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« Les Etats-Unis et l’Europe face à l’Iran sur le chemin escarpé de la mondialisation » par Ali RASTBEEN (*)

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Dans son évolution historique, la civilisation est arrivée à un tournant. Les désordres et les troubles qui ont suivi la défaite des néoconservateurs américains, quant à la mise en place du plan pour le passage du deuxième au troisième millénaire, n’ont permis ni de substituer un nouvel ordre mondial qui était censé remplacer celui fondé sur le néocolonialisme après la Seconde Guerre mondiale, ni de résoudre une crise qui, par son ampleur, rappelait celle qui avait abouti au second conflit planétaire. La défaite de la stratégie d’agression en vue d’instaurer le « nouvel ordre mondial » et la propagande de la « guerre propre », stratégie expérimentée lors des années 1990 dans le golfe Persique et qui se poursuit dans la guerre contre l’Irak durant la première décennie du XXIe siècle, a aggravé la confusion dans les relations entre les peuples.

L’effacement des États-Unis du rang d’hyperpuissance planétaire unique s’est réalisé très rapidement, avec des conséquences aussi bien dans les métropoles du capital que dans la chaîne des pays occidentaux. Malgré les efforts unanimes qu’a dirigés le monde occidental en vue d’occulter les conséquences désastreuses de la crise financière provenant des États-Unis et qui s’est très rapidement propagée au monde entier, les répliques à cette crise se font toujours sentir aux États-Unis et en Europe, de même que dans le monde entier, avec des implications sociales et politiques très fortes (1).

L’Occident, qui avait rapidement célébré sa victoire sans guerre sur le bloc de l’Est, affirmant l’immuabilité de son système dominant, a, très rapidement, ressenti le poids de la supériorité de la puissance américaine. Les observateurs occidentaux se sont inquiétés des effets d’un monde dominé par une seule puissance. La tragédie des tours jumelles à New York, métropole du capital mondial, puis l’attaque des  États-Unis contre l’Afghanistan et la « guerre préventive » de l’armée américaine  contre l’Irak ont pris l’aspect de cauchemars. Ces cauchemars destinés à s’étendre au monde entier se sont enlisés en Irak et en Afghanistan. Cette corde au cou des États-Unis n’a pas tardé à se serrer autour de celui de leurs alliés. Aujourd’hui, leur action commune tend à instaurer le nouvel ordre mondial. Durant le XXe siècle, la stratégie des guerres locales et régionales permettait de résoudre les difficultés du système dominant dans le monde. Ces guerres locales conduisaient à des conflits globaux qui aboutissaient à l’émergence de nouvelles puissances, à la fin d’une ère et au début de nouvelles alliances. C’était l’un des héritages de l’époque coloniale. Or, eu égard à la vaste évolution technologique, en particulier dans le domaine militaire – à partir principalement de la moitié du XXe siècle –, et à la rivalité grandissante entre les deux blocs Est et Ouest, cette stratégie ne pouvait plus être efficace. Une guerre mondiale telle que préconisée par les néoconservateurs américains signifiait la disparition de la civilisation et la fin de  l’existence sur la Terre. Le slogan de la « guerre propre », lancé par les États-Unis lors de la guerre du golfe Persique en 1991, qui tentait de propager l’idée de l’absence de dangerosité de la guerre dans un monde qui en était inquiet, est devenu, très rapidement, dans le désert irakien, une anecdote en provenance du système de guerre américain.

La stratégie du nouvel ordre mondial

Le président Bush et, en réalité, l’état-major des néoconservateurs, faisant fi de l’opposition de l’opinion publique mondiale et même de celle de leurs alliés européens, ont mis en évidence la « guerre propre de l’armée américaine », à travers la  « guerre préventive » contre l’Irak, la proclamation des « croisades » et le projet du « Grand Moyen-Orient » (2). Or, lorsque les États-Unis se sont retrouvés dans le piège qu’ils avaient eux-mêmes tendu, en raison des résistances locales, ils se sont tournés vers l’Organisation des Nations unies et les États européens. L’OTAN s’est trouvée directement impliquée dans le conflit en Afghanistan et, lentement et indirectement, a trouvé des bases dans les Émirats arabes du golfe Persique. Aujourd’hui, la mise en œuvre de la stratégie du nouvel ordre mondial, s’étendant depuis le canal de Suez jusqu’aux territoires de l’Asie occidentale et centrale, incombe au Pentagone  et à l’OTAN.

Un aperçu des bases et des traces du Pentagone dans le Nord et le Sud du Caucase et dans l’Asie centrale montre que l’ombre de l’OTAN s’y étend également.

Le voyage de la chancelière allemande dans les territoires des anciennes républiques de l’ex-Union soviétique, l’attention portée par l’Occident au Turkménistan, Kirghizistan, à la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, l’Ukraine, et même au Tadjikistan, qui suscite la méfiance déclarée ou non de Moscou, les relations militaires entre le Pentagone et l’OTAN avec ces pays – sous la justification de coopération dans la guerre en Afghanistan ou pour la solution des conflits de voisinage ou de coopération économique – sont les preuves de cet intérêt commun.

Or, préalablement à cette ardeur commune, les capitaux extranationaux, en Occident, avaient en vue des projets d’investissement très alléchants dans l’Asie centrale et la mer Caspienne. Durant la guerre civile en Afghanistan, les Américains avaient conclu des accords avec les talibans en vue de faire passer par ce pays le pétrole et le gaz d’Ouzbékistan. De même, depuis plusieurs années, l’Europe attend la réalisation du projet de pipe-line « Nabouko » qui est censé conduire le pétrole et le gaz de la mer Caspienne vers l’Europe (3).

L’Occident a démontré qu’il ne pouvait faire abstraction de sa présence, en tant que puissance dominante, sur l’Asie centrale et le Nord du Caucase. Les efforts communs de l’Europe et des États-Unis en vue de surmonter l’obstacle de Moscou, qui continuait à faire barrage à cette présence, les ont conduits à s’entendre avec ce dernier par le biais de contrats commerciaux tous azimuts. La dernière de ces transactions (qui se poursuit encore) consiste à absorber Moscou au sein de l’OTAN. Bien qu’une telle hypothèse semble peu probable, néanmoins elle n’est pas à exclure.

La complication des enjeux

Le prochain front de conflit est celui avec la Chine (4). Celui-ci ne pourrait être possible sans la désunion préalable de Moscou et de Pékin. Moscou en est conscient.

L’accord avec l’Occident au sein du Conseil de sécurité pour adopter de nouvelles sanctions contre l’Iran fait partie de ces transactions bilatérales à l’échelle internationale. Aujourd’hui, l’Iran n’est plus dans le giron de Moscou, il est considéré comme un simple client (5). L’agence Novosti de Moscou a diffusé le 26 juillet que, à la suite des nouvelles sanctions contre l’Iran, un important marché d’achat d’avions Tupolev par l’Iran a été annulé. Le 4 août, une autorité financière russe a déclaré que, à la suite des sanctions contre l’Iran, la Russie doit supporter une perte de treize milliards de dollars jusqu’en 2025 en raison de l’annulation des contrats avec l’Iran. La suite est facile à prévoir, l’Occident doit dédommager les pertes subies par la Russie.

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La logique qui domine et justifie ces agissements est celle des prémisses du globalisme dont la mise en œuvre est poursuivie, contrôlée et soutenue par les régimes occidentaux. Elle constitue également une réponse aux éruptions « volcaniques » des révolutions du xxe siècle, qui font apparemment partie de l’histoire, de même qu’un effort en vue de supprimer les obstacles face aux monopoles et aux réseaux financiers extrémistes. Elle constitue également un effort par le haut, en vue de réguler la concurrence et la surenchère qui ne peuvent admettre de règles et qui sont intrinsèques au capital. La création de l’Organisation mondiale du commerce, à l’initiative des métropoles du capital mondial, et l’adhésion qui présuppose l’accord des autres membres constituent la première organisation mondiale au service du globalisme, à laquelle les États-Unis n’ont pas accordé leur avis positif pour l’adhésion de la Russie. Parallèlement, d’autres organes portent leur concours à ce plan. Le « marché commun européen », la « Conférence annuelle de Davos », l’« Organisation mondiale de l’énergie », le « G 8 », le « G 20 » en sont des exemples.

Le capital qui circule dans les axes financiers et bancaires, les industries d’armement, l’énergie, le commerce invisible des stupéfiants et les relations internationales a un côté destructeur. Le commerce des armes qui, au début du XXe siècle, constituait une importante difficulté mondiale a pris un aspect étatique et joue le rôle principal dans la venue des guerres locales et régionales, et il est devenu l’un des fondements de l’insécurité au niveau planétaire.

La stratégie des marchands d’armes

Les dirigeants des puissances occidentales voyagent dans les petits pays asiatiques en vue de vendre des armements et d’ouvrir de nouveaux marchés militaires.

La vente d’armes qui, à une certaine époque, était moralement et socialement prohibée est devenue aujourd’hui un mode de transaction courant et constitue un facteur important dans l’élaboration du budget des pays industrialisés. Ce commerce aggrave l’insécurité dans les pays d’Asie et d’Afrique, et fomente des conflits civils, locaux et régionaux. Accompagnant les armes, les conseillers et les bases militaires s’implantent dans les pays clients.

Depuis plus d’un demi-siècle, la CIA est accusée de renforcer le commerce des produits stupéfiants. L’histoire a montré que, là où s’est installée l’armée américaine, la production et le commerce des stupéfiants ont pris un nouvel élan. Lors de la guerre du Vietnam, la Thaïlande a été la plate-forme de ce commerce, ce qui se poursuit encore de nos jours. Aujourd’hui, suite à la présence de l’armée américaine en Afghanistan, ce pays est devenu un centre mondial de production de stupéfiants.

Toute la région, de l’Asie centrale jusqu’au Pakistan et à l’Iran, s’est transformée en lieu de passage des convois de ce commerce illicite. Déjà au xixe siècle, pour créer en Chine un marché d’opium, prohibé par l’empire de Pékin et interdit à l’importation, la Grande-Bretagne avait ouvert par les armes les portes de ce pays à cette marchandise interdite.

Le rôle des capitaux extranationaux, concentrés dans les banques, les assurances, les Bourses et les lettres de change, est également primordial, en agissant au-delà de l’opinion générale. Le séisme de la crise aux États-Unis a commencé par les opérations complexes de crédit sur les logements, dont la prise en otage des logements vendus à la population par le biais des lettres de change. Dès ses premières secousses, ce séisme a dévoilé les opérations fictives des Bourses, des banques et des établissements financiers extranationaux au service de cette métropole du capital.

Cette partie intrinsèque du système qui fonctionne comme son cœur ne connaît ni ami ni ennemi et, comme on a pu le constater, a mis immédiatement en branle Washington, Londres, Berlin, Paris, Moscou, etc. Ces secousses post-sismiques s’étendent aux pays satellites des États-Unis et de l’Europe. Une branche aspirant ces capitaux extranationaux est celle des investissements dans les pays nécessitant le développement. Une autre branche est constituée par les trusts ayant une mainmise sur les richesses naturelles situées dans l’ancien système colonial, en particulier les trusts dans les domaines de production et de distribution du gaz et du pétrole à travers le monde. L’ensemble de ces facteurs, qui dans leurs interactions atteignent des impasses et constituent l’élément principal de l’apparition de difficultés d’abord locales, puis régionales et enfin internationales, sont actifs dans le monde.

C’est à ce stade que le système mondial dominant a besoin d’un bouleversement fondamental auquel les guerres limitées et locales ne peuvent apporter de solution. Une guerre à grande échelle doit déplacer les pions du jeu de pouvoir. Nous sommes aujourd’hui témoins de l’approche d’un tel conflit. Le président Bush avait même visé les objectifs de cette guerre mais, pressé, n’a pas réussi à la conduire à son terme. Ce qui domine aujourd’hui les relations internationales consiste à préparer un terrain propice qui permettrait de passer le virage du XXIe siècle.

Or, le progrès rapide de la technologie qui, à une certaine époque, constituait l’instrument de domination du monopole du capital mondial constitue aujourd’hui un facteur encombrant. En 1990 a commencé une révolution de la communication grâce aux NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), dont Internet a été l’expression la plus spectaculaire. La planète, avec ses océans, ses continents, ses montagnes et ses déserts, est devenue un village et s’est transformée même en un petit village, le temps de communication qui sépare le pôle Nord du pôle Sud est inférieur à celui qui sépare les habitants d’un même village. Cela est une preuve que notre planète, avec ses sept milliards d’habitants et bénéficiant de cette proximité temporelle et spatiale, ne peut rester le monopole du capital mondial. De même que, avec l’avènement de la révolution industrielle et la domination du capital sur le monde, le système esclavagiste, malgré son étendue, ne pouvait survivre.

Depuis la désintégration du bloc de l’Est, les pays du monde ont été classifiés en « Nord » et « Sud ». Le « Nord » englobe les pays développés et industrialisés, le « Sud » les pays colonisés et sous le joug des pays du « Nord ». La métropole du capital, grâce à des programmes à long terme, protège cette domination. À la suite de la disparition du mur de Berlin, l’axe occidental a fait désintégrer l’État fédéral de Yougoslavie en petits États ethniques et religieux. En effet, l’État fédéral de Yougoslavie, qui se trouvait entre l’Est et l’Ouest, héritage de Moscou et du pacte de Varsovie, pouvait devenir un poids important dans l’Europe de l’Est et rester indépendant à l’égard de l’Occident (6). Suite à plusieurs années de guerre civile, avec la présence directe de l’OTAN et des Nations unies, cet État fédéral a donc été désintégré. On a appelé « balkanisation » cette politique qui est devenue un modèle pour l’instauration du nouvel ordre mondial. Les événements de Yougoslavie ont non seulement détruit un État des Balkans, mais également porté un coup fatal à l’Europe de l’Est, dont les conséquences se feront sentir encore longtemps (7).

La connotation religieuse

Durant les années de guerre dans les Balkans, les États-Unis poursuivaient la même méthode qu’aujourd’hui en Afghanistan. Dans la guerre en Bosnie, à laquelle on a attribué une connotation religieuse, les « Gardiens de la révolution iranienne » combattaient les Serbes aux côtés des soldats de l’OTAN et des musulmans bosniaques. Cette collaboration entre les États-Unis, l’OTAN et l’armée des Gardiens iraniens se déroulait au moment où, sur le plan mondial, les gouvernements américain et iranien étaient, comme aujourd’hui, au summum de l’animosité et de leurs différends.

Lors de la guerre en Afghanistan contre l’armée soviétique, l’Iran islamique était l’une des portes par lesquelles les armes et les combattants djihadistes des territoires du Sud du golfe Persique pénétraient en Afghanistan.

Durant la révolution iranienne, les États-Unis et l’Occident ont facilité le transfert du pouvoir au mouvement religieux. À l’époque, on croyait qu’ils s’inquiétaient de la présence politique de Moscou. Cette croyance puisait sa source dans le passé politique de Washington. Lors du mouvement pour la nationalisation du pétrole iranien, alors que les États-Unis s’étaient précipités pour soutenir la Grande-Bretagne et préparer le coup d’État de 1953, un des efforts de la CIA avait consisté à s’infiltrer dans l’institution religieuse en vue de créer une diversion au sein du mouvement national (8).

L’instauration des régimes religieux en Afghanistan et en Iran, à l’instar du régime pakistanais et de ses expériences vieilles de cinquante ans, constitue un danger qui menace l’ensemble du Moyen-Orient et l’Asie centrale. Ce sont des régimes qui tendent vers le passé et par conséquent cherchent l’avenir en voulant revenir en arrière. L’appartenance ethnique et la lutte contre l’étranger constituent deux caractéristiques des sociétés religieuses. Dans le Pakistan musulman, l’animosité et la guerre entre différentes sectes musulmanes sont des maux chroniques et irrémédiables, paralysant le pays de l’intérieur. On les retrouvera dans les républiques séparées de l’ex-Union soviétique, où l’Occident tente de s’ouvrir un chemin.

Le Proche et le Moyen-Orient, du canal de Suez jusqu’au golfe Persique et l’Iran, ont un rôle stratégique de premier ordre dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les ressources énergétiques et la situation géopolitique de la région constituent les objets d’une rude rivalité entre les deux blocs et entre l’Europe et les États-Unis. La création de l’État d’Israël a été à l’origine d’une nouvelle crise (9). Dès la seconde décennie du XXe siècle, les territoires arabes, en tant que foyer de révolutions prématurées, ont attiré l’attention des théoriciens de Moscou. Dans les années 1950, Lintchavski, ambassadeur de Pologne à Moscou et professeur des universités américaines, a attiré l’attention de l’Occident, à travers deux de ses ouvrages, sur la nécessité de protéger cette région et sur le rôle particulier de l’Iran en tant qu’interface entre Moscou et les territoires arabes. Sa théorie est devenue la base de la stratégie occidentale dans la région.

Lors du transfert du protectorat de la Grande-Bretagne et de la France sur les territoires arabes, la création de l’État d’Israël dans une partie du territoire palestinien était à l’ordre du jour. Depuis la fin du  XIXe siècle, cet objectif était placé dans le projet politique de la Grande-Bretagne. L’Organisation des Nations unies a approuvé la création de ces deux États, ce qui, naturellement, a attiré les protestations de la Palestine et des États arabes. Les Juifs, ayant subi les camps de concentration allemands, ne se sont pas contentés non plus des frontières approuvées Les États-Unis et l’Europe face à l’Iran par l’Organisation des nations unies et, par des actes terroristes, ont obligé les Palestiniens à quitter leurs maisons, leurs champs et leur territoire ancestral.

L’État d’Israël et la Palestine

Si l’Organisation des Nations unies n’était pas sous la domination des puissances coloniales et insistait sur ses propres décisions, peut-être que les Juifs fondateurs de l’État d’Israël auraient été moins extrémistes et auraient pu établir des relations de coexistence avec leurs voisins palestiniens ; par conséquent, le destin du Proche-Orient aurait été autre que celui que nous connaissons aujourd’hui. À l’époque, des personnalités comme Einstein n’étaient pas favorables à la division de la Palestine et défendaient la création d’un seul État indépendant arabe et juif. Or, dans la création de l’État d’Israël, avec une connotation ethnique, la métropole du capital a joué un rôle prédominant. Depuis vingt ans, grâce à ce soutien apporté au petit État d’Israël, cet État, rebelle et agressif à l’égard de ses voisins, et insoumis vis-

à-vis des décisions de l’Organisation des Nations unies et de celles de ses différents organes, a déplacé, durant plusieurs guerres, plus de trois millions de Palestiniens de leur territoire, a conquis les territoires de ses voisins et s’est attaqué aux camps de réfugiés palestiniens au Liban, en Syrie et en Jordanie. Lorsque, parmi ces réfugiés, certains ont tenté de résister et d’utiliser les mêmes méthodes, Israël et ses défenseurs les ont qualifiés de terroristes et de saboteurs.

La question des réfugiés palestiniens préoccupe depuis plusieurs décennies les États arabes. Cette question a été à maintes reprises à l’origine des crises sociales et politiques et de la guerre civile dans ces pays. Dans les guerres entre Israël et les Arabes, le premier a toujours été le précurseur. Dans ses guerres éclairs, voire rapides, l’Israël a toujours bénéficié du soutien de l’Occident, en particulier des Etats-Unis (10). La préparation des guerres était réalisée de sorte que, avec l’intervention des États-Unis et du front occidental, elles durent le moins possible et que, dès chaque attaque et chaque avancée rapide, un cessez-le-feu soit prononcé. Car il est évident qu’Israël n’a pas les capacités de mener une guerre de longue haleine.

L’effort le plus efficace réalisé par l’intermédiaire des États-Unis en vue d’établir la paix entre Israël et la Palestine a été la signature des accords d’Oslo entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin en septembre 1993 (11). Événement pour lequel le prix Nobel de la paix a été attribué à Yasser Arafat et Yitzhak Rabin. Néanmoins, et malgré tout le tapage médiatique, cet accord est resté lettre morte, de sorte que six ans plus tard les États-Unis et Israël ont tenté, à Camp David, de faire reculer Arafat sur le partage de Jérusalem et le retour des réfugiés palestiniens. En effet, après l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un juif extrémiste, le traité d’Oslo a été enterré. Les efforts ultérieurs, tels que la « feuille de route », n’ont jamais dépassé la table des négociations. Pendant toutes ces années, la colonisation israélienne sur le littoral occidental du Jourdan et dans le secteur arabe de Jérusalem s’est poursuivie, cela malgré les protestations internationales. Les cités construites dominent les habitats des Palestiniens. L’armée israélienne est partout présente et a construit des murs dans les territoires palestiniens, formant une sorte de labyrinthe. Ce que demandent les pays arabes et les Palestiniens est le retour d’Israël aux frontières de 1967 avec ses voisins, la création de l’État palestinien avec sa capitale dans la partie arabe de Jérusalem, ainsi que le retour des réfugiés. Or, les conservateurs israéliens, forts de leur expérience, tentent d’évacuer les Palestiniens de Jérusalem et d’assurer progressivement la tutelle des Arabes dans un territoire entouré de muraille. Les médiations de Washington et de Londres ont pour objectif la réalisation de l’idéal du « Grand Israël ». Il n’existe aucune chance pour la création d’un État palestinien indépendant au voisinage d’Israël.

Le panislamisme

Cette tragédie politique et sociale a gardé en haleine les pays arabes pendant près de soixante ans. Les défaites militaires face à Israël ont conduit ces pays vers une sorte de passivité et de soumission. Le renforcement de la haine générale à l’égard de l’Occident et d’Israël a provoqué une rupture entre les régimes et les peuples dans ces pays. Les régimes en place, ne pouvant satisfaire les attentes de leur peuple, se sont transformés en régimes militaires afin de pouvoir contenir leurs populations.

Dans ce cadre, ils peuvent bénéficier du soutien militaire de l’Occident. Les régimes de la région dépendent intimement de la domination occidentale. Des nombreux facteurs historiques contribuent à cette alliance : l’épanouissement du nationalisme arabe, l’apparition de nouvelles branches « panislamiques », en tant que synthèse des événements et des défaites, ont régi le cours des événements à ce jour. L’avènement des régimes militaires en Égypte par le colonel Gamal Abdel Nasser, en Irak par le général Qasim, en Syrie par le général Hafez al-Assad et en Libye par le colonel Kadhafi a vivement influencé, pendant un laps de temps, toute la région. Cependant, les diversités historiques et géographiques de la région,  d’une part, et la présence massive des deux blocs mondiaux avec des intérêts et des objectifs différents, d’autre part, ont fini par éteindre les flammes du nationalisme arabe. Les dictatures militaires ont été instaurées de-ci de-là. En Syrie et en Irak, deux branches concurrentes du parti Baas ont pris le dessus sur les régimes militaires.

Une politique passive quant à la question palestinienne, toujours insoluble, s’est étendue au sein des régimes de la région. Cette politique passive a creusé l’écart entre ces régimes et leurs populations, de même qu’elle a favorisé l’influence des États-Unis, en tant que porte-drapeau de l’Occident, dans la région.

L’opinion publique, qui n’avait pas accepté cette politique de passivité, est devenue un terreau favorable à l’épanouissement de la religion et du panislamisme (12). Les Frères musulmans en Égypte représentent cette tendance (13). Ils sont autant anti-étrangers qu’hostiles aux régimes traditionnels. Les Frères musulmans ont leurs acolytes dans d’autres pays arabes. De par leurs racines traditionnelles et religieuses,  ils constituaient une arme efficace dans la lutte contre l’Est et l’Ouest. Aujourd’hui encore, ils sont toujours influents dans la stratégie régionale de l’Occident. Au Liban, l’organisation des chiites, sous la bannière du Hezbollah, s’est transformée en une force militaire redoutable qui a tenu tête, en l’absence du gouvernement de ce pays, à Israël. L’opposition farouche des États-Unis et de la France, ainsi que la résolution du Conseil de sécurité quant au désarmement de cette organisation n’ont pas diminué sa capacité de résistance. Parmi les Palestiniens, le Hamas, avec une tendance religieuse, résiste avec opiniâtreté face aux avancées d’Israël, tandis que l’Organisation du djihad islamique, ayant choisi une voie différente de celle du Fatah, bénéficie d’une assise populaire dans son opposition aux États-Unis et à Israël.

Al-Qaida et le wahhabisme

Parmi des dizaines de réseaux religieux extrémistes, Al-Qaida, qui a vu le jour dans la péninsule Arabique et a étendu son réseau à toute la région, suit une voie singulière. Du Nord de l’Afrique jusqu’à l’Afghanistan et aux républiques musulmanes de l’Asie centrale, à la région autonome ouïgoure en Chine et la Tchétchénie sur le territoire russe, cette organisation englobe les groupes sectaires musulmans  avec une double identité.

Les premiers pas d’Al-Qaida en Arabie Saoudite consistaient en une attaque contre la base militaire aérienne américaine qui y était implantée, invitant le gouvernement saoudien au combat. Grâce à cette carte de visite, l’organisation a commencé à engager des combattants dans les territoires islamiques de langue arabe, en proie à des crises politiques. Au plus fort du conflit entre les deux blocs, elle a pénétré sur la scène afghane. À l’époque, elle bénéficiait naturellement du soutien de la CIA. À la tête de cette organisation d’idéologie religieuse, se trouvait un membre de la noblesse saoudienne dont la famille avait des relations proches et amicales avec les hauts dirigeants américains. Son organisation propageait l’idée du  combat contre les puissances dominant le monde et le retour à l’époque du califat islamique. Al-Qaida a installé les talibans au pouvoir en Afghanistan et propagé le wahhabisme (14) qui a vu le jour il y a deux cents ans, en parallèle avec le régime saoudien en Arabie. Cependant, en annonçant les émirats islamiques en Afghanistan, Al-Qaida s’est précipité pour démontrer sa puissance planétaire en s’attaquant aux tours de New York et au Pentagone, infligeant une défaite aux Américains, d’où a résulté leur perte en Afghanistan. Néanmoins, le djihad contre les mécréants dans les territoires islamiques reste le mot d’ordre mondial d’Al-Qaida. Cette organisation constitue le moteur de la guerre en Afghanistan, en Irak et au Pakistan, et celui de l’insécurité dans d’autres pays musulmans, un moteur qui depuis dix ans défie la sécurité des puissances occidentales à l’intérieur de leurs propres frontières.

Le départ inévitable de la Grande-Bretagne du golfe Persique et de la mer d’Oman, associé à la naissance prématurée des Émirats sur ces littoraux, a inauguré un nouveau chapitre géopolitique dans le golfe Persique. Des petits émirats inexpérimentés dans l’art de gouverner, mais installés sur des richesses énergétiques phénoménales et dans une situation stratégique sensible, se sont précipités dans le commerce. Ils sont devenus un instrument en vue de faciliter la présence de plus en plus flagrante des États-Unis dans le golfe Persique et des intermédiaires et aventuriers américains, de même que l’intervention d’autres puissances dans la région. Or, la question palestinienne reste le mot d’ordre de l’opinion publique du monde arabe, avec parallèlement la montée du rêve panislamique au sein des masses arabes.

La position stratégique sensible de la région et ses réserves énergétiques colossales sont les deux facteurs qui ont toujours été à l’origine de la concentration de l’Occident dans le milieu trouble du golfe Persique. Outre les accords militaires bilatéraux, toute la région s’étendant du canal de Suez, des rivages de la Méditerranée jusqu’au golfe Persique est placée sous le parapluie militaire des États-Unis. Durant plusieurs années, sous le prétexte des conflits avec Israël, Beyrouth, à une certaine époque capitale culturelle moderne du monde arabe, s’est transformée en base militaire américaine censée assurer la sécurité dans la région. Les Américains ont remplacé également les Anglais dans leurs bases militaires abandonnées dans le golfe Persique et cela en sus de leurs bases militaires aériennes en Arabie Saoudite, à Abu

Dhabi, et sur l’île de Diego Garcia dans l’océan Indien. Malgré la perte de leurs bases  en Iran et l’abandon du traité militaire bilatéral avec ce pays, les Américains sont  présents dans les Émirats arabes unis sur le littoral au sud de l’Iran. Cette présence a facilité la pénétration de la France dans la stratégie militaire du golfe Persique. Ce pays, après s’être concerté avec l’OTAN et avec son entrée à l’état-major de cette organisation, a installé une base aéronavale dans les Émirats, assurant sa part de la richesse pétrolière des Émirats par la vente de milliards de dollars d’armement.

La vente d’armes occidentales aux pays du golfe Persique est un facteur de régulation des relations néocoloniales qui remontent à l’origine de ce système. Ces ventes sont en croissance permanente. Un aperçu des transactions réalisées par les États-Unis durant les cinq dernières années et par chacun des pays occidentaux avec l’Arabie Saoudite ou les Émirats en matière d’armement démontre que ces transactions dont les montants s’élèvent à plusieurs milliards de dollars n’ont pas été profitables aux acheteurs, mais ont permis, en revanche, d’accroître les prélèvements financiers des puissances occidentales sur les revenus du pétrole et du gaz des pays acquéreurs. La dernière de ces transactions, d’un montant de trente milliards de  dollars, a été effectuée entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis durant les premiers jours du mois d’août pour l’achat d’avions de combat, sous prétexte de renforcer les capacités de défense de ce pays face à la menace iranienne (15).

Par la suite, il est question d’installer le système antimissile « Patriot » au Koweït. Alors que les sources des transactions stratégiques entre les États-Unis et l’Iran sont taries, l’Arabie Saoudite répond généreusement aux attentes de Washington. La récompense qu’elle a eue en échange a été l’invitation du roi d’Arabie Saoudite par les États-Unis à participer à la dernière réunion du « G 20 », au même titre que des pays comme l’Inde, le Brésil, l’Australie et le Canada.

L’Iran dans la stratégie américaine

L’Iran, qui depuis trente ans est une épine dans la stratégie américaine dans la région, est, à son tour, un foyer qui, progressivement, atteint son seuil d’éruption. Jusqu’à aujourd’hui, cette éruption avait un impact interne, tandis que, sous la pression internationale et régionale des États-Unis et de l’Occident à l’égard de l’Iran, et compte tenu de la situation, elle commence à menacer la présence occidentale dans la région.

Le régime iranien est un régime théocratique. Au moment où la guerre froide entre l’Est et l’Ouest a atteint son point culminant, avec la bénédiction de l’Occident et sous le masque d’une « révolution », les religieux ont bénéficié du transfert du pouvoir dans ce pays de la part d’une dictature militaire qui y sévissait depuis cinquante ans. Rapidement, le nouveau régime s’est substitué à la monarchie et a commencé à ressusciter les traditions religieuses abandonnées ou oubliées. Un système fondé sur les préceptes religieux s’est substitué à l’état de droit. Épurant l’armée, les forces de sécurité, la justice et la culture, créant de nouvelles institutions parées de l’adjectif « révolutionnaire » : les « Gardiens de la révolution », le « Tribunal révolutionnaire », le « Conseil de la révolution culturelle », le « Bassidj ». Ces institutions, placées sous l’égide du « Conseil supérieur de la révolution » et du  « Siège du Guide », ont violemment épuré les opposants. Les affaires quotidiennes et les besoins de la population ont été confiés aux mosquées. Avec l’institutionnalisation de la prière du vendredi, s’est tissé le large réseau des imams du vendredi, placé sous le contrôle direct du secrétariat du Guide de la révolution.

L’épuration a d’abord visé la presse, puis les uns après les autres les groupes politiques de gauche et de droite, et les religieux rivaux. Dans le domaine de la politique étrangère, dès la première année de la victoire de la révolution et avec l’occupation de l’ambassade des États-Unis en Iran, la gauche a pris le monopole des slogans anti-impérialistes. La guerre de l’Irak contre l’Iran, message de l’inquiétude des voisins arabes et avec l’approbation de l’Occident, qui a duré huit ans, a donné l’occasion de réprimer parfaitement tous les opposants à l’intérieur du pays et renforcer les fondements de l’armée des Gardiens de la révolution en tant que bras armé du  Guide de la révolution.

En deux étapes, dans la Constitution du pays, le pouvoir absolu a été accordé au Vali faqih (Guide suprême) (16). Les trois pouvoirs, parlementaire, judiciaire et exécutif, bien qu’indépendants les uns vis-à-vis des autres, ont été placés sous la direction du Guide de la révolution. Dix ans après l’instauration du régime théocratique et avec la disparition du premier Guide de la révolution, le despotisme religieux qui dépendait de lui a été institué jusque dans la Constitution du pays.

L’influence du système religieux sur l’économie du pays était fondamentale. Tous les anciens métiers, oubliés et au service des religieux, ont été ressuscités et les sièges des chefs religieux ont pris un nouvel essor. Les écoles théologiques se sont développées et ont remporté un nouveau succès. Dans le budget du pays, des sommes importantes ont été consacrées aux institutions religieuses. Les institutions financières et commerciales se sont mises à l’écoute des chefs religieux. Certains de ces derniers sont entrés dans le domaine des affaires commerciales et financières. Dans un pays où les organisations syndicales et professionnelles sont interdites, les dignitaires religieux ont eu leurs propres associations et cela avec la bénédiction et l’aide du Guide de la révolution. En même temps, pour assurer son budget colossal, le gouvernement a été obligé d’envisager la suppression de la subvention à long terme des marchandises et des articles de première nécessité. Cependant, compte tenu de l’impact de ce projet sur la situation générale du pays, les conditions ne sont pas réunies pour son application.

L’armée des Gardiens de la révolution et ses différents tentacules, qui ont pris de plus en plus d’importance, sont accusés depuis des années d’entretenir un vaste réseau d’importation et d’exportation de produits illicites. L’intérêt porté par l’armée aux industries militaires est à l’origine des accusations qui, de temps en temps, en Irak ou en Afghanistan, entraînent également l’Iran. En même temps, aujourd’hui, les industries d’armement produisent des armes conventionnelles telles que avions, missiles à longue portée et embarcations à grande vitesse. La technologie nucléaire de l’Iran se trouve également sous le contrôle de l’armée. Celle-ci est également présente dans les principaux projets économiques relevant entre autres du secteur gazier et pétrolier.

Leur intervention dans le domaine économique avec une vaste organisation confère à l’armée et au Bassidj qui, malgré son indépendance, est une branche de l’armée, outre une présence militaire et sécuritaire, des ambitions politiques et culturelles. Les relations entre l’armée et les tribunaux révolutionnaires ne datent pas d’hier. Les événements qui se sont déroulés durant cette dernière année dépeignent un mouvement qui relie de plus en plus le régime des théocrates à la puissance de l’armée. Les tenants de cette concentration du pouvoir se donnent un rôle idéologique, indiquant qu’ils sont au service du Guide, c’est-à-dire du dirigeant du  despotisme religieux.

Le projet le plus récent du gouvernement avec l’aide de l’armée et du centre théologique de Qom consiste en une prise en main des crèches, des écoles et des lycées en vue de l’enseignement religieux et de la conduite idéologique (c’est-à-dire une imprégnation des cerveaux des jeunes, depuis l’école jusqu’à l’université). Le centre théologique de Qom pousse ses étudiants, qui ont besoin de travailler, et l’armée, avec plusieurs millions d’effectifs du Bassidj, à créer un climat tel qu’il est préconisé par le centre théologique.

Un tel projet de formation accélérée et extraordinaire signifie que depuis trente deux ans, autrement dit dès sa naissance, le régime théocratique a tenté d’instaurer une séparation entre lui-même et le peuple. Représentant de Dieu, la population devait lui obéir. Sans succès. Actuellement, après l’amère expérience électorale de l’année dernière, il tente de prendre en otage les enfants d’aujourd’hui pour assurer son avenir. Mais quel avenir ? Il est difficile d’y répondre ! On ne peut monter sur le passé et galoper vers l’avenir.

L’Iran à l’intérieur et à l’étranger

À ce jour, le régime a utilisé des armes déterminées sur les deux fronts intérieur et étranger. À l’intérieur, il y a poursuite de la restriction des libertés, oppression, discriminations, mise en relief des différends religieux, accent mis de temps à autre sur la répression de différentes formes de comportement social, telles que la soumission des femmes, l’attaque contre les étudiants et les universités, l’attaque contre les mystiques « Gonabadi », les bahaïs, les missions chrétiennes. À l’étranger, pour attirer les opinions publiques dans les pays arabes, il y a opposition à l’égard d’Israël, soutien aux Palestiniens de même qu’au Hezbollah du Liban ; et enfin est soulevée la question de la technologie nucléaire, utilisée aussi bien sur le front intérieur qu’à l’étranger.

À l’intérieur du pays, la campagne montée autour de la question nucléaire, avec pour arrière-plan la guerre en Irak, détourne l’opinion publique vers le conflit avec les États-Unis et l’Occident. À l’étranger, la démonstration de force face aux Etats-Unis et à l’Occident attire l’admiration des opinions publiques du monde arabe et plus largement des pays du « Sud ». Les peuples arabes qui, depuis des années, sont affligés par la faiblesse de leurs pays face à Israël et aux États-Unis, et par la continuation des agressions d’Israël en Palestine, sont aujourd’hui fiers et soutiennent un pays musulman qui s’attaque à Israël, résiste devant l’Occident, pour avoir la maîtrise de la technologie nucléaire, et soutient les Palestiniens. C’est un avantage pour les ambitions idéologiques des religieux au pouvoir en Iran.

Du fait que l’assise sociale du régime théocratique se situe dans une société semi-campagnarde, avec une attitude visant à favoriser les paysans, l’écart entre ce régime et la société civile s’est de plus en plus creusé. Dans son rejet de la modernité, le régime en place rejette même ses propres troupes. Ceux qui ont été défaits lors des dernières élections présidentielles en faisaient partie. Cette situation est celle du régime actuel de l’Iran. Durant les événements de l’année dernière, outre les fractions à l’intérieur du régime, le Guide de la révolution a également été interpellé. Le conflit actuel se déroule entre les religieux, qui ont l’armée à leur dévotion, et ceux dont l’assise traditionnelle se situe au niveau du bazar et des mosquées. Dans cette campagne, le faux-semblant du gouvernement d’être mû par le nationalisme iranien, en vue d’attirer l’opinion publique dressée à l’encontre d’une attaque étrangère, a provoqué la colère des ayatollahs extrémistes. Au sein des partisans fanatiques du régime, une vague de menace et de protestation est en voie de se lever. Une autorité gouvernementale qui a fait allusion à une « doctrine iranienne » de l’islam a été menacée d’être jugée par la plus haute autorité militaire.

Dans ces conditions, en conséquence de la décision du dirigeant de la révolution de déclarer son « pouvoir » comme absolu, l’aile la plus à droite du régime a commencé à murmurer la suppression du mot « république » dans la Constitution et la nomination du Premier ministre par le Guide. Face à l’aggravation des différends entre le président de la République et le Parlement, le premier a rédigé une lettre au dirigeant de la révolution dans laquelle il critique sévèrement les opposants et les accuse de violer ses pouvoirs, et cela alors que lui-même a de nouveau brandi le drapeau de l’exportation de la révolution islamique qui, pendant des années, était resté au placard, avec pour objectif de s’assurer le soutien des masses du monde arabe, en relation avec les groupuscules djihadistes, ennemis d’Israël et des États-Unis. La question qui est à l’ordre du jour sur le plan intérieur est le bras de fer engagé entre le Parlement et le président de la République pour se supprimer l’un l’autre, et en vue d’un nouvel alignement des forces à la veille d’une époque innovante (avec pour toile de fond une politique de conciliation avec les États-Unis).

La concentration du pouvoir dans le régime théocratique a atteint un tel niveau qu’au sein du régime on accueille favorablement une agression externe. Les provocations des dirigeants de l’armée des Gardiens de la révolution ont dépassé le stade de la parole. Des films et des nouvelles font état de « tombes collectives creusées pour les soldats américains (17)». Cela montre que, pour surmonter son impasse interne, le régime a besoin d’un facteur étranger.

Que la métropole du capital, pour l’instauration de son nouvel ordre dans le cadre de la mondialisation du capital, ait besoin d’une guerre ne fait aucun doute. La méthode d’extension stratégique des forces préfigure un tel avenir, mais elle tente d’éviter les arsenaux nucléaires et de remporter la victoire sans y avoir recours. Le retour au développement des armements classiques, en même temps que des différentes armes modernes et spatiales, ainsi que les programmes d’armement sont les preuves de la possibilité d’extension des crises dans les relations internationales jusqu’en 2015. Or, l’aggravation des crises dans certaines régions en proie à des tempêtes peut être à l’origine d’une mondialisation prématurée des guerres  (18). Le conflit entre l’Iran, d’un côté, les États-Unis et l’OTAN, de l’autre, dans le golfe  Persique peut être l’une de ces situations qui se présenteront prochainement. De son côté, Israël fait tout son possible pour que ce conflit ait lieu afin de retarder la création d’un État palestinien. Il n’est pas difficile de prévoir que les ondes d’une explosion dans le golfe Persique s’étendront jusqu’à la mer Caspienne et l’Asie centrale, entraînant les pays arabes et l’Afrique.

(*) M. Ali RASTBEEN est fondateur et président de l’Académie de géopolitique de Paris. Directeur éditorial de la revue Géostratégiques. Auteur de Géopolitique de l’Islam contemporain, Éditions IIES, 2009

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