Tribunes de Philosophes

"Gaza, coeur de la folie du monde" par le Philosophe Manuel De Diéguez, un de nos grands Maîtres !

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"Moi, la folie, je parle. Ce n'est plus le temps des miracles. Enseigner le peuple, quelle fatigue. Expliquer, cela pue la crasse de l'école. " Erasme, L'Eloge de la folie.

1 - " Moi, la folie, je parle " (Erasme, l'Eloge de la folie)

Saluons le génie de l'humaniste cervantesque, swiftien et kafkaïen avant la lettre dont l'audace incroyable en son temps lança le délire à la conquête du monde sous les traits d'un personnage en chair et en os, saluons l'acteur planétaire de la modernité qui disait: "Moi, la folie, je parle."

Comment la folie parle-t-elle de nos jours?

Pour tenter de l'apprendre, descendons l'escalier qui conduit dans les souterrains de la démence politique. Le grand Hollandais a publié son Eloge de la folie en 1509. Aucune commémoration solennelle n'a rappelé, en 2009, le cinq centième anniversaire de la parution de l'œuvre la plus célèbre du roi des humanistes, ce qui démontre, s'il en était besoin, que les grandes œuvres demeurent tellement actuelles que personne n'ose les enterrer sous les applaudissements unanimes des bien-pensants qui, eux, ne changent pas de nature d'une époque à l'autre. Aussi cette œuvre immense demeure-t-elle largement incomprise. L'audace littéraire de faire prononcer son propre panégyrique à la folie ne trouvera son écho que chez Kafka. Mais, ce que nous entendons en filigrane de l'Eloge de la folie en ce début du IIIe millénaire, c'est le miserere de la sagesse et de la raison du monde, c'est le heurt entre deux musiques de la politique, car la guerre des faux croisés de la Justice et de la Liberté reproduit le contraste érasmien entre les évangiles et un Saint Siège alors belliqueux.

L'île d'Utopie de Thomas More , paru en 1516, se présente comme une réponse indirecte et vigoureusement évangélique à la prosopopée érasmienne de la dérision. On sait que le titre grec d'Eloge de la Môria est un clin d'œil discret au futur décapité auquel l'Eloge est dédié, parce que la folie se dit môria dans la langue d'Homère et que les deux amis plaisantaient souvent sur le double sens du patronyme du grand Anglais. C'est que la folie scelle une alliance étroite avec l'utopie ; et, pour les hellénistes, "l'île d'utopie" signifie rien de moins que "l'île de nulle part". Mais pourquoi les utopies politiques et religieuses d'une humanité égarée dans les airs se cherchent-elles un ancrage, pourquoi, depuis la cité idéale de Platon jusqu'au christianisme originel et au marxisme, l'absence de tout atterrissage hante-t-elle la folie d'une humanité privée des récoltes et des engrangements topographiques qu'elle attend de ses songes?

Le mutisme de la presse et des médias français, relayé par celui, moins massif, de la presse mondiale sur le mur d'acier en construction autour de Gaza a pris des proportions érasmiennes aux yeux de l'historien pensant et de l'anthropologue d'avant-garde, qui se trouvent tout étonnés de se vêtir non seulement en Sherlock Holmes de la géopolitique, mais en spéléologues de Clio, afin de tenter de relever les traces laissées dans la poussière par la logique qui commande les verdicts de la fatalité. Car, sous les sentiers du destin, des vestiges du tragique et de la folie décrits par Erasme se tiennent en embuscade. Du coup, les Eschyle et les Shakespeare de la démence prêtent comme jamais leurs télescopes et leurs microscopes aux scribes et aux greffiers des acteurs les plus puissants et les plus invisibles de la pièce.

Peut-être le thème de la folie du monde, qui remonte à Saint Paul, appelle-t-il la France à retrouver son territoire de "nulle part", peut-être l'heure est-elle venue, pour la nation de la liberté, de retrouver l'utopie d'un royaume de la Justice qui a donné son âme à l'humanité; car si la démence a pris la plume au début du XVIe siècle, c'est afin de demander au XXIe siècle d'élever l'intelligence politique au rang d'un glaive de la folie spirituelle dont l'esprit se nourrit.

2 - La dichotomie cérébrale des fous

Que le narrateur au petit pied se rengorge: il a vu M. Barack Obama échouer piteusement à convaincre Israël de lâcher un seul instant la poignée de son glaive . Comment un conquérant digne de ce nom cesserait-il, ne serait-ce que pour quelques jours d'étendre son territoire les armes à la main? Mais quelle scène digne de L'Eloge de la folie que celle d'un Président de la plus puissante démocratie de la planète dans le rôle du suppliant monté sur les planches du théâtre du monde pour demander à M. Mahmoud Abbas de se résigner à négocier tout seul avec son puissant exterminateur et de désarmer solitairement et la main sur le cœur un peuple de prédateurs armé jusqu'aux dents!

Mais s'il suffisait au mémorialiste du sceptre de la folie de raconter à son gentil lecteur une gentille histoire de la folie de "bécarre et de bémol", disait Pantagruel, où serait la difficulté? Certes, depuis longtemps, le délire a livré ses secrets à la littérature, certes la démence est entrée dans l'épopée avec l'Ajax d'Homère, certes, un certain Espagnol s'est illustré sur tous les continents et dans toutes les langues de la terre à peindre les malheureux dont la noblesse a basculé hors de l'arène du monde, certes, Swift n'est pas demeuré en reste, lui qui a porté la folie à la fresque. Mais Sherlock Holmes est mis à quia par la dichotomie cérébrale qui fait tonitruer M. Barack Obama contre Israël, dont le crime, à l'entendre, se rabougrirait à expulser quelque sept cents habitants de plus de Jérusalem Est, Sherlock Holmes donne sa langue au chat quand M. Bernard Guetta prend apparemment le relais du schizoïde de la Maison Blanche et condamne à son tour et avec force la poursuite ratatinée de la colonisation israélienne , Sherlock Holmes ne sait plus à quel saint se vouer quand M. Kouchner le biphasé se précipite à Jérusalem afin d'absoudre, tout au contraire, le prédateur d'un péché indigne de l'attention du monde civilisé, Sherlock Holmes jette l'éponge quand Israël réitère son coup de force à Jérusalem Est et que le Jupiter bipolaire du bureau ovale fulmine derechef et le plus évangéliquement du monde, mais sans plus de succès, puisque le diable qui le tient part la manche a déjà accordé sa bénédiction aux nouveaux saints de Jérusalem.

Isaïe prendra-t-il la relève des apôtres de la béatitude des fous de la démocratie? Ne faut-il pas rendre les armes quand saint Obama encercle Gaza d'un mur d'acier sourcilleux, ne faut-il pas couronner sa Majesté, la folie, quand le roi de la Liberté du monde renouvelle pour dix ans le versement charitable de trois milliards de dollars annuels à Israël? Décidément, il faut convaincre la raison du monde de battre précipitamment en retraite quand M. Karl Bilt, le Président pour six mois de l'Europe polycéphale condamne à son tour et solennellement l'expansion dévote d'Israël et publie, une semaine seulement plus tard dans Le Monde une interview lénifiante, dans laquelle il revient en toute hâte sur ses pas et s'applique à réduire Mme Ashton à la fonction de femme de ménage de l'Europe. N'est-elle pas coupable d'avoir repris à son compte devant le Parlement européen les thèmes bifides développés par M. Obama et par M. Bilt quelques jours seulement plus tôt? Décidément, L'Eloge de la folie d'Erasme et L'île d'Utopie de Thomas More ont rendez-vous avec les moutons de Panurge, décidément, la flotte pantagruéline n'a pas jeté l'ancre sans malice dans l'île de Médamothi, cet autre nom de "nulle part" en grec.

3 - Où le mystère s'épaissit

Rappelons un instant ma plume d'instituteur aux embarras des Conan Doyle de la politique. Cet auteur de romans policiers semble nous mettre sur la piste; car il nous raconte un épisode énigmatique de cette histoire, à savoir que Mme Livni s'est ruée de Tel Aviv à l'Elysée pour demander à M. Sarkozy qu'il coupe la langue à l'imprudent M. Bilt et à l'atone Mme Ashton. Mais Conan Doyle nous dira-t-il comment les asilaires rebattent les cartes sans relâche, où se cache le vrai maître de l'hospice, quel est le nom de l'hôpital, qui donne aux aliénistes le pouvoir extraordinaire de changer d'une heure à l'autre la mise en scène de la pièce ? Comment départager le roman policier du roman politique dans les coulisses du théâtre qu'on appelle l'Histoire?

Prenez l'épisode de la marche des volontaires du monde entier sur Gaza le 27 décembre dernier et l'épopée des camions destinés à secourir les affamés. Par qui et comment M. Mandela et Mgr. Desmond Tutu ont-ils été empêchés de tenir leurs engagements et de se joindre à l'expédition? Qui a demandé et obtenu de M. Jimmy Carter, ex-Président des Etats-Unis et prix Nobel de la paix qu'il présentât des excuses au Tamerlan de Gaza en échange de l'élection de son petit-fils à un siège de sénateur ? Comment l'auteur d'un roman aussi énigmatique a-t-il disposé les pièces sur l'échiquier érasmien afin que la folie du monde, dont on s'échine à mettre à nu les ressorts depuis l'Ecclésiaste et le Livre de Job, dévoilât ses mystères et que les plus fins limiers des arcanes de la civilisation de la Liberté eux-mêmes demeurassent bouche béé devant le basculement des journaux, des chancelleries, des radios et des télévisions du monde entier dans un silence aussi subit?

4 - Comment diagnostiquer la folie ?

On savait depuis longtemps que notre espèce habite un asile et qu'un délire universel y chante sa propre gloire avec les accents mêmes du droit et de la justice, de la foi et de la liberté, de la vérité et d'un ciel dont vous connaissez les écrits de ses trois propriétaires. Mais Erasme nous a fourni les clés qui ont permis à nos aliénistes de diagnostiquer le délire de tous les siècles. Aussi nos Etats et nos Eglises se sont-ils aussitôt reconnus sous le pinceau du maître, tellement les symptômes de la maladie étaient clairement et minutieusement décrits. C'est qu'en ces temps reculés, non seulement les bien-portants reconnaissaient encore les fous au premier regard, mais les fous eux-mêmes découvraient leur pathologie à la seule lecture des signes les plus spectaculaires de leur démence. La drogue qui enfantait ce miracle, on l'appelait le rire; et le rire était tellement guérisseur que tout le monde en appelait à la trousse de ce premier médecin de la folie du monde. Mais maintenant, personne ne rit plus, et toute la difficulté des spectateurs de la tragédie est de dénicher un homme de l'art suffisamment expert en insanités pour attirer l'attention des malades sur leur état.

Qui est demeuré sain d'esprit et qui a perdu la raison? La science médicale a égaré le thermomètre du XVIe siècle dont le grand Batave s'était servi pour mesurer le degré de folie des patients à seulement prendre leur température. Aussi, l'auscultation qui décide du panier dans lequel il convient de ranger les diagnostics en faveur des uns ou des autres, repose-t-elle désormais sur le seul décompte de la majorité des opinions, de sorte que le calcul de la proportion des sages et des fous au sein d'une population déterminée dépende du hasard qui fait pencher la balance des verdicts à l'avantage des fous ou des sages.

Mais comment départager les têtes dérangées des têtes en bon état de marche si l'enregistrement des voix fait sans cesse passer les verdicts de la raison du camp d'Erasme à celui de la folie à laquelle il avait donné la parole? C'est ainsi, comme il est dit plus haut, que M. Obama s'indignait fort des exactions du voleur à Jérusalem, mais protégeait dès le lendemain ses rapines à Gaza. Voici donc que le clinicien d'un vaste empire a cessé à son tour de distinguer les malades des bien-portants, voici qu'un médicastre hissé au rang de chef d'Etat livre au chaos le peuple et la nation dont il est chargé de piloter l'encéphale, voici que l'Hippocrate dont la balance même pèse non point la maladie, mais le nombre des malades, donne raison à leurs régiments s'ils sont plus serrés que ceux des sages.

Au XVIe siècle, tout le monde voyait clairement que Dieu et son Eglise étaient devenus fous à lier, tellement chacun comprenait encore qu'il était dément de transporter à la pelle les riches au paradis pour le saint motif que leurs cassettes bien pleines leur permettait d'acheter leur félicité éternelle à prix d'or. Et maintenant, M. Barack Obama prend simplement la tension de sa propre popularité pour précipiter à l'asile la minorité non délirante de sa population selon l'adage de la folie qu'Erasme avait rappelé: "Ut homines sunt, ita morem geras" - "il faut prendre les hommes tels qu'ils sont".

Aussi voit-on se dessiner sur la rétine de la Maison Blanche les traits du fou de la démocratie mondiale, aussi le voit-on délivrer du Purgatoire un guerrier couvert de sang, aussi regarde-t-on avec des yeux dessillés le fou qui tape sur les doigts d'un petit délinquant pris en flagrant délit de chasser de leurs demeures les habitants d'une capitale qu'il cambriole maison par maison , puis le fou en chef, le fou porté par la folie à la tête de l'Etat le plus puissant de la terre hisse au ciel de la démocratie mondiale un assassin déguisé en évangéliste et en pédagogue de la Liberté du monde.

5 - Retour à la science politique

Personne ne savait plus quel Esculape de la boîte osseuse de l'humanité il fallait consulter, quels analystes du pouvoir politique au sein des évadés du monde animal diagnostiqueraient à coups sûr la nature de la maladie, parce qu'on cherchait en vain la balance dont les plateaux pèseraient le degré de gravité de l'infirmité cérébrale qu'illustrait la personne même de M. Obama. N'avait-il pas prononcé au Caire, le 4 juin 2009, un discours fort sensé, dans lequel il avait exhorté les musulmans, les juifs et les chrétiens à partager l'apostolat démocratique dont il se proclamait le missionnaire et à soutenir avec la sainte ardeur des évangélistes du globe terrestre son combat pour la prospérité et pour la puissance d'un empire de héros du salut?

Réfléchissez un instant, disaient les politiques les plus chevronnés de la planète et cessez de vous imaginer sottement que la science médicale serait appelée à vous éclairer sur la folie ou sur la santé du monde en général et de M. Barack Obama en particulier. Si vous passez du rêve à la saine pesée des pouvoirs qu'exerce tout chef d'Etat en ce bas monde, comment pouvez-vous croire qu'un tel personnage se livrerait de sa propre volonté à la faiblesse et au chaos ? S'il affecte de jouer à l'instituteur vertueux dans le bureau ovale de la Maison Blanche, si son art de la feinte va jusqu'à annoncer aux journaux de la planète entière qu'il désapprouve les exploits d'un petit monte en l'air à Jérusalem Est, et si, dans le même temps, vous le voyez aider le tueur à construire un mur d'acier autour de Gaza afin d'affamer les survivants d'un gigantesque camp de concentration, vous pensez bien qu'il n'est plus un homme politique et qu'il est illusoire de placer un fantôme au timon des affaire du monde.

Mais alors, voici que les Sherlock Holmes de la politique redressent la tête: et il nous faut revenir la queue basse à l'observation des embarras qu'ils rencontrent sur le terrain. Comment se fait-il que leurs difficultés de gestion ne soient pas moins titanesques que celles des thérapeutes de la folie tout court ? Comment expliquent-ils l'alliance qu'Israël a conclue avec le parti républicain, comment se fait-il que tous deux combattent maintenant la politique de la main tendue de M. Obama en terre d'islam, comment se peut-il que les nationalistes américains entendent désormais ruiner les intérêts de l'empire à long terme dans tout le monde arabe ? Certes, il n'est pas de candidat à une parcelle de l'autorité publique au sein de l'Etat américain qui ne fasse l'objet d'une vérification préalable et minutieuse de son orthodoxie au chapitre de ses relations avec le patriotisme sioniste d' Israël. Mais de là à comprendre les ressorts d'une conspiration anti nationale et anti patriotique de la droite américaine au profit d'un Etat étranger, il y a loin. Peut-on trahir son pays aveuglément et sans le savoir?

Et puis, pourquoi le cadavre politique de M. Barack Obama bouge-t-il encore ? Pourquoi le voit-on tressauter, pourquoi le voit-on se livrer à des convulsions et à des soubresauts d'une pathétique impuissance, puisque ses ultimes gesticulations et remuements ne font que mettre davantage en évidence soit son état mental désespéré, soit son autorité politique naufragée ? On n'achète pas davantage le royaume des cieux de la démocratie idéale à l'école des hérétiques du mythe de la Liberté que le royaume du ciel des Eglises du Moyen Age ne se laissait mettre aux enchères des prévaricateurs qui vous demandaient d'acquitter rubis sur l'ongle les bons du Trésor émis par la banque de l'Eternité.

6 - L'étau de la folie se resserre

Mais la question tant politique que cérébrale posée au XXIe siècle par l'Eloge de la folie d'Erasme nous conduit à une plus grande profondeur encore de l'anthropologie critique : il s'agit de savoir s'il convient de réfuter l'adage de Socrate selon lequel l'ignorance serait la source de tous les maux ou s'il faut, non point le remplacer tout d'une pièce par l'axiome qui verrait dans la sottise l'origine commune de tous les désastres cérébraux et politiques confondus, mais s'il conviendra d' analyser la généalogie commune de l'ignorance et de la bêtise et de se résigner à étudier les relations que ces deux formes de la folie entretiennent à la lumière d'une science expérimentale du politique, donc d'une discipline vérifiable à l'école des évènements.

Certes, les traités de la bêtise sont rarissimes, ignorés du grand public et le plus souvent d'une légèreté d'esprit aussi coupables que le mal qu'ils prétendent dénoncer. Mais voyez comme l'ignorance et la stupidité font alliance au Moyen Orient. Est-ce par ignorance ou par sottise que M. Obama croit sans doute que la domestication ou même la destruction de Gaza feront avancer d'un pouce la question dite "des deux Etats", alors que la politique du monde entier repose sur un faux diagnostic? Si ce n'était Gaza, ou l'Iran ou le Hamas qui faisaient figure d'obstacle à la "solution du problème palestinien" , Israël recourrait à d'autres leurres, simulacres et faux- fuyants, parce que cet Etat a vocation de s'étendre, comme ses confrères, et de conquérir, l'épée d'une main et l'évangile démocratique de l'autre, tout le territoire qu'il pourra - et cela jusqu'à ce qu'une force supérieure à la sienne le contraigne à battre en retraite.

Mais comme la légitimité de cet Etat demeurera à jamais indéfendable en droit international, donc par nature et par définition, puisqu'une démocratie fondée sur la fierté d'avoir aboli la colonisation à l'échelle de la planète ne saurait, dans le même temps la ressusciter d'un seul élan au profit et à la gloire d'Israël, la vraie question sera seulement de savoir quel type d'alliance de l'ignorance avec la sottise permettra au monde entier de se refuser d'examiner les désastres politiques auxquels ce refus conduira fatalement la planète des apôtres de la folie.

7 - " On commence par se faire duper et l'on finit en fripon " (Erasme)

Il sera bien évidemment bien impossible de jamais obtenir d'Israël qu'il accueille à bras ouverts trois générations de réfugiés politiques dans son sein, bien impossible de jamais obtenir qu'il se replie dévotement sur ses frontières de 1967, bien impossible de jamais obtenir qu'il renonce béatifiquement, donc au nom des idéaux de la démocratie, à redonner son statut de capitale et de cœur de son identité biblique à Jérusalem, bien impossible de jamais obtenir qu'il se flanque gentiment d'un Etat palestinien aussi libre et puissant que lui-même, bien impossible qu'il perde le sot prestige attaché au feu inutilisable de l'apocalypse.

Dans ces conditions que fera l'empire américain pour rendre durable le vain escamotage diplomatique d'une aporie de nature psychogénétique? Comment combattra-t-il son propre enfermement dans une sainte hypocrisie et une cécité d'innocent aux mains pleines? Comment persévèrera-t-il à brandir sans relâche l'étendard et le totem de la Liberté, de la Justice et du Droit sur la planète entière s'il lui faut se placer aux côtés d'un Etat qui ne cessera, de son côté, de bafouer les utopies apostoliques d'une humanité de nulle part?

A tout cela, il n'existe qu'une seule solution : égarer le plus longtemps possible l'attention du monde et pour cela, fortifier sans cesse sa puissance guerrière à l'échelle de la planète des sots. En vérité, la solide alliance de l'ignorance avec la sottise est d'ores et déjà conclue: au prix de trois cent milliards de dollars par an seulement, on construira cinquante cinq navires de guerre ultra modernes, qui permettront, croit-on, de régner à jamais sur toutes les mers du globe.

Mais le pacte que l'ignorance scelle avec la bêtise n'est pas un vice nouveau et qui débarquerait de nos jours sur la terre: pour refuser de comprendre que la ruine financière est un cratère dans lequel on va immanquablement se précipiter, il faudra recourir au ligotage d'un Etat à sa propre cécité; il faudra dresser devant les yeux de la nation des obstacles politiques qu'on se sera appliqué au préalable à rendre de plus en plus insurmontables; il faudra livrer une guerre suicidaire à l' intelligence dont dispose d'ores et déjà le reste de la planète. Ces auto-ficellements, ces auto enchaînages et ces auto verrouillages, comment s'interdire de jamais les regarder en face, alors qu'il suffit d'ouvrir les yeux pour les apercevoir?

Pour l'instant, Israël demeure le roc d'un aveuglement contre lequel toute sagesse et toute lucidité sont appelées à se briser, parce que le globe oculaire de l'ignorance et de la sottise confondues est dans la folie d'avoir ramené sur les lieux les vaincus de Titus. Faut-il que la science politique mondiale soit demeurée ignorante et inexpérimentée pour n'avoir pas prévu les désastres de la sottise qui s'ensuivraient et qui s'enchaîneraient les uns aux autres avec une logique implacable!

Pour l'instant, les trémoussements et les soubresauts dont M. Barack Obama nous présente le douloureux spectacle ne sont que des symptômes de la maladie mortelle qui achèvera le malade. Mais les vrais diagnostics sont aussi des pronostics. Il appartiendra à l'oracle de la fatalité de désigner ses proies.

8 - La démocratie et la logique ptolémaïque

Peut-on suivre pas à pas le cheminement de la cécité semi inconsciente et en diagnostiquer les sources psychobiologiques? Pour le tenter, observons les réflexes d'auto-défense innés dont use l'encéphale de notre espèce et les procédés traditionnels auxquels elle recourt d'instinct afin de conserver ses trésors cérébraux rouillés; et pour cela, voyons comment l'astronomie de Ptolémée, qui faisait eau de toutes parts, a résisté pendant des siècles à celle de Copernic, puis comment un créationnisme mythologique par définition a pris la relève de l'exorcistion des preuves de l'évolutionnisme darwinien.

Dans son célèbre Système du monde, Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic en dix volumes publié en 1914 et réédité entre 1958 et 1965, Pierre Duhem, membre de l'Institut, alléguait encore qu'une vraie physique devait se contenter de "sauver les apparences" et que les calculs de Ptolémée se trouvaient pleinement légitimés à conserver le précieux spectacle d'un soleil tournant autour de la terre qu'attestent à la fois les yeux et les saintes écritures. De même le créationnisme ne s'est laissé arracher que peu à peu des concessions qui fendaient le cœur des croyants. Le 23 octobre 1996, Jean-Paul II a fini par déclarer que l'évolutionnisme est "davantage qu'une hypothèse"; mais il s'est bien gardé de préciser où passait la démarcation entre des allégations religieuses et une science que son statut ambigu situerait quelque part entre une mythologie sacrée et des vérifications expérimentales soutenues par les télescopes des astronomes. C'est qu'il fallait ménager tout ensemble la foi des croyants et le témoignage des instruments d'optique des scrutateurs des étoiles. Pourquoi cette distorsion entre les preuves magiques et les victoires du raisonnement sur les faux témoignages des sens? C'est qu'une espèce coulée dans le moule du sacré craint de perdre une forteresse cérébrale qui la rassure et dans laquelle elle se love à son aise.

Or, l'analyse psychologique de l'évolution de la prise de conscience progressive de ce que l'erreur politique d'Israël est de type ptolémaïque se calque exactement sur le modèle de la folie dont les résistance à l'adopion de l'astronomie de Copernic ont fourni l'exemple et auxquelles le refus des thèses sur l'origine des espèces de Darwin ont fourni le pendant: dans les deux cas, le sujet refuse avec une violence d'origine psychogénétique de perdre une demeure mentale jugée confortable et devenue vraie de passer pendant des siècles d'une génération à la suivante. C'est ainsi que, d'un côté, la démocratie des fous veut sauver la cassette d'un droit international bicentenaire et fondé sur la souveraineté des peuples - donc sur la légitimité de leur statut de défenseurs naturels du pouvoir des adultes de disposer d'eux-mêmes, et par conséquent de conserver le territoire de leurs ancêtres - de l'autre, les mêmes apôtres des droits de l'humanité veulent canoniser un Etat qui conteste aussi radicalement les fondements de la civilisation moderne que le géocentrisme biblique entendait réfuter l'évolutionnisme.

Malheureusement pour l'Etat hébreu, les défenseurs des convictions scripturaires du peuple juif se trouvent contraints de battre en retraite. Comment se fait-il que leur pré carré se rétrécisse comme une peau de chagrin ? C'est que la logique démocratique ne fait pas davantage de quartier que la logique mathématique. Elle ignore autant le débat sur le statut d'une hypothèse pseudo démocratique que sur le sexe des anges : à la fin, Euclide tranchera la question et dira que la démocratie est aussi incompatible avec les principes de la colonisation que la géométrie à trois dimensions avec des arpenteurs qui prétendraient réfuter le théorème selon lequel la somme des angles d'un triangle fait cent quatre-vingts degrés.

La topographie démocratique véritable a rendez-vous avec le théorème de Pythagore qui la fonde; mais il faudra verser le sang, hélas, pour que l'héliocentrisme démocratique l'emporte sur le géocentrisme israélien, parce que l' enjeu réel n'est pas de nature mathématique, mais de nature anthropologique: si imparfait et inachevé qu'il demeure, l'encéphale humain d'aujourd'hui ne se partage plus entre deux logiques incompatibles entre elles.

9 - Et la France ?

Quel sera le rôle de la France dans cette guerre mondiale entre la raison et la folie? Le drame d'origine, donc de nature psychogénétique qui sous-tend l'âme et la raison de la science politique depuis que notre encéphale a quitté la zoologie est dans la difficulté de décider sur le terrain et au coup par coup à quel moment précis il convient de se trouver bêtement présent dans l'arène des nations afin de faire figure d' acteur visible de l'histoire et à quel moment il devient nécessaire, tout au contraire, de quitter en toute hâte un cirque par trop ensanglanté. Il ne s'agit jamais de déserter l'histoire meurtrière, mais, tout à l'opposé, de prendre place dans une autre durée de l'humanité, celle où des acteurs ennemis des carnages prennent en main les rênes du destin.

En 1940, la France des ossatures et des muscles ne pouvait se mettre aux abonnés absents: il fallait bien se résigner à légitimer la folie d' un gouvernement de gestionnaires des corps, il fallait bien que la France terrassée conservât les organes tangibles d'un Etat, il fallait bien que la nation de 1789 parût provisoirement représentée par les majordomes de ses chancelleries sur une scène internationale devenue tout entière la spectatrice réjouie ou désolée de la mise hors jeu des Gaulois sur le champ de bataille. Dans la débâcle de la France d'en-haut, l'appel désespéré au héros surréel de Verdun était la caution a priori la plus digne de l'âme de la France.

Mais à quel moment fallait-il quitter l'écume des jours pour replonger dans la vague? Fallait-il choisir l'heure des horloges où, sur le sol français, un chef de l'exécutif proclamait son vœu ardent que l'occupant remportât la victoire en Europe, l'heure où le cadran de l'administration de la justice mettait à pied ses magistrats juifs, l'heure où les aiguilles du temps s'arrêtaient sur la rafle du peuple de Jahvé au vélodrome d'hiver?

Soixante-dix ans après un verdict des armes plus cruel que les précédents, la France symbolique se trouve à nouveau placée en sentinelle de l' histoire de la démence du monde . Lui faut-il épouser la mer ou flâner sur le rivage? Un gouvernement français, même amolli, peut-il légitimer sa participation physique à la direction d'une planète de l'errance dans laquelle la majorité des Etats prétendument démocratiques ont décidé de construire un mur de dix kilomètres de longueur, composé de plaques d'acier de dix-huit mètres chacune et de cinquante centimètres d'épaisseur, un mur dont les fondations iront jusqu'à trente cinq mètres sous la terre, afin d'exterminer par la famine la population entière d'une ville de seize centaines de milliers d'habitants?

Cette croisée des chemins de l'histoire du cerveau et du cœur de la planète des fous est-elle moins visible que celle dont le basculement d'un vieux Maréchal dans le camp du vainqueur de sa nation signalait le tragique emplacement à tous les regards? Notre République peut-elle assister les bras croisés, donc en complice silencieuse à la construction d'un camp de la mort de cette taille? Notre connaissance réelle de l'histoire du monde ressortit-elle à la pesée du corps et des muscles des Etats, ou bien avons-nous grand besoin de nous coller une autre loupe à l'œil afin d' apercevoir les personnages réels qu'on appelle des peuples et des nations? A quel moment les charniers tuent-ils le parfum des démocraties? A quel moment l'encens de la Liberté et de la Justice cesse-t-il de monter des autels? A quel moment les citoyens d'un pays de soixante-cinq millions d'habitants incommodent-ils les narines de Jupiter? La France empuantie de Pierre Laval s'est détachée de celle des écrivains, des poètes et des philosophes de notre pays à l'heure entre chien et loup où l'esprit a pris résolument le relais de l'histoire de la nation. Alors l'éclat des derniers flambeaux de notre civilisation a fait entendre les voix de la résurrection de la France.

10 - Le thermomètre de Zeus

Pour tenter de cerner cette difficulté en anthropologue glacé, il faut, ici encore, observer avec sang froid le chaos cérébral dont le diagnostic embarrasse les aliénistes de la vie politique des Etats modernes; et pour cela, il faut faire entrer dans le cabinet d'Esculape les patients dont les troubles psychiques demeurent proportionnés à la modestie de leur emploi. C'est ainsi que M. Bernard Kouchner voulait se rendre à Jérusalem ; mais comment ignorer Gaza et son camp de concentration à ciel ouvert sans paraître pencher pour un parti au détriment de l'autre? Et si l'on voulait éviter que le fléau de la balance penchât trop ostensiblement en faveur du bourreau, la meilleure ruse diplomatique n'était-elle pas de lui demander l'autorisation de se rendre à Gaza?

Naturellement, le sacrificateur a refusé tout net que la France auscultât la victime exposée sur l'offertoire et même qu'elle parût pronostiquer l'évolution de sa charpente; et comme le Quai d'Orsay des fous ne pouvait paraître par trop prononcer l'éloge de l'étal d'un Etat coupable de crimes de guerre, de génocide, d'emploi d'armes prohibées par le droit international, telles les bombes au phosphore, M Bernard Kouchner a renoncé à son voyage. Quelle est la France qui s'est illustrée de la sorte? Qui a parlé en son nom sur ce propitiatoire? Qui a détourné le regard de ce sang?

M. Kouchner s'est montré fort dépité par cet "échec diplomatique" et il l'a caché soigneusement aux journalistes. Un résistant du Quai d'Orsay a donné secrètement l'information au Canard enchaîné. Quelle est la philosophie de l'esprit dont la France actuelle fait preuve sur la scène internationale et qui lui fait juger de bonne et saine politique de se trouver présente en chair et en os sur tous les terrains où Montoire fait la loi? Le gouvernement est-il un véritable acteur sur le théâtre du monde quand l'occupant lui dit: "Si vous vous faites porter pâle parmi les sacrificateurs, vous serez non seulement déclaré couard, mais proclamé coupable de désertion sur le champ de bataille de la Liberté"?

On voit combien la question de la définition folle ou sage des Etats débarque sur les planches du même théâtre de l'Histoire de la démence qu'en 1940, mais sous une autre redingote ; car si l'on songe que, quelques jours seulement plus tard, l'Elysée a jugé indispensable à l'exercice de ses responsabilités dans la conduite exclusivement musculaire de l'univers de faire diriger par un général de notre armée de terre la construction du mur d'acier dont la vocation est de hâter l'extermination jugée trop lente d'une vaste population, avec quelle France nos écrivains, nos poètes, nos philosophes ont-ils rendez-vous en ce début du IIIe millénaire?

11 - Les acteurs physiques et les acteurs invisibles de l'Histoire

Voyez comme le tensiomète des dieux se rappelle au bon souvenir des peuples et des nations: ce sont eux et eux seuls qui décident de la température des âmes, ce sont eux et eux seuls qui condamnent l'anthropologue et le logicien de la démence du monde de se trouver au rendez-vous que l'Eloge de la folie d'Erasme a donné à la politique de la planète en ce début du IIIe millénaire. Car, disent les Célestes, l'encéphale de la France des fous se trouve livré au même chaos que celui de M. Barack Obama; et l'on se souvient que le désordre qui s'est emparé de la boîte osseuse de ce chef d'Etat le ballotte d'un vain brandissement de ses foudres verbales à l'apologie d'un mur de Berlin appelé à encercler le camp de la mort le plus vaste de la planète.

Comment se fait-il que le chaos cérébral dont témoigne la France des Laval d'aujourd'hui soit identique à celui de M. Obama, comment se fait-il qu'on distingue si mal l'original de la copie ? Alors que M. Kouchner se montre tout effaré de n'avoir pas cautionné davantage un Etat génocidaire, ce qui, en termes diplomatiques, revient à le condamner timidement et la bouche close, se rendra-t-il maintenant à petits pas et l'échine basse à la frontière de Gaza, agitera-il le drapeau aux trois couleurs sur les remparts de la forteresse qui enferme un gigantesque peuple de la mort ? M. Obama, lui, se contente de condamner de loin et la bannière étoilée à la main quelques expulsions de citoyens de Jérusalem Est. M. Kouchner va-t-il, au nom de la France de 1789, partager sous les murs de Gaza les chapons d'Orgon avec l'armée des faux dévots?

12 - Clinique du chaos mental

Vous voyez bien, bonnes gens, combien la scission cérébrale qui frappe les acteurs de la politique internationale d'aujourd'hui appelle une pesée anthropologique de la notion même de "chaos mental". Certes, vous avez observé plus haut qu'il s'agit d'une schizoïdie inconnue du monde antique; mais s'il est devenu difficile de savoir qui est fou et qui ne l'est pas, c'est précisément en raison de la dichotomie cérébrale dont souffre Sa Majesté, la démence en personne.

Vous connaissez l'expression : "Hurler avec les loups ". Qui sont les loups? Les Anciens savaient qu'il fallait entendre les déments; et ils disaient: "Hurler avec les fous": "cum insanientibus delirare". Mais les fous d'aujourd'hui délirent tantôt du bout des lèvres, tantôt à grands cris. Quand Tartuffe passe de la comédie à la tragédie, c'est qu'il a débarqué dans la politique et qu'il y est devenu criard en diable. Alors, Clio en appelle à un décryptage des dévotions et de leur tapage, parce que l'hypocrisie religieuse a passé du christianisme à la démocratie et qu'elle s'y révèle plus que jamais le moteur de l'histoire idéalisée à l'école de sa propre folie. Mais que s'agit-il maintenant de cacher aux dieux? Précisément la frontière qui sépare la légitimité de l'illégitimité des Etats démocratiques au regard des Tartuffe de la Liberté et de la Justice. Et pourquoi cacher cette frontière aux habitants de l'Olympe? Parce qu'elle se révèle désespérément flottante. Et pourquoi flotte-t-elle, cette impie? Parce que, depuis l'origine du temps mémorisé, l'humanité flotte entre le culte d'un pouvoir représenté par une autorité publique musclée et une lucidité qui cloue l'ossature de l'Histoire sous son regard.

Mais pourquoi, demandez-vous maintenant à Erasme, les peuples fous flottent-ils entre leurs agenouillements devant un maître de leur corps et la peur de se trouver entraînés dans ses crimes? C'est que cette oscillation psychique du singe vocalisé, c'est sa conscience qui la juge. Mais sur quelle balance pèserez-vous la magistrature du tribunal de la conscience? Comment spectrographierez-vous ce cœur parlant, comment analyserez-vous le mélange de vénération religieuse et de rejet moral qui rend si ambigu le saint génocidaire du Déluge, l'idole commune aux trois religions du Livre, l'idole qui se révèle le paradigme universel de l'histoire meurtrière de sa créature?

13 - Une anthropologie de la folie

Décidément, Louis XIV avait raison de dire à Molière: "N'irritez pas les dévots", puisque l'anthropologie des carnages nous conduit à mettre en scène la démocratie des massacreurs dévots à Gaza. A quel acte de la pièce sommes-nous arrivés ? Certes, Orgon s'extasie toujours sottement devant son hôte, le pieux mangeur de chapons. Et nous, allons-nous le cacher sous la table et laisser Elvire démasquer l'imposteur? Mais pour cela, il nous faudra tenter de percer les secrets de l'alliance de l'hypocrisie démocratique avec la folie la plus abyssale, celle dont nous n'avons relevé que quelques vestiges.

Décidément, nous sommes loin de la chute du rideau. Et pourtant, une ultime piste s'ouvre à l'anthropologie des égorgements, celle de nous demander pourquoi la civilisation chrétienne a changé les fous - insanientes - en loups et la fureur en hurlements. Car "hurler avec les loups", c'est seulement du mimétisme irréfléchi, ce qui ne ressortit qu'à la sottise, tandis que "furere cum insanientibus", c'est monter sur la nef des fous, c'est écrire l'histoire du monde à l'école des "fous furieux", comme on dit. Sous le conformisme intellectuel et doctrinal qui mobilise la piété des démocraties meurtrières et sous la bannière des idéalités pseudo sacrées qui enracinent les masses dans leur obéissance à des totems verbaux, une sauvagerie plus congénitale demeurerait-elle cachée au globe oculaire des évadés du règne animal, une sauvagerie qui nous renverrait à la bête furieuse dont le proverbe latin aurait conservé le souvenir?

Voyez comme la victime a été cachée sous l'autel de la dévotion démocratique à Gaza, voyez comme la démocratie mondiale arbore le masque des Tartuffe de la politique moderne de la Liberté et de la Justice à Gaza, voyez comme Gaza elle-même est devenue tout entière un gigantesque offertoire, voyez comme la fureur d'Israël s'est tapie sous la sainte croix d'une civilisation confite en idéalités dévotes. Qu'est-ce que le sceptre qu'on appelle maintenant la Justice? M. Sarkozy et M. Obama rachèteront-ils à bas prix la bête du sacrifice immolée à Gaza? Ecoutez leur confession de foi, écoutez comme ils se la murmurent tellement du bout des lèvres qu'elle aidera l'immolateur des poulets du sacrifice à lancer quelques prières dans le vent.

Mais alors, ne commençons-nous pas d'apercevoir la cohérence anthropologique et toute la logique interne de la fureur des fous? Ne voyons-nous pas se dessiner les deux pôles cérébraux entre lesquels la sainteté des démocraties se partage et qui les fait tomber dans le chaos? Car, d'un côté, leur fureur et leur folie confondues les range en ordre de bataille autour du mur d'acier de Gaza, de l'autre, leurs prêtres lèvent les yeux au faux ciel de leur Liberté et de leur Justice ; et la dichotomie originelle dont leur encéphale subit les secousses nourrit leurs oscillations entre les floralies de leurs oraisons et le fer de leurs massacres. C'est pourquoi les Romains nous rappellent opportunément qu'on ne hurle pas avec les loups, mais qu'on porte la folie à la fureur et la fureur à la folie, et que ces acteurs alternés de l'histoire se comblent d'éloges l'un l'autre, comme il est démontré aux anthropologues sous la sarcastique apologie érasmienne de la démence.

14 - Conclusion

Décidément, l'anthropologie historique et philosophique se révèle indispensable à la pesée des relations que la politique de la démence entretient avec les autels du sacrifice ; car si l'on ignore quel ciseau grave le souvenir réel d'un événement dans le temps des fous et des sages et comment seule une éthique de la raison décide de la définition même de ce qui est légitime et de ce qui ne l'est pas, comment préciserons-nous le statut d'une science de la mémoire oscillante entre le meurtre et la prière? Et s'il appartient à la température des âmes de trancher de l'historicité proprement animale ou transanimale des évènements humains, demandons-nous quel thermomètre Zeus a consulté quand il a éjecté de l'histoire réelle du monde une France qui souhaitait la victoire de l'étranger sur elle-même et demandons-lui de prononcer un jugement solennel afin de chasser de France les "célébrissimes ministres de la folie du monde" qui ont osé demander au peuple de Descartes et de Montaigne de légitimer son propre déshonneur; et demandons au dieu Mars de tirer de son fourreau le glaive de la justice que nos cœurs appellent la France.

Le 18 janvier 2010

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http://www.dieguez-philosophe.com/

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