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Ukraine : "La sortie de crise est possible" CHEVENEMENT

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Intervention de Jean-Pierre Chevènement, représentant spécial de la France pour la Fédération de Russie, à l'Assemblée générale de l'Association du Dialogue franco-russe, jeudi 26 mars 2015.

Je remercie le Dialogue franco-russe de m’avoir invité à participer à son Assemblée générale, en présence notamment du Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Mechkov, et de Monsieur le Président Yakounine que je suis heureux de saluer. 

Nous vivons avec la crise ukrainienne un moment difficile mais, comme le dit le proverbe, « c’est dans les crises qu’on voit ses véritables amis ». La France est particulièrement soucieuse de préserver l’avenir de la paix et de la relation franco-russe, comme l’ont montré les initiatives prises par le Président Hollande pour hâter une sortie de la crise ukrainienne. 

J’organiserai mon propos en trois points.

  • cette crise, selon moi, était évitable ;
  • le Président de la République a tenté une médiation qui a abouti aux accords de Minsk II dont l’application doit permettre la levée des sanctions ;
  • il faut enfin et surtout donner un contenu positif à la sortie de crise en unissant nos efforts pour stabiliser l’Ukraine politiquement, mais aussi économiquement.

I – La crise ukrainienne, bien que prévisible, était évitable si des initiatives avaient été prises en amont d’un commun accord. 

A) La crise était prévisible depuis longtemps car l’Ukraine, dans l’esprit de certains, a toujours été un « objet géopolitique ». L’extension de l’OTAN à certains pays anciennement membres du Pacte de Varsovie, a suscité des réactions de la partie russe surtout quand il a été question d’y faire adhérer des pays résultant de l’implosion de l’ex-URSS, notamment l’Ukraine et la Géorgie. 

En 2008, la Conférence de Bucarest des pays membres de l’OTAN a écarté les candidatures de ces deux pays, à la demande conjointe de la France et de l’Allemagne. On se souvient aussi qu’en 2008 le Président Medvedev avait lancé l’idée d’un nouveau pacte de sécurité paneuropéen, proposition demeurée sans suite. 

B) A partir de 2009 deux projets ont été mis en œuvre : 

Du côté de l’Union européenne, un « partenariat oriental » censé équilibrer vis-à-vis de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Géorgie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, le projet d’Union pour la Méditerranée initialement proposé par la France. 

Du côté russe a pris forme un projet d’Union économique eurasiatique englobant notamment l’Ukraine, la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l’Arménie, etc. Ces deux projets n’étaient pas forcément concurrents, car le partenariat stratégique UE-Russie prévoyait la création d’un « espace de libre circulation de l’Atlantique au Pacifique, de Lisbonne à Vladivostok. » 

C) Les responsabilités de la crise sont partagées car la Commission a méconnu l’imbrication très forte des économies russe et ukrainienne et n’a pas pris soin d’associer la Russie à la préparation de l’accord d’association qui devait être conclu à Vilnius en novembre 2013. 

Le projet d’accord comportait une modeste incitation financière, de l’ordre de 560 millions d’euros, sans comparaison avec l’offre russe : prêt de 15 milliards de dollars, assorti d’une détaxation du prix du gaz de l’ordre de 100 dollars pour 1000 m3. Sensible aux problèmes de restructuration qu’impliquait l’accord d’association avec l’Union européenne, le Président ukrainien de l’époque, M. Yanoukovitch, a demandé son report, ce qui a déclenché les manifestations de Maïdan. Tout s’est passé comme si l’Ukraine devait choisir entre l’Europe et la Russie. Dilemme impossible car l’Ukraine, par nature et par composition, est un pont entre l’Union européenne et la Russie. 

Le malentendu s’est creusé avec le mouvement de Maïdan dans lequel les uns ont vu une révolution, les autres un coup d’Etat. 

Au viol de la Constitution ukrainienne et au vote de la Rada de Kiev suspendant l’utilisation du russe comme langue officielle à côté de l’ukrainien, la Russie a répondu par l’annexion de la Crimée dans le contexte historique que nous connaissons et sur lequel je ne m’appesantis pas. C’était, selon moi, une erreur répondant à une autre erreur. Toutes deux approfondissaient le malentendu qui allait être exploité par ceux qui veulent nourrir la crise pour entretenir un foyer de discorde entre l’Union européenne et la Russie. 

Pour ma part, je ne pense pas que la Russie qui organisait avec succès et au même moment les Jeux Olympiques de Sotchi, à proximité, nourrissait l’intention délibérée d’annexer la Crimée. C’est mon point de vue : dans la vie, il y a quelquefois des accidents. Quand cela arrive, il vaut mieux essayer d’en circonscrire les effets. 


II – C’est le sens de la tentative de médiation suscitée par la France. 

Chacun se souvient de la visite à Paris et en Normandie du Président Vladimir Poutine les 5 et 6 juin 2014, à la préparation de laquelle j’ai été associé. Je peux témoigner que, pour l’essentiel, les engagements pris ont été tenus. 

Les élections présidentielles ukrainiennes ont pu se tenir le 25 mai et législatives le 26 novembre. La Russie a affirmé, s’agissant des régions de l’Est, qu’elle respectait l’intégrité territoriale de l’Ukraine et que les aspirations de ces régions devaient être satisfaites dans le cadre ukrainien. 

Un cessez-le-feu est intervenu le 19 septembre 2014 à Minsk. 

L’approvisionnement en gaz de l’Ukraine a été assuré pendant l’hiver. 

Certes, sur le terrain, les choses ne se sont pas passées facilement : priorité a été donnée par Kiev à une « opération antiterroriste » sur la recherche d’une formule acceptable de décentralisation. 

Pour redresser la situation, le format dit « de Normandie », associant le Président de l’Ukraine, celui de la Russie, celui de la France et la Chancelière d’Allemagne, a montré son utilité. Il a abouti aux accords de Minsk II (12 février 2015) qui définissent une séquence précise de mesures qui devrait aboutir, à la fin de 2015, si ces accords s’appliquent, à la levée des sanctions. Il faut donc être vigilant sur l’application des accords. Le cessez-le-feu est effectif. Le retrait des armes lourdes s’est effectué à cinquante, voire soixante-dix kilomètres de la ligne de démarcation. Qui le dit ? Dans la presse, on a surtout entendu le scepticisme s’exprimer, au lendemain de ces accords de cessez-le-feu pour lesquels le Président français n’a pas ménagé sa peine en y associant étroitement l’Allemagne, de façon à ce que l’Europe puisse favoriser au mieux une sortie de crise. 

III – Il faut donner un contenu positif à cette sortie de crise. 

A) L’application des accords de Minsk II doit entraîner la levée des sanctions. Mais chacun, sait que le diable se cache dans les détails. Il faut donc être très attentif à l’application loyale des dispositions concernant les élections locales, la révision de la Constitution ukrainienne et l’adoption, en conséquence, d’une loi de l’Ukraine concernant les prérogatives des régions de l’Est ukrainien concernées. 

B) La situation économique de l’Ukraine est très préoccupante : forte chute du PNB – inflation élevée – dette dont l’Ukraine, même avec les crédits accordés par le FMI (17,5 Milliards), peine à honorer les échéances. La déstabilisation politique et économique d’un grand pays comme l’Ukraine, n’est de l’intérêt de personne. 

C) Il faut donc unir nos efforts pour aider l’Ukraine à retrouver une situation stable. 

1. C’est l’intérêt de la Russie qui ne peut se désintéresser du sort de l’Ukraine voisine et proche. 

2. Les efforts de l’Union européenne aujourd’hui seront peu de chose par rapport à ceux qu’il faudrait faire demain pour faire face à une déstabilisation de grande ampleur, politique, économique, et peut-être militaire. Ce serait un processus fatal. La perspective d’un retour à la guerre froide, voire à une guerre chaude en Europe doit être écartée. 

3. Ai-je besoin de souligner et ce sera mon troisième point que l’Ukraine a sa propre et éminente responsabilité : la Rada doit adopter de bonne foi les textes concernant la décentralisation, tels qu’ils résultent des accords de Minsk. L’Etat ukrainien doit prendre le pas sur des forces économiques qui tendent à s’approprier des prérogatives régaliennes par excellence. Le Président Porochenko a été élu Président au suffrage universel. Il a donc un rôle essentiel à jouer. Une solution durable de la crise ukrainienne permettra de rétablir la relation franco-russe au niveau qui doit être le sien. Comme disait Saint-Exupéry : « Si vous voulez unir les hommes, donnez leur à faire quelque chose ensemble ! ». 

Nous avons, en 2015, beaucoup de choses à faire ensemble. Je salue ici la présence de M. Mechkov. Je me rendrai moi-même à Moscou les 16 et 17 avril prochains. La sortie de crise est possible. Il faut la vouloir de façon déterminée !

SOURCE:

http://www.chevenement.fr/Ukraine-La-sortie-de-crise-est-possible_a1699.html

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