AFGHANISTAN : Otages libérés, militaire enterré !
Si la médiatisation de l'enlèvement de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière a sûrement joué dans leur libération, son revers est cruel : occulter d'autres événements.
Mercredi 29 juin 2011, un fourgon mortuaire escorté par la garde d’honneur de la Garde républicaine a quitté Roissy vers 16 heures 45. Il a emprunté l’autoroute A1 et le périphérique extérieur avant de remonter l’avenue de la Grande armée, contourner l’Arc de Triomphe, puis redescendre les Champs Elysées.
Le fourgon s’est dirigé ensuite aux Invalides où sa famille et ses proches l’attendaient pour assister à une cérémonie militaire.
Il s’appelait Cyrille Hugodot, il servait la France en tant que parachutiste au 1er R.C.P. Il avait 24 ans et était père d’un enfant de 4 ans.
J’ai cherché dans la presse un compte rendu de cette cérémonie pour savoir quelles autorités avaient fait le déplacement. Enfin, quand je dis déplacement, les autorités de l’Etat n’avaient pas grand chemin à faire, les Invalides se trouvant à deux pas de leurs résidences.
Point de compte rendu.
Pas une image à la télé.
Mais voilà, pendant que le fourgon mortuaire descendait les Champs, le monde médiatique explosait de joie à l’annonce de la libération de deux des leurs, messieurs Ghesquière et Taponier.
Alors que sa famille et ses camarades se recueillaient devant le cercueil de ce militaire anonyme, il n’y avait plus de place dans nos radios et nos télévisions que pour la publicité et la nouvelle de la libération de nos otages.
Je m’associe à la joie de leur libération, même si je me pose des questions sur les conséquences pour le pays, pour d’autres concitoyens, pour les Afghans ou les Pakistanais, du prix payé pour cette libération.
Je ne peux m’empêcher de penser à ce soldat dormant dans son cercueil plombé, à sa famille, à son enfant qui, à quatre ans, voit sa vie bouleversée, et regarder en même temps l’image de nos deux compatriotes libérés. Deux hommes à la belle santé, entourés, choyés, projetés au rang d’héros nationaux.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Le corporatisme des journalistes ne peut-être regardé qu’avec une certaine envie et la solidarité affichée ne peut être, pour nous, qu’un exemple à suivre.
Chacun doit s’occuper de son petit jardin maintenant et ne plus s’occuper du reste.
Foncièrement, je suis persuadé que ce tapage autour de nos deux journalistes libérés sonne comme la dernière rupture entre la presse et son public. Ils s’étonnent pourtant déjà que leurs journaux ne s’achètent plus.
Avons-nous le droit de le dire sans se faire blacklister ? Nous verrons bien.
Même si j’ai entendu de la bouche d’un patron de presse, dans une émission consacrée à commenter l’actualité, qu’il était dans l’ordre des choses qu’un soldat meure dans l’exercice de sa profession, j’en ai entendu beaucoup d’autres se poser les mêmes questions que moi. Je me dis aussi qu’une autre partie notre presse s’est rendue compte que quelque chose n’allait pas dans tout ça.
A propos, a-t-on des détails sur cette histoire de gamin assassiné à Pau ? Faudra attendre, New-York nous appelle. Là aussi, on va en faire un peu trop, et comme le mois dernier, ils vont se prendre les pieds dans le tapis avec des commentaires précipités.
Source :
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/159462;otages-liberes-militaire-enterre.html
[Merci à Claude G.]