Suite & fin - "Histoire du cerveau de la France"
14 - Une politique des encéphales
Messieurs les chefs d'Etat, ne croyez pas que la science de l'homme progressera sans que l'abîme entre les savoirs traditionnels et les savoirs nouveaux ne mette en péril les vérités que vous avez convenu de parquer depuis des millénaires dans l'enceinte de votre "sens commun". Car la philosophie est une discipline politique. Depuis Platon elle ne cesse de vous rappeler que la spécificité de la raison dite politique est de qualifier de vrai ce qui se révèlera profitable un instant à une population et à des dirigeants aveugles, tandis que la science et la pensée séparent fermement le vrai des fruits de l'imagination délirante des ignorants et des sots. Mais laisserez-vous ces ignorants et ces sots se présenter sous le vêtement des Etats, ou bien l'incompatibilité de nature entre la définition philosophique et la définition religieuse et politique du vrai et du faux vous rappellera-t-elle qu'elle régit l'histoire des semi évadés du règne animal depuis les temps les plus reculés ? Telle est la raison pour laquelle toute la question est désormais de se souvenir que, sur le long terme, la vérité des philosophes est politiquement plus profitable aux Etats que leurs erreurs et les vôtres confondus.
Certes, le discours de l'erreur s'est tout de suite révélé plus convaincant que celui de la vérité à vos yeux, parce qu'il est plus agréable aux nations et à leurs dirigeants d'entendre le chant des Sirènes des rêves et de la folie de l'humanité que de goûter aux aliments amers de la connaissance rationnelle . Mais en parcourant vos expositions des dieux d'hier et d'aujourd'hui, j'ai remarqué que vous ne savez pas si les peuples supporteraient de perdre les rites sacrés qui leur permettent d'apprivoiser la mort et si vous demeureriez des hommes politiques "responsable", comme vous dites, dans le cas où vous tenteriez de quitter le royaume des fantasmes et des sortilèges qui embrument et rassurent le cerveau des théophages. Mais sachez que ce serait votre politique de la responsabilité républicaine qui courrait au naufrage si vous remettiez la démocratie à l'école des prêtrises et des exorcismes du passé.
Souvenez-vous du siècle d'Archimède. Les derniers Grecs avaient inventé les paquebots géants, les machines de siège titanesques, la vis sans fin, la monnaie fiduciaire, la lettre d'amour, la galanterie, les parfums, le crédit bancaire ; ils n'ont oublié qu'un détail, la tâche d'approfondir leur connaissance de l'homme. Alors, l'immoralité croissante des peuples et de leurs dirigeants a conduit une humanité désemparée par son ignorance à se prosterner le front dans la poussière; et notre espèce a connu quinze siècles d'agonie des sciences, des lettres et des arts, parce qu'il lui fallait retrouver au préalable les vertus élémentaires d'honnêteté, de droiture et de courage qui seuls font tenir debout les Etats nantis de gigantesques mécaniques.
Savez-vous que saint Augustin n'en revenait pas de voir flotter un vase de plomb, savez-vous qu'il attribuait à la volonté de Dieu que le bois pourri sombrât? Certes, l'ignorance antérieure à Archimède, vous la conjurerez aisément, mais non celle d'une laïcité qui ne disposera plus des temples que vous aurez peuplés des statues de vos idoles verbales. Messieurs les chefs d'Etat, le tronc de votre arbre de la connaissance s'est desséché. Si vous ne vous demandez pas pourquoi Dieu est de retour, pourquoi nous avons des satellites et des croix, des bombes nucléaires et des chapelets, des calculettes et des cierges, des stimulateurs cardiaques, mais non des cardiologues de "Dieu", l'abîme entre les savoirs et l'ignorance des peuples ne cessera de se creuser. Alors, il vous faudra vous résigner à construire les laboratoires les plus dangereux, ceux dans lesquels vos philosophes vous contraindront à peser les fruits de votre folie.
voir : Gaza, cœur de la folie du monde, 18 janvier 2010
Le8 février 2010
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http://www.dieguez-philosophe.com/
- "Histoire du cerveau de la France" par le Philosophe Manuel de Diéguez, un de nos grands maîtres -
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