Prison : Des solutions insatisfaisantes, bâties sur des hypothèses discutables (CNCDH)
Paris, jeudi 2 février 2012 - La CNCDH a adopté le 26 janvier 2012, un avis sur le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines. Elle estime que ce projet, engageant la politique carcérale de la France pour six ans, apporte des réponses inadaptées à un scénario fondé sur des projections incertaines.
Après son adoption par l’Assemblée nationale le 17 janvier 2012, le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines alternatif a été adopté, hier, par le Sénat. Compte-tenu de l’importance de ce texte, qui engage la politique carcérale de la France pour les six prochaines années, la CNCDH s’est saisie d’office pour émettre un avis. Au-delà du caractère contestable du recours à la procédure accélérée, le projet adopté par l’Assemblée nationale entraine une véritable rupture doctrinale avec les précédentes réformes, notamment celle de 2009.
Un projet de loi basé sur un scénario hypothétique
En premier lieu, la CNCDH s’interroge sur la mesure principale du projet qui prévoit la création 24 397 places de prison à l’horizon 2018. L’augmentation du parc carcéral aurait pour but, selon l’exposé des motifs, de répondre au « scénario le plus probable d’exécution des peines ». Or, la CNCDH considère que ce scénario est contestable. Il témoigne d’un abandon d’une politique de prévention de la délinquance ambitieuse privilégiant l’aménagement des peines. A la suite du sénateur Jean-René Lecerf, la CNCDH souligne le risque que « l’accroissement des capacités de détention n’ait d’autre effet que d’encourager de nouvelles incarcérations », et que ce texte n’alimente « le cercle vicieux entre l’accroissement du nombre de détenus et l’augmentation des capacités d’accueil en prison ».
La CNCDH attire l’attention des parlementaires sur les conséquences de l’augmentation du parc carcéral en matière d’aménagement des peines. En effet, le projet d’augmenter ce parc carcéral aurait pour finalité, selon ses promoteurs, de résorber le stock des peines en attente d’exécution qui serait de 85 600 ; cependant, la plupart de ces peines sont inférieures ou égales à 2 ans d’emprisonnement. Or, l’exécution de ces courtes peines en milieu fermé contredit les dispositions de la loi pénitentiaire de 2009, qui érigeaient en principe l’aménagement des peines inférieures à deux ans. La CNCDH rappelle les mérites de l’aménagement de peineab initio, les courtes peines de prison pouvant « revêtir une dimension symbolique au moment de la condamnation », mais l’incarcération pouvant à l’inverse aggraver la situation du condamné.
Des conditions de détention toujours insatisfaisantes
Enfin, la CNCDH considère que si la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, comme le prévoit le projet, peut s’avérer souhaitable lorsqu’elle vise à mettre fin à des conditions de détention contraires à la dignité humaine, mais les établissements récents sont souvent d’une taille excessive, et font primer la sécurité sur les rapports humains, au détriment de l’objet de réinsertion. La CNCDH constate que le renouvellement du parc pénitentiaire n’apporte pas à lui seul une garantie d’amélioration effective du respect des droits de l’homme.
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