Tribunes de Philosophes

M. Barack Obama est-il un personnage shakespearien ? ( SUITE II) par Manuel de Diéguez, un de nos grands Maîtres !

- Radioscopie d'un prix Nobel de la paix -

Introduction

Le jury du prix Nobel ayant accordé celui de la paix du monde à M. Barack Obama, la presse a souligné qu'il s'agissait d'un symbole puissant et d'un encouragement vigoureux à persévérer dans l'action annoncée au Caire le 4 juin et qui aurait modifié le climat sur la planète.

Comme j'ai tenté modestement, le 5 octobre, de dessiner la silhouette du personnage de Shakespeare que ce chef d'Etat est appelé ou condamné à jouer sur les planches du théâtre qu'on appelle l'Histoire, j'ai estimé que les acteurs de Stockholm ont bondi sur la scène et qu'ils jouent désormais dans la pièce un rôle de protagonistes ou de spectateurs chargés de guider le héros à la manière du chœur dans la tragédie grecque.

Il en résulte une difficulté anthropologique nouvelle pour ma pauvre plume: Shakespeare collabore-t-il avec le chœur à la manière dont Eschyle lui fait dire ce que l'auteur doit écrire, et cela au point de sembler lui donner des conseils ou des ordres?

J'ai donc décidé de trancher le nœud gordien de la manière la plus simple et la plus logique, en me rendant de ce pas auprès de Shakespeare en personne afin de solliciter de sa bienveillance des éclaircissements sur la pièce; et je lui ai demandé tout à trac si les géants de Stockholm le mettaient dans l'embarras ou si, au contraire, il trouvait secours et réconfort de ce que la Suède encourage son génie. Il m'a répondu avec la candeur grandiose que j'attendais de l'auteur d'Othello:

"Mon pauvre, me dit-il, ne croyez pas que je sois l'auteur de mes pièces : c'est Clio qui me les dicte du premier acte au dernier et réplique par réplique. Il me suffit d'écouter ce qui tombe de sa bouche.

"De plus, mon personnage ne présente rien de nouveau. Imaginez Trajan, Hadrien et même Vespasien placés à la tête d'un empire en déclin et qui se demandent comment ils piloteront son agonie avec toute leur sagesse. Le jury du prix Nobel sait aussi bien que moi à quel gouvernail M. Barack Obama se trouve ligoté. Conduira-t-il le navire au cœur de la tempête qui l'engloutira ou un cadavre politique dans un port abrité?

"Si M. Barack Obama lâche du lest, il se trouvera accusé de brader l'empire, et cela d'autant plus que ses adversaires ne lui sauront aucun gré pour sa faiblesse; et s'il lève des légions et les lance dans la mêlée, on lui dira que la guerre est perdue et qu'il est vain de livrer à un carnage inutile une jeunesse qui paiera de sa vie de retarder de quelques mois seulement un naufrage non moins gravé dans le marbre de la mémoire du monde que la chute de Rome ou de Byzance ; et enfin, s'il ne fait rien, on l'accusera d'une passivité coupable, tellement un capitaine au long cours doit sombrer avec son navire, non point afin d'accompagner une carcasse inerte au fond de l'abîme, mais afin de donner une âme à une masse de fer orpheline de son maître.

"Mon personnage se présentera sur la scène d'un théâtre planétaire et accéléré. Je tiens mon épilogue : au dernier acte de la tragédie, on assistera à une rencontre dramatique du génie des Grecs avec celui des juifs et des chrétiens. Car les Anciens ont illustré avec Oedipe à Colonne ou Antigone la sagesse des sacrifiés à la grandeur de leur cité, les chrétiens ont immolé leurs victimes à l'éternité de leur esprit - et ceux-là ont donné leur vie afin que renaisse, de génération en génération, la grandeur des voyants.

"C'est pourquoi je donnerai l'ordre au chœur et au jury de Stockholm de livrer mon héros au suicide des prophètes, qu'on appelle leur sacrifice. Il me plaît que, pour la première fois sur les planches, l'engloutissement d'un empire réconcilie la fatalité antique avec la grandeur des saints de leur intelligence."

*

1 -L'avenir philosophique de la civilisation européenne

L'avenir du cerveau simiohumain se confond à son avenir politique. Cette semaine un progrès cérébral décisif a été enregistré par le laboratoire d'observation de la boîte osseuse de l'Occident : l'Amérique du Sud a accédé à la civilisation dont les jeux olympiques symbolisent et fécondent désormais la postérité planétaire de la raison grecque. Si le Vieux Continent échouait à remettre en marche l'encéphale de la planète, son destin serait scellé : il deviendrait une comparse de l'Amérique ou l'appendice folklorique d'un avenir que la Chine, la Russie, l'Inde et l'Amérique du Sud seraient appelées à polariser.

La semaine dernière, j'ai tenté de mettre en évidence trois paramètres de la géopolitique de demain: premièrement, il se trouve que l'histoire de notre astéroïde appelle un recul nouveau du regard de la raison sur un personnage de théâtre qu'on appelle, me semble-t-il, l'humanité, secondement, cet acteur est devenu planétaire au point d'enfanter une quadruple postérité, celle du siècle des Lumières, celle d'une connaissance anthropologique de l'inconscient théologique de notre espèce et de l'évolution de notre matière grise, celle de la rénovation d'un humanisme épuisé par un demi millénaire de scolarisation de sa résurrection renacentiste; car il a été découvert que l'espèce simiohumaine est construite sur le modèle tragique de trois idoles bénisseuses et tueuses. C'est dire que l'avenir de notre entendement tragiquement biphasé dépend de la capacité de l'Occident de donner à l'humain l'assise d'une problématique entièrement nouvelle.

Comme la distanciation philosophique est née avec la démocratie athénienne, une Europe dont la tête chercheuse ne serait plus socratique aurait perdu ses racines et son avenir. C'est pourquoi une révolution parallèle de la pensée politique, de la science historique et de la critique philosophique implique l'avènement d'un regard sur le spectacle dont le théâtre shakespearien facilitera la mise en scène.

2 - Comment l'encéphale simiohumain sécrète-t-il la "vérité"?

Quel destin cérébral les démocraties aux chromosomes gangrenés par le tribut de leurs sacrifices ensanglantés à la Liberté réserveront-elles aux appels à témoins que l'Amérique d'une rédemption politique désormais frelatée adresse suavement au monde entier d'aujourd'hui?

L'anthropologie critique de demain n'adoptera pas le point de vue de Sirius, mais elle enseignera à la raison l'art de déserter autrement une espèce piégée par les annonciations manquées de sa délivrance. Pour cela, elle devra apprendre que la "vérité" est toujours construite sur un réseau de signifiants et que les signifiants sont pilotés par les signaux qui les signalent à l'attention du simianthrope. C'est dire que penser revient à éclairer des signes à la lumière de la signalétique générale qui les constitue en une axiomatique, une problématique, une religion, une théorie scientifique, une esthétique, une politique. Ces carrefours de l'entendement "explicatif", donc d'une "vérité" à porter sur les fonts baptismaux d'une intelligibilité, nous apprennent que la "vérité" se présente toujours socialisée d'avance et que le philosophe est l'hérétique-né qui regarde fonctionner l'encéphale de la tribu dont il s'est évadé à ses risques et périls. Un des effets collatéraux d'une faculté cérébrale aussi dangereuse est l'ostracisme dont le fuyard se trouve frappé et dont la ciguë a symbolisé le sens anthropologique il y a deux millénaires et demi.

De nos jours, la simiantropologie socratique constate que les mythes simiohumains forgent des armures pseudo intellectuelles qui permettent aux nations modernes de sacraliser le sang que les peuples versent à leurs maîtres dans le ciel ou sur la terre. Le meurtre cultuel que l'autel proclame "racheteur" est censé effacer à titre définitif et pour solde de tout compte une dette du débiteur à un chef imaginaire du cosmos. C'est qu'un animal au cerveau dédoublé entre le séraphisme politique qui cache ses crocs d'une part et la chair dont il se nourrit, d'autre part, obéira fatalement au langage bipolarisé d'une idole dont le sceptre dichotomisé à son tour se proclamera à la fois sanglant et sanctifié. Certes, la sainteté biphasée des modernes se présente parfumée à l'encens des concepts schizoïdes que la Démocratie a assermentés et universalisés, mais le modèle de la parole scissipare à la fois immolatrice et salvifique, n'est-il pas le biblique? Comment l'anthropologie critique à venir ne tenterait-elle pas de percer les secrets du meurtre bifide, comment n'enverrait-elle pas au lavage les vêtements sacerdotaux de la démocratie biface dont le tissu est celui de l'évangélisme bénédictionnel et tueur des croisés de la Liberté?

3 - M. Barack Obama et l'art oratoire de la " politique de la vérité "

Pour tenter d'observer le mythe pseudo délivreur en tant que personnage de théâtre, il faut transporter notre histoire scolarisée et lénifiée depuis la Renaissance sur une scène où la démocratie se révèlera un acteur shakespearien; mais pour accéder à ce recul, il faut que l'anthropologue du sanglant retourne un instant sur ses pas afin de rappeler au lecteur que la parole édénisée sur l'agora est née d'une Athènes aussi meurtrière sur les champs de bataille de sa "vérité politique" que le régime oligarchique et conservateur de Sparte. Depuis ce temps-là le pouvoir populaire demeure frappé d'un mutisme sans remède: il a fallu attendre l'ascension de l'art oratoire et de son soleil dans le "ciel de la Liberté" pour observer des chefs de la "délivrance" se couronner des lauriers d'une éloquence irénique et guerrière pieusement confondues. Les tyrans sont criards ou farouchement silencieux, les patriciens s'entendent seulement entre eux et complotent à demi-mot: seule la démocratie répudie à la fois les chuchotements des oligarchies et les vaines criailleries - ou les terribles mutismes - du despotisme. Mais bientôt les cités de la Liberté changent le calibre de leur évangélisme; et l'on entend les clairons des prétoriens convier les masses à boire le vin teinté d'innocence des démagogues dont la fausse générosité ne tarde pas à sécréter un autre anesthésiant encore : l'ennui.

C'est pourquoi la Démocratie américaine, devenue guerrière depuis 1945, a réussi à théâtraliser un personnage tout ensemble nouveau et fort ancien sur les planches - l'apostolat guerrier, le messianisme armé, le glaive du salut et de la rédemption par l'intercession d'une Liberté rendue oraculaire. Mais cet acteur est schizophrène de naissance. Il bénit et il tue, il délivre et fulmine, bref, c'est un sosie du Créateur. Il faut donc tenter de fonder une historiographie qui rendrait compte des exploits et des blasons que les démocraties évangélisées par leurs guerriers de l'Egalité portent sur le pavois de leur gloire.

Comment et à quel maître le messie de la Justice qu'on appelait hier encore M. Barack Obama paiera-t-il le tribut que lui réclame le personnage religieux qu'il pilote sur la scène du monde et qu'on appelle la Démocratie?

4 - L' art oratoire et le clergé des Démocraties

La Constitution américaine exclut l'étalage des centurions et des factions. Tout l'art oratoire de M. Barack Obama est condamné à piétiner dans le jardin d'enfants du Pasteur Wright, qui lui a fait comprendre que le discours politique des démocraties doit se calquer sur le prêche et que la parole biblique permet à l'homme d'Etat efficace de glisser un évangélisme armé sous la cotte de mailles du civisme pastoral. Une catéchèse du patriotisme cuirassé s'ensuivra. Si cette initiation est habilement menée, elle nourrira les campagnes électorales des feux apostoliques de la sainteté démocratique. Puis viendra une pédagogie militaire adaptée à la culture des sermonnaires et des stratèges mondiaux de la Liberté. Cette forme messianisée de la politique protestante a permis à M. Barack Obama d'accorder pendant quelques mois de bons points aux uns et d'infliger de vertes leçons de morale aux autres. Mais un professeur du salut par la démocratisation du monde, un avocat du concept de justice et un apôtre des poignards du Bien n'est pas un savant anthropologue du théâtre de l'histoire dont le monde moderne attend les Shakespeare; il lui manque l'acteur principal, le protagoniste de la pièce, le personnage central qu'on appelle la Liberté et qui ne saurait jouer son rôle si l'homme politique ignore ses gestes, sa complexion et les paroles qu'il faut mettre dans sa bouche.

Il n'existait jusqu'alors que deux discours de la délivrance religieuse et casquée, celui des Bossuet et celui des Jaurès. Comment M. Obama fera-t-il tenir au ciel américain un discours adroitement dédoublé entre le glaive et le cierge, l'un à l'usage du peuple et de ses prie-Dieu, l'autre à l'intention d'une classe sacerdotale montée en chaire à l'école des idéaux, donc des sceptres de la Démocratie? Car l'Amérique intronise tout citoyen dans le clergé anonyme de la Liberté du monde comme l'Eglise baptise l'humanité dans l'annonciation du salut d'Adam. Du coup, le Président-citoyen se trouve, certes, dans la situation favorable de Cicéron, qui plaidait avec bonheur et assurance contre les conspirateurs et les corrupteurs devant le parterre de ses pairs au Sénat, puisqu'il pouvait mêler les accents du consul en titre à ceux du tribun populaire. Mais la Démocratie sacrificielle d'aujourd'hui ne sait plus comment tirer son missel de sa manche. Impossible de la diligenter sous la forme inaugurée par le forum et l'autel américains confondus. M. Barack Obama connaîtra donc l'échec du pilotage verbal et fatalement ambigu du mythe de la Liberté sur la scène des immolations internationales.

5 - La démocratie sacrificielle

Afin d'illustrer la double vocation - l'apostolique et la sacrificielle - à laquelle le Président sera condamné à s'exercer sous sa chape sacerdotale, observons d'avance les obstacles qu'il va rencontrer sur le champ de bataille du mythe de la Liberté. Car l'évangélisme qui enflamme la foi démocratique n'a jamais empêché les Etats et les nations de suivre les chemins fleuris et sanglants du meurtre politique. Le chapeautage irénique, mais strictement formel qui s'affiche à la tête du Conseil d'administration des Universités américaines les plus prestigieuses n'est qu'un hochet - le ciel convié à siéger à la direction de Columbia, de Princeton ou de Harvard est frappé de mort cérébrale. L'encéphalogramme plat des élites du salut par la Liberté rivalise avec celui des oies du Capitole. Dieu et son bras droit, la Démocratie, présentent sur les offertoires de leur ciel avarié autant de produits de consommation du sacré que la France compte de fromages.

Exemple: le paroissien Barack Obama s'est trouvé en délicatesse théologique avec son pasteur de couleur au chapitre du racisme américain, qui ne donne la même place aux blancs et aux noirs que dans le royaume des cieux. Par chance une Eglise catholique dresse ses murs et sa doctrine à deux pas de la Maison Blanche. Le Président décide de s'y rendre de ce pas, mais sans connaître un traître mot du culte et du credo propres à cette confession, alors que la théologie du Vatican consomme un cadavre sur l'autel, mais condamne l'interruption de grossesse.

6 - La Liberté comme personnage historique

Tentons de cerner les traits et de radiographier la psychophysiologie du personnage mythologique qu'on appelle, la Liberté : il y faut une science informée de ce qu'une religion privée d'ossature onirique, donc d'arme doctrinale n'est plus qu'un croisé dépossédé de sa panoplie. Comment la cuirasse cérébrale fêlée dont dispose M. Barack Obama relèvera-t-elle le défi qu'illustre la guerre nécessairement théologique entre la Démocratie, qui est messianique dans l'âme, et le temporel, qui ressortit seulement aux recettes de la raison pratique? On attend l'issue, pour un empire de ce bas monde, du combat du pot de terre de son œcuménisme démocratique désossé contre le pot de fer du Pentagone et du complexe militaro-industriel. On a vu M. Obama serrer la main de M. Hugo Chavez, on l'a entendu promulguer au Caire une encyclique nécessairement appelée à demeurer lettre morte : on y voyait rien de moins qu'Israël pastoralement sommé de cesser d'étendre son territoire en Judée et en Samarie les armes à la main!

J'ai déjà dit que la Liberté est un personnage théologique de type schizoïde, donc cérébralement construit sur le modèle bipolaire du dieu biphasé des chrétiens, des musulmans et des juifs et qu'à ce titre, il bénit d'une main et frappe d'estoc et de taille de l'autre, de sorte qu'un chef d'Etat qui ne dispose pas d'une simianthropologie des religions, donc d'une science de la psychophysiologie du sacré simiohumain demeure bien incapable de jamais descendre dans les coulisses du théâtre du monde dont il est appelé à piloter les arcanes.

7 - Le Vatican des démocraties

En septembre, M. Mitchell est rentré piteusement de Jérusalem ; mais ni lui, ni la Maison blanche n'ont compris pour autant que le monde entier se trompe d'échiquier, faute des rudiments d'une connaissance anthropologique de la nature et du scénario de la pièce. Comment obtenir de M. Netanyahou qu'il freine quelque peu, et seulement un instant l'expansion guerrière du peuple de David en Cisjordanie si l'on n'a découvert ni la nature, ni les ressorts réels de la représentation, ni même le théâtre sur lequel le drame se déroule d'acte en acte?

M. Barack Obama s'était pris pour le Pasteur Martin Luther King de la gentillesse évangélique sur la scène diplomatique mondiale; et maintenant, ce Gandhi des motu proprio de la Démocratie internationale se voit contraint de changer son livre de chevet - un recueil des prières de la religion de la Liberté - pour une lecture rapide des œuvres complètes de Machiavel.

Car enfin, il est clair que le pape des démocraties est demeuré le prisonnier mental du personnage onirique et spéculaire qu'on appelle la Liberté, alors que, dans le même temps, il s'agit de mettre en scène et de rendre efficace la psychophysiologie et les comportements de cet acteur, ce qui exige une radiographie post shakespearienne des agents du sacré moderne sur la scène du monde. Le Vatican des démocraties de la fausse candeur n'a-t-il pas tendu une main d'évangéliste aux musulmans sans cesser pour autant d'afficher sa pieuse intention de priver à jamais l'Iran de son évidente légitimité à conquérir sa souveraineté nucléaire face à Israël? Le Saint Siège des naïvetés de la dévotion démocratique n'a-t-il pas tendu sa crosse d'évêque de la Liberté à la sainte Russie, mais non sans se faire tirer l'oreille pendant des mois avant de priver la Pologne et la Tchéquie des missiles sanglants du Bien? La Curie d'une sainteté politique retorse n'a-t-il pas évoqué en toute innocence un Lucifer fantomal censé hanter les couloirs du Kremlin? La papauté des démocraties n'a-t-elle pas tendu un rameau d'olivier contrefait aux Africains à Accra, afin - Dieu et la Liberté font toujours d'une pierre deux coups - de renforcer l'Africom, qui dispose d'une paire de commandements installés côte à côte en Italie, celui de l'US Army Africa, dont le quartier général se trouve à Vicenza et qui double le commandement des forces navales pieusement installées à Naples?

Observez de tous vos yeux les rouages du théâtre, le théologique d'abord qui feint l'infantilisme politique et qui s'arme, le cœur sur la main, du pain bénit de la Liberté : Vicenza opère saintement sur le continent africain avec la 173è brigade aéroportée, Naples déploie les navires de guerre de la démocratie édénique le long des côtes de l'Afrique occidentale. Dans cette double configuration stratégique, le Ghana est focal : ce jardin d'innocence forme les officiers africains du centre d'études militaires fondé par le Pentagone, en particulier à Acota, où plus de cinquante mille soldats et instructeurs du Continent noir ont été dévotement formés en quelques années.

8 - L'avenir de M. Barack Obama

Tel est le quartier général d'une histoire secrètement théologique du monde et que dirige un dieu aussi bicéphale que celui des Ecritures - on l'appelle maintenant la Démocratie : les sous-marins israéliens croisent en Mer Rouge avec le plein accord de l'Egypte, qui les autorise à emprunter le canal de Suez , alors que celui-ci est interdit aux navires de guerre - il s'agit de tenir l'Iran sous le feu de Jahvé. Fournis par l'Allemagne dans les années 90, ces sous-marins, pacifiquement nommés Dolphins, sont dotés de six tubes de lancement de cinq cent trente trois millimètres, adaptés aux missiles de croisière de courte portée, mais auxquels quatre tubes de six cent cinquante millimètres ont été ajoutés pour le lancement gracieux de missiles nucléaires de longue portée, les Popeye Turbo, dérivés des missiles américains dont la société israélienne Raphaël et Loockheed-Martin ont également réalisé une version non moins redoutable pour l'aviation. En 2010, deux nouveaux sous-marins de ce type seront construits par les chantiers Howaldtswerke-Deutsche Werft AG pour mille deux cent soixante-dix millions de dollars. Ils auront une vitesse de vingt nœuds et leur rayon d'action sera de quatre mille cinq cent kilomètres . Israël dispose déjà de deux cents à quatre centres têtes nucléaires dont la puissance équivaut à quatre mille bombes d'Hiroshima et de cinquante missiles balistiques Jéricho installés sur des rampes de lancement motorisées.

Et que dire de Guantanamo, qui demeure ouvert, que dire du Honduras victime d'un coup d'Etat soutenu par la CIA et le Pentagone, que dire des sept bases militaires incrustées en Colombie, qui témoignent de la présence de l'empire en Argentine, au Chili, au Paraguay, au Brésil, en Bolivie, au Pérou, au Venezuela, en Equateur, que dire de la IVe flotte reconstituée en 2008 après avoir été désarmée, et qui, avec ses sous-marins d'attaque et ses porte-avions sillonne les mers aux alentour de toute l'Amérique latine, que dire du blocus de Cuba, qui dure depuis un demi siècle - il est condamné d'année en année par l'Assemblée générale des Nations Unies pour violer le droit international, blocus dont les conséquences pour la santé, l'éducation, les transports, le développement technologique et l'économie de l'île sont incalculables, que dire des quatre cents garnisons en Europe, toujours opérationnelles?

Ces faits figurent les prie-Dieu et les cierges de la Démocratie mondiale. La guerre des offertoires n'est pas près de manquer de victimes et de victimaires, les sacrifices de sang à la Liberté ne vont pas prendre fin de sitôt - mais peut-être Shakespeare réussira-t-il à mettre en scène les personnages théologiques masqués qui volètent dans le ciel des démocraties. Les tentatives de conciliation entre les foudres d'Israël et le messianisme démocratique mondial remettront au cœur de l'histoire le pacte que le sacré scelle avec le glaive sur la forge des millénaires. On attend le débarquement de nos trois dieux pseudo iréniques sur les planches de l'histoire, on attend le personnage de théâtre que l'encéphale simiohumain est à lui-même sur notre astéroïde.

Certes, c'est pour leur brièveté que les trêves des immolations sont connues des historiens des ciels et des sabres. Mais les constats d'huissier des historiens demeurent muets s'ils ne s'enracinent dans une psychophysiologie de l'histoire du simianthrope. Il faut apprendre à connaître les causes psychobiologiques pour lesquelles, d'un côté, le peuple de Moïse refusera farouchement de céder un pouce des territoires que Jahvé aura conquis à la pointe de l'épée de ses fidèles depuis 1948, de l'autre, les causes non moins psychogénétiques pour lesquelles ou bien le Président Obama sera assassiné , ou bien il se laissera réduire au rang d'un témoin passif et résigné de l'impuissance de l'Amérique et du monde entier à désarmer la "théologie expérimentale" du "peuple élu".

- Barack Obama en Egypte: "Je serai assassiné" , 1er juin 2009 (Section Décodage anthropologique en direct de l'histoire contemporaine)

9 - L'apocalypse mécanisée est l'arme de la paix

Les vrais hommes d'Etat de demain ne seront pas de petits gestionnaires du destin des peuples soumis à la meule des jours. Mais se montreront-ils des rénovateurs de l'âme d'une histoire qu'ils auront vocation de remettre en marche sous d'autres cieux de la raison et de l'intelligence? Qu'en est-il de la face ascensionnelle des sacrifices et de la vie agonique de l'esprit? Car l'éthique missionnaire des nations résurrectionnelles n'avait pas attendu la théologie des trois monothéismes pour entendre battre le cœur spirituel de la politique. Trajan, Hadrien, Marc-Aurèle, ont rénové la sacralité apostolique de leur temps face à un Sénat vieilli sous le harnais; et ils ont restauré la discipline messianique des légions de la Louve bien avant le ciel du Golgotha.

M. Barack Obama se trompe seulement d'époque quand il rappelle aux démocraties corrompues que la potence du salut s'est fatiguée du sang séché sur ses autels et du bois vermoulu de son gibet. Les civilisations ont les oies du Capitole dont elles méritent les cacardements. La question est donc de savoir si l'armure mentale de M. Barack Obama se révèlera un hochet ou s'il relèvera le défi des sacrifices biphasés sur l'offertoire semi animal d'une démocratie simiohumaine mondialisée. L'histoire s'est toujours présentée en victimaire des grands hommes, parce que les sacrifices illustrent leur face dédoublée aux yeux des dramaturges de la condition des évadés partiels de la zoologie Qu'en est-il de l'histoire en tant que victimaire d'Isaïe, de Socrate, de Jésus ? Quelles sont les hosties que le tribunal de l'esprit juge dignes de se trouver égorgées?

Assurément, nos pauvres échafauds disposent désormais de la vaine ubiquité de l'image et du son. Mais dans le gigantesque face à face entre les Etats de chair et de sang d'un côté et l'écoute d'un ciel en attente de ses prophètes, de l'autre, la partie sera d'autant plus inégale que le Président des Etats-Unis ne disposera d'aucun répit. M. Dick Cheney a pu défendre la torture parmi les grands sermonnaires de la Liberté au Congrès et déjà M. Obama le Docile s'est remis à l'écoute des gesticulations d'Israël sur la bombe de l'Iran, et déjà il oublie les tombeaux qui attendent l'Amérique en Afghanistan et en Irak, et déjà il s'imagine que l'économie mondiale est sortie de la crise, et déjà il oublie les cinquante mille milliards de la dette accumulée par l'occupation de la planète par mille deux cents bases militaires de son pays , et déjà il recule d'effroi devant la découverte de l'illégitimité native des empires démocratiques, et déjà il cède au Démon tentateur qui lui dit : "Fais-moi confiance, le monde entier finira bien, de guerre lasse, par avaliser la conquête de la Palestine par Israël et par absoudre le massacre de Gaza au nom des saints principes de la démocratie : fais-moi confiance, le royaume du monde m'appartient."

Mais voyez comment l'esprit de vérité apprête ses hosties : "Non, dit-il, les peuples ne sont pas transportables d'une terre à l'autre et d'un millénaire au suivant, non M. Obama, votre vrai destin est de croiser le fer sur les champs de bataille d'une autre mémoire du monde. Une révolution se prépare dans la machinerie mondiale à chronométrer le temps des horloges : si vous ne devenez un connaisseur de la boîte osseuse des siècles, vous en serez réduit à jouer le rôle d'un général d'opérette sur la scène de la démocratie mondiale."

Que se passerait-il sur la planisphère des sacrifices si la bombe atomique devenait un initiateur du singe encore en apprentissage des leçons de ses épouvantes? Certes, aux yeux des augures de la politique simiohumaine actuelle et de ses képis, les auspices ne deviendront pas défavorables de sitôt; certes, le sang des guerriers de la sottise continuera longtemps encore de suinter du corps aux yeux crevés de l'Histoire. Mais que se passera-t-il quand l'immolateur découvrira que les rouages de la mort sont bloqués, que se passera-t-il quand Israël saura que la mécanique mondiale de la terreur est menacée d'asphyxie, que se passera-t-il quand les héros de l'atome se trouveront pris à la gorge par une foudre trop gigantale pour notre astéroïde, que se passera-t-il quand le feu nucléaire retirera aux stupides matamores de leur propre trépas les glorieux apprêts de leurs champs de bataille imaginaires, que se passera-t-il quand le destin cérébral d'un chef d'Etat demeuré endimanché sur la scène d'hier fera rire de la tuyauterie ridicule de ses épouvantails mythologiques?

10 - L'homme et la peur

Pour la première fois depuis la découverte de l'héliocentrisme, nous sommes appelés à changer le regard de notre espèce de raison sur la place que l'animal devenu semi-pensant occupe dans l'univers des nains de son pauvre "connais-toi"; pour la première fois, le destin politique d'un chef d'Etat l'appelle à faire changer de théâtre à l'Histoire et à observer l'encéphale d'une bête demeurée petitement réflexive. Si Israël parvenait à parader longtemps encore en héros contrefait du faux courage d'un roi du Déluge, si ce minuscule héros s'obstinait à se cacher sous le tartuffisme nucléaire qui lui sert de cuirasse cérébrale, cet Etat n'échouera pas moins à rendre durablement infantile la raison conjuratrice d'un monde suffisamment transi et tremblant pour qu'il persévère à brûler des cierges afin d'exorciser sa volatilisation dans l'atmosphère.

Mais comment les fuyards épouvantés de leur ancêtre quadrumane entreront-ils dans une connaissance nouvelle d'eux-mêmes s'il faut des convaincre de ce que l'apocalypse nucléaire n'est pas une arme de guerre pour un liard et qu'Israël ne brandit ce hochet d'un sou qu'afin d'afficher son hégémonie politique sur quelques kilomètres carrés du Moyen Orient?

Ici encore, M. Barack Obama se trompe de braquet: il est inutile de demander aux géants nucléaires d'alentour d'abandonner leur arme de l'excommunication majeure, alors que le mythe nucléaire donne aux petits des moyens oniriques d'épouvanter des Titans, et cela le temps que grossisse le grain de raison du simianthropus theologicus. La vraie révolution est celle de l'accès à une lucidité trans-mythologique du simianthrope de type religieux. Sinon la dénucléarisation d'Hercule ne sera qu'une ruse de guerre des géants pour retrouver les avantages de leur taille sur les Etats-poussins. Si l'intelligence simiohumaine en marche n'apprenait pas à ridiculiser les foudres mouillées d'un mythe guerrier dépassé, ni la Russie, ni la Chine, ni l'Angleterre, ni les Etats-Unis, ni la France ne consentiront davantage à désacraliser leur foudre mythologique que le Vatican à rédiger une encyclique cui titulo fuerit : "De suppliciis, cruciatibus et tormentis mortuorum" afin de démontrer aux fidèles abasourdis le paganisme invétéré qui caractérise la dissuasion fulminatoire dont ils croient que leur idole des tortures infernales l'a colloquée dans les souterrains de leur foi.

11 - L'avenir de la raison

La démocratie athénienne avait réussi l'exploit d'assurer les premiers pas d'une dialectique rudimentaire, mais appelée à briser bientôt son berceau. Puis la révolution chrétienne était parvenue à disqualifier les dieux en chair et en os avant de subir la catastrophe d'en retrouver le spécimen tout neuf que Rome a mis à l'école de l'incarnation de Zeus en une progéniture miraculée. Mais la bombe atomique, elle, enfantera le premier regard de l'anthropologie scientifique sur le créateur cyclopéen dont la folie avait construit le prototype des immolations modernes - le Déluge. Quand la raison en herbe de notre espèce se sera mise à l'école de sa Pythie naturelle, la logique et quand une éthique métazoologique accompagnera notre lente mutation cérébrale, une transformation qualitative de l'entendement vagissant de notre espèce ne tardera pas à s'ensuivre.

Mais, encore une fois, la scène se nourrit d'évènements, encore une fois, il faut des acteurs physiquement présents sur les planches, encore une fois, il faut un auteur en chair et en os pour assurer d'acte en acte le déroulement de la représentation. Par bonheur, le 22 septembre 2009, le destin a conduit M. Barack Obama au rond point du tragique et de l'aveuglement qui lui interdira de se dérober au choix entre l'offertoire et la débandade, le gibet et la poltronnerie, la potence et la fuite; car ce jour-là, il a bu en public la ciguë de la cécité dont l'histoire ne cesse de tendre la coupe aux hommes d'Etat. Souvenez-vous: toute l'Amérique l'a vu seul et désemparé face aux caméras devant lesquelles M. Netanyahou et M. Mahmoud Abbas ont refusé de figurer à ses côtés, le monde entier a assisté, médusé, à l'humiliation planétaire d'une nation géante hier encore et tout subitement devenue trop naine pour ordonner à Israël de renoncer, même pour quelques jours, à la conquête des terres que le dieu biblique aurait remises, dit-on, en mains propres à ce peuple il y a quelque trois mille ans. Quel miroir de la démocratie mondiale que celui dans lequel on a vu la Liberté donner pour maître à la planète un pygmée de Jahvé!

Alors M. Mahmoud Abbas a regardé le Goliath au fond des yeux; et sa voix s'est faite suave pour laisser tomber ces mots mémorables: "Puisque tu ne saurais ordonner au dieu d'Israël qu'il cesse de combattre les armes à la main en Judée, puisque David et sa fronde t'interdisent maintenant de seulement retarder de quelques jours la marche triomphale d'Israël sur cette terre, qui croira jamais que j'obtiendrai de cette idole le trophée d'un retour des miens dans leur patrie?"

Mais quelques jours plus tard, Shakespeare a mis le sceau de son génie sur le théâtre du monde; et le traître Iago a été démasqué. Car le colonel Eli Avraham a diffusé devant l'Autorité palestinienne un enregistrement sur son téléphone portable dans lequel Mahmoud Abbas tentait de convaincre le Ministre Israélien de la guerre, Ehud Barack et la Ministre des affaires étrangères Tzipi Livni, de poursuivre l'assaut contre Gaza. Du coup, Tel Aviv a obtenu du Laval palestinien qu'il renonce à demander la comparution d'Israël devant le Tribunal pénal international pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, alors que le rapport Goldstein établit le bombardement de quartiers civils, l'utilisation d'obus à dispersion de fléchettes et de phosphore blanc contre des cibles civiles, le bombardement de mosquées et d'écoles, l'interdiction aux équipes de secours de soigner les blessés, le meurtre de civils hissant des drapeaux blancs, le recours aux boucliers humains.

L'heure a sonné, pour M. Barack Obama, de connaître le temps de la honte ou de la gloire; l'heure est venue de sa pleine et entière liberté de s'engager dans une voie ou dans l'autre autre, à la manière du pasteur Martin Luther King, qui aurait pu consacrer tranquillement sa vie à se protéger des balles qui déposent sur la tete des hosties la tiare qu'on appelle un destin.

12 - Epilogue

Le 1er juin 2009, j'avais laissé en suspens la question de savoir si M. Barack Obama choisira la fuite ou l'étal, la capitulation ou l'immortalité, la relégation dans les oubliettes de l'histoire ou la gloire des crucifiés. Et voici que le jury du Nobel entre en scène, voici qu'il se joint aux acteurs de la pièce, voici qu'il se métamorphose en un héros de Shakespeare, voici qu'il pose sur la tête de la victime la couronne symbolique du sacrifice. Décidément, le destin choisit avec soin ses personnages: offrir un rameau d'olivier à un Président des Etats-Unis à l'aube de son mandat, c'est rien de moins que de lui signifier sa vocation et sa mission. Mais déjà, le porteur du flambeau se trouve bâillonné, ligoté et couvert de chaînes.

Il aura suffi de cent cinquante jours à Clio pour serrer le garrot du sacrifice sur la gorge du Martin Luther King de la politique internationale. Ou bien M. Barack Obama convertira la démocratie mondiale à capituler devant Israël, ou bien il boira la ciguë des résurrecteurs. Mais comme le poison à tuer les prophètes ne fait plus partie des instruments de torture à la mode, le débat porte, désormais, sur la marque du couteau à mettre entre les mains du victimaire. La pendaison a fait son temps, la hache du bourreau est au musée, la chaise électrique est en pleine déconfiture: il ne reste au meurtre sacré que le browning du justicier qui jaillira de la foule et abattra à bout portant l'ennemi de Jahvé.

Laissons M. Barack Obama choisir entre l'offertoire et le chant berceur des Sirènes. Nos poulets du sacrifice sont devenus trop gras du gosier. Il est des heures où Socrate ridiculise les dieux auxquels les oies du Capitole prêtaient leurs poumons.

Le 12 octobre 2009

Voir le site Officiel : http://www.dieguez-philosophe.com/

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