano-afghane, se regroupent et constituent une réelle menace pour les troupes de l’OTAN, cloîtrées dans des camps, et ne se manifestant que pour exécuter des raids et des bombardements aériens.

Le ministre des Affaires étrangères pakistanais est même allé jusqu’à déclarer que l’OTAN devait« accepter la défaite » et que ses troupes devaient se retirer. Que ce soit du côté afghan ou du côté pakistanais, les talibans ont repris l’initiative, les attentats-suicides se multiplient, la culture du pavot et l’exportation d’opium explosent. La reconstruction se fait au ralenti, et les institutions « démocratiques » s’affaiblissent à supposer qu'elles existent déjà. Contrôlées par des « seigneurs de la guerre », les provinces prennent de plus en plus leurs distances avec le gouvernement de Kaboul.

L’offensive américaine contre l’Afghanistan et depuis peu contre le Pakistan (supposé être une base arrière des talibans afghans et des combattants arabes d'aL Qaida), s’inscrit dans la volonté des Etats-Unis de contrôler cette région du sous-continent indien. La guerre qu’il mène contre le terrorisme islamiste profite de l’absence de politique étrangère européenne et porte un coup sévère à l’Organisation des Nations Unies, plus que jamais affaiblie. Les Etats-Unis se jouent de l'avenir du Pakistan en élargissant ces frappes militaires au territoire pakistanais en dépit du refus du gouvernement pakistanais et ce après avoir manifestement échoué à battre Al Qaida et ses alliés talibans en Afghanistan.

Le Pakistan est, aujourd’hui, prisonnier de la réalité du terrain et compte un certain nombre de groupes islamistes radicaux. Or, pendant des années, ils avaient participé aux combats en Afghanistan ou au Cachemire avec, sinon le soutien, du moins l’approbation, des autorités pakistanaises. Résultat, une partie importante de la population du pays éprouve de la sympathie à l’endroit de ces « jihadistes », élevés au rang de héros de l’Islam.

D’autre part, le Pakistan est dépendant de son alliance avec les États-Unis pour des raisons économiques et financières évidentes. En clair, il se retrouve pris entre le marteau américain et l’enclume islamiste. L’attitude américaine s’appuie sur une vision colossalement gonflée des capacités de dissuasion de l’Amérique et sur la capacité de Washington à définir une politique adaptée à ses intérêts et à ses buts.

Aujourd’hui, l’exemple le plus frappant de cette situation est le Pakistan. L’Amérique suit deux objectifs prioritaires : elle cherche à éviter que les armes et les technologies nucléaires du Pakistan prolifèrent ou tombent entre les mains des « jihadistes », d’autre part elle s’acharne à battre ses ennemis les plus recherchés : les talibans et le groupe al Qaida pour un très maîgres résultats par rapport aux objectifs que s'est fixé la guerre d'Afghanistan, aujourd'hui élarigie au Pakistan.

Mais comment on est arrivé à cette situation?

Assuré du soutien inconditionnel des Américains, l'ancien président pakistanais Mousharraf a joué un double jeu. Il a aidé les Etats-Unis en Afghanistan et a ensuite laissé les Talibans et al-Qaida s’échapper et reconstruire leurs bases au Pakistan. Les liens entre les talibans afghans et pakistanais semblent aujourd’hui plus forts que jamais. C’est cette collusion d’intérêts et d’objectifs communs qu’on désigne aujourd’hui par al Qaida du Pakistan.

L’histoire a montré que ces zones tribales montagneuses - sept districts semi-autonomes n’ont jamais pu être soumis à une quelconque autorité. Ces terres où vivent les Pachtounes au code rigide d’honneur et de vengeance, ont infligé une leçon cuisante aux derniers conquérants britanniques et soviétiques. Ce peuple a vaincu l’Empire britannique des Indes, qui avait proclamé leurs zones « territoire tribal indépendant ». Le Pakistan, né en 1947, n’a pu faire mieux, les a décrétées « zones tribales fédérées ». La dernière phase de cette histoire agitée commencée après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avec l’arrivée au Pakistan de centaines de rebelles islamistes chassés de l’Afghanistan. Ces Pachtounes afghans ont retrouvé ici les tribus qui les avaient soutenus dans leur « guerre sainte » contre l’occupant soviétique dans les années 1980.

Les Américains se sont vite confrontés à une situation désastreuse. D’un côté, grâce à l’hospitalité de Mousharraf, al-Qaida et les Talibans contrôlent de larges zones du Pakistan et ont déclaré le « jihad » contre leur hôte, mettant ainsi l’arsenal nucléaire du Pakistan en grand danger. En même temps, ils se servent de leurs bases pakistanaises pour intensifier leur insurrection en Afghanistan. De l’autre côté, fidèle à sa politique constante depuis qu’il a pris le pouvoir en 1998, Mousharraf a continué à ne pas prendre au sérieux la menace des Talibans et d’al-Qaida. Le but de sa dernière promulgation de la loi martiale et de la suspension de la Constitution du Pakistan n’était pas de lui permettre de mieux combattre les « jihadistes », mais de briser son opposition libérale, dont les membres demandent la démocratie et la fin du régime militaire.

Et au milieu de tout cela, les Américains se trouvent dépourvus de moyens de pression notamment après la démission du président général Mucharraf et la perte d’un allié supposé fiable dans la région si l’on exclue l’Inde. La tentative maladroite de Washington de mener une bataille claire et noble contre Al-Qaida s’est fourvoyée non seulement du fait de la complexité des tribus et chefs de guerre afghans, mais aussi en raison du jeu dangereux et compliqué du Pakistan. Celui-ci, dans sa bataille vitale pour le Cachemire, doit miser sur ses propres groupes islamistes. Islamabad appelle ainsi l’OTAN et le gouvernement afghan à accepter l’inévitable présence en Afghanistan de « talibans modérés », auxquels il a d’ailleurs cédé le contrôle d’une de ses régions – le Waziristân nord. S’installe de ce fait une base à partir de laquelle des résistants talibans attaquent les soldats de l’OTAN et recourent même maintenant, chose jamais vue dans ce pays, à la technique des « attentats-suicides » : la connexion avec l’Irak serait-elle devenue réalité? Du coup, la « guerre contre le terrorisme » a fini par rendre les Etats-Unis dépendants du Pakistan, qui, lui-même, se trouve dans une alliance structurelle avec l’islamisme radical. De surcroît, les élites et le régime pakistanais croient leur pays protégé de l’islamisation rampante par les hiérarchies traditionnelles qui caractérisent cette société. Et si la « pakistanisation » d’Al-Qaida se muait en « al-qaidisation » du Pakistan ? Les médias américains ignorent ce phénomène inquiétant.

Si le Pakistan d'aujourd'hui a réussi à stabiliser ses soutiens internationaux en basculant du côté américain après le 11-septembre, la situation interne du pays est plus que préoccupante. L’échec de l’ouverture politique, l’impossible démilitarisation même relative du régime, la crise économique, l’irrédentisme dans un Baloutchistan revenu à l’insurrection et la talibanisation progressive des zones tribales dessinent un avenir incertain que ne suffit plus à garantir le soutien américain.

La réalité afghane et pakistanaise, ne s’inscrit pas dans le cadre prévu pour elle par Washington, les offensives répétées des forces étrangères contre les bases des talibans et des combattants d'Al Qiada ne changeront hélas pas grand chose à cette réalité qu'il faudrait admettre: il ne peut y avoir de victoire militaire et qu'en préparant la guerre les Etats-Unis n'ont guère préparé la paix. L'exemple de l'Irak est peut être en cours de se répéter en Afghanistan.

Cette communauté de vues entre les talibans des deux côtés de la frontière afghano-pakistanise, pose beaucoup de problèmes aux américains et va constituer sur le long terme un des défis que Washington  doit relever dans cette région. En effet le Pakistan, un des pays sur lesquels Washington a misé ces dernières années, est aujourd'hui un refuge potentiel pour les talibans et les combattants d'Al Qaida. Il est par ailleurs une source de danger supplémentaire en ce qu'il est un pays nucléarisé par l’intermédiaire duquel, des groupes terroristes pourraient accéder aux technologies nucléaires. Le Pakistan, un pays de quelque cent soixante-sept millions d’habitants, est le seul Etat musulman qui détienne l’arme atomique ; il peut la projeter à deux mille cinq cents kilomètres grâce à des missiles de longue portée. Ces données lui confèrent une importance stratégique d’autant plus forte qu’il est situé à l’intérieur du « foyer perturbateur » du monde et à la lisière des crises afghane, iranienne et proche-orientale.

Les Américains sont maintenant confrontés à une situation désastreuse. Trois éléments fondamentaux font aujourd’hui la force des talibans: leur sanctuaire au Pakistan, leur lien avec Al-Qaida, et le financement par l’argent du pavot. Les liens entre les talibans afghans et pakistanais semblent aujourd’hui plus forts que jamais. C’est cette collusion d’intérêts et d’objectifs communs qu’on désigne aujourd’hui par al-Qaida du Pakistan. Les talibans pakistanais dirigés par un certain Meshood dont on le donnait pour mort le 05 août 2009 suite à un raid américain, contrôlent aujourd’hui de larges zones du Pakistan, ils viennent de mettre en garde le nouveau président pakistanais Asif Ali Zardari, contre toute poursuite de la politique de son prédécesseur. En même temps, ils se servent de leurs bases pakistanaises pour intensifier leur insurrection en Afghanistan.

Certes l'offensive de l’armée pakistanaise a quelque peu affaiblit la structure militaire de certains groupes talibans. Mais ils continuent à bénéficier d’énormes sources de financement et d'une solidarité à toute épreuve de la part des autres groupes talibans des deux côtés de la frontière, c'est ce qu'on appelle communément les zones tribales (8). Le gouvernement pakistanais pensait en avoir fini avec les talibans quand leur chef, Baitullah Mehsud, a été tué le 5 août 2009 par un drone américain. « Sa mort va provoquer des luttes internes et semer le désarroi dans leurs rangs », claironnait alors Mahmood Qureshi, le ministre des Affaires étrangères. Quelques semaines plus tard, les combattants islamistes nommaient son successeur : Hakimullah Mehsud, 29 ans qui a donné le ton en commettant une série d'attentats meurtriers notamment contre l'armée pakistanaise, accusée de collaborer avec les infidèles. La plus spectaculaire a été l’assaut contre le quartier général de l’armée à Rawalpindi, le 10 octobre de l'année 2009.

L’humiliation a été terrible pour l’armée. Son offensive, déclenchée le 17 octobre 2009 contre le sud du Waziristân, à la frontière afghane, avec  28 000 soldats lancer à l’assaut d’un des principaux fiefs des insurgés. Les attentats ont continué : le 28 octobre encore, une voiture piégée tuait plus de 100 personnes sur un marché de Peshawar et 35 encore à Rawalpindi, le 1er novembre de la même année. Les talibans pakistanais ont les moyens de leurs ambitions. Le TTP, l’un des principaux mouvements, s’appuie sur un trésor de guerre alimenté par le crime organisé et la prise d'otages notamment d'étrangers. Les kidnappings sont une des principales sources de financement des talibans. Les rançons peuvent grimper jusqu’à 200 millions de roupies (1,6 millions d’euros), surtout à Karachi, la capitale économique, “vivier” d’hommes d’affaires fortunés. Les islamistes sont aussi des professionnels du braquage. Au printemps, ils ont dévalisé plusieurs banques à Mingora et à Chagdara, dans la vallée de Swat. Ils avaient alors expulsé la police et les notables jusqu’à ce que l’armée intervienne au cours de l’été. L’année dernière, un commando probablement affilié à Tariq Afridi, chef taliban pakistanais avait attaqué un véhicule de la Bostan, une entreprise pakistanaise de transport de fonds, entre Peshawar et Islamabad. Les trois employés de la Bostan avaient été tués. Les malfaiteurs étaient repartis avec 140 millions de roupies (1,1 millions d’euros).

«La plupart du temps, ces gangs agissent pour leur propre compte, surtout à Karachi, détaille Mansur Khan Mahsud, chercheur au Fata Research Center, spécialiste des zones tribales. Cependant, ils reversent une partie de leurs gains aux talibans, car ils font partie des mêmes tribus. Pour les Pachtouns, la solidarité clanique est importante. » Avant sa mort, Baitullah Mehsud recevait régulièrement des “dons” prélevés sur des rançons extorquées à des hommes d’affaires de Karachi. Les gangs proches des talibans ne sont pas les seuls à appliquer la solidarité tribale. Des talibans se rendent régulièrement dans les grandes villes du Pakistan pour faire des appels aux dons auprès de la communauté pachtoune. Ces dons sont calculés en fonction du rang social et de la richesse estimée des différentes catégories pachtounes du Pakistan. Autres donateurs : les hommes d’affaires de la diaspora pachtoune. Installés en Europe, en Arabie saoudite, en Chine et aux Émirats arabes unis, ils ont fait fortune dans l’immobilier, le transport de marchandises, le BTP, les placements financiers. Ils sont fortement sollicités au nom de la solidarité tribale pachtoune. A l'instar des riches hommes d'affaires saoudiens, soucieux d'observer la zakat, l’impôt musulman, estimé chaque année à 2,5 % de leur revenu à des ONG ou à des madrasas (écoles) liées aux talibans, les hommes d'affaires pachtounes basés à l'étranger, versent une partie de la richesse récoltée en guise de zakat aux talibans.

Maulana Samiul ul-Haq est l’un de responsables, chargé d'organiser la récolte de ces sommes d'argent et de faire le lien avec les donateurs étrangers On estime à 1,2 milliards d'euros, la somme d'argent qui rentre au Pakistan, destinée aux talibans. Sénateur, membre de la Jamiat Ulema-e-Islam, un parti islamiste, il dirige la madrasa Darul Uloom Haqqania, près de Peshawar. Son école accueille 6 000 élèves. Si la madrasa rejette tout lien avec des groupes terroristes, elle compte parmi ses anciens étudiants plusieurs chefs talibans. Le plus célèbre est le mollah Omar, chef du régime taliban en Afghanistan dans les années 1990, l'un des personnes les plus recherchés par les Américains depuis 2001. Ces sommes d'argent servent à financer l'effort de guerre contre les soldats étrangers, mais également à rémunérer les combattants talibans dont le salaire mensuel peut osciller entre 100 et 1000 euros notamment dans le cas des combattants de Tariq Afridi, leader taliban pakistanais. Ce qui représente une fortune dans un pays où le salaire mensuel moyen ne dépasse guère 70 euros.

La solidarité financière entre différents groupes talibans est par conséquent solide et infaillible, dans un pays ou la police financière est quasi-inexistante. La création en juillet 2003 de la Fédéral Investigation Agency « FIA), chargé de lutter contre le blanchiment d’argent, la cybercriminalité, le financement du terrorisme, le recueil d’indices sur les sites frappés par un attentat, n'a eu aucun effet dissuasif tant la tâche est gigantesque. Les combattants talibans continuent à se procurer les sommes annuelles dont ils ont besoin pour mener la guerre au Pakistan et en Afghanistan en toute impunité.

Au milieu de tout cela, les Américains se trouvent dépourvus de moyens de pression et ne semblent pas avoir de solution de rechange face à la montée en puissance de la résistance anti-américaine depuis le Pakistan comme en témoigne les attaques répétées par des talibans pakistanais tous près de l’aéroport de Peshawar, lieu

Mot clés : afghanistan - pakistan - taliban - troudi

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