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PRIMAIRES SOCIALISTES : "Les candidats pour les primaires sont interchangeables" JP Chevènement

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Entretien de Jean-Pierre Chevènement avec Le Bien Public, propos recueillis par Emmanuel Hasle, dimanche 29 mai 2011.

Le Bien Public : L'affaire Dominique Strauss-Kahn. Comment l'avez-vous vécu à titre personnel? 
Jean-Pierre Chevènement :
 D'emblée, cette affaire m'a paru tellement extravagante que j'ai réservé toutes les hypothèses. La présomption d'innocence doit être défendue. Or le système judiciaire américain de type "accusatoire" ne le permet pas. Maintenant, si les faits imputés à Dominique Strauss-Kahn étaient avérés, je serais très déçu car il y aurait eu double violence. 

Comment avez-vous ressenti le traitement médiatique sur cette affaire? En a-t-on trop fait? 
La chute d'un puissant cristallise toujours les pulsions et les passions. 

Les candidatures pour la succession de DSK sont ouvertes. Que pensez-vous de celle de Christine Lagarde? Faut-il la soutenir, avec ce risque d'une "affaire Tapie"? 
Soyons tout à fait clair : je considère que l'action de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI a consisté à appliquer des politiques d'austérité renforcée, notamment en Europe. Et je ne suis pas dans le cortège des laudateurs. 

Je distingue le fond politique et les aspects humains : sur le fond politique, je fais confiance à madame Lagarde pour continuer à impulser la même politique d'austérité renforcée Merkel/Sarkozy, puisqu'en définitive, c'est l'Allemagne qui dicte au reste de l'Europe ces politiques de restrictions budgétaires et salariales. Et monsieur Sarkozy ne fait qu'apposer sa signature, il se porte caution pour donner un vernis européen à ces politiques, que commencent à rejeter le peuple grec, le peuple portugais, le peuple espagnol, le peuple irlandais, et peut-être demain le peuple français. 

En ce qui concerne la candidature de madame Lagarde : j'ai de l'estime pour elle, c'est une femme intelligente, je pourrais dire compétente, mais compétente pour quoi faire ? Je vous ai répondu là, elle est compétente pour continuer une politique que je n'approuve pas. Il faut imaginer et mettre en oeuvre une sortie de crise sous le signe de la croissance et non de l'austérité. 

Cela dit, Madame Lagarde aurait dû attendre la réunion de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République qui a été saisie et qui doit se réunir le 10 juin. Elle éviterait de prendre un risque inutile.


Croyez-vous que cette crise puisse toucher la France, comme on le voit actuellement avec la jeunesse espagnole dans la rue? 
La monnaie unique a été une construction erronée dès le départ. Je vous rappelle que j'ai été parmi les opposants du Traité de Maastricht ; je considère que la dévolution de la souveraineté monétaire à une banque centrale européenne, construite sur le modèle de la Bundesbank allemande était une monumentale erreur. 

Ce qui frappe aujourd'hui le plus, c'est la constante désindustrialisation du pays, que vous connaissez bien même à Dijon ! L'industrie, qui représentait 30 % de la valeur ajoutée en 1982 quand j'étais ministre de l'Industrie, ne représente plus que 13 % aujourd'hui. Ca, c'est pour moi le fait majeur, celui qui explique que notre déficit commercial n'a cessé de se creuser pour atteindre en 2010 - 53 milliards d'euros, c'est-à-dire autant en proportion que les Etats-Unis... Tout cela, c'est la conséquence de choix politiques erronés, qui ont été faits dans les années 80 et 90 : choix de dérégulation, l'acte unique, le choix d'une monnaie unique qui méconnaît la diversité, l'hétérogénéité des nations, qui n'ont pas les mêmes structures économiques, qui ne suivent pas les mêmes politiques, quoi n'ont pas les mêmes repères culturels. 

Bref, on a fait comme si l'Europe était une zone monétaire homogène. On a fait litière des nations et on se retrouve piégé. 

Nous sommes en plein G8. Que peut-on faire pour aider les pays arabes dans leur transition démocratique? La France a-t-elle un rôle privilégié à jouer? 
Je crois que cela va bien au-delà de l'aide financière qui est envisagée. Je pense qu'il faut créer une zone de co-développement. Si tant est que des délocalisations industrielles puissent se justifier, ce serait à destination de ces pays proches et largement francophones, et pas à destination des pays à très bas coût de l'Asie. Je pense qu'il faut créer un espace économique euro-méditerranéen. Cela répondrait à un intérêt réciproque. 

Il y a eu une polémique sur les migrants tunisiens et libyens aux portes de la France, avec une suspension des accords de Schengen. Fallait-il en arriver-là? 
Je trouve que cette réponse n'a pas été à la hauteur de ce qui se passe dans le monde arabe. Il fallait d'abord distinguer entre les Libyens et les travailleurs immigrés africains qui fuyaient la Libye, et qui ressortissaient clairement de l'asile politique ; et, d'autre part, les Tunisiens, qui n'ont pas de raison politique de quitter leur pays et qui ne sont pas toujours les plus mal lotis dans la société tunisienne. Il y aurait pu y avoir un examen au cas par cas. Mais cette affaire a été traitée sans hauteur de vue et sans générosité. 

Avec le départ forcé de DSK, il reste François Hollande et Martine Aubry, pour l'instant, en tête des sondages pour les primaires du PS. Beaucoup s'interrogent sur la façon dont doivent être menées ces primaires. Quel est votre avis? 
Par définition, en tant que président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC), je n'ai pas voulu que notre parti trempe même l'extrémité d'un doigt de pied dans cette mécanique des primaires, dont on voit qu'elle est relativement à hauts risques. Il est évident que Martine Aubry est première secrétaire, mais François Hollande a aussi été premier secrétaire, et il a la possibilité d'être candidat, c'est tout à fait légitime. Cela dit, je crois que sur le fond, sur le problème principal qui est la question de l'euro et du redressement de l'Europe, la remise de la France sur orbite, ils ne se différencient pas fondamentalement l'un de l'autre, à ce jour. 

En cela, vous rejoignez les propos d'Arnaud Montebourg, tenus encore récemment. Vous-même, quel rôle comptez-vous jouer dans ces primaires, et au-delà, pour la présidentielle? 
Je n'ai pas à intervenir dans les primaires. Les candidats pour les primaires du Parti socialiste, disons qu'ils sont interchangeables, à beaucoup d'égards. Je les connais l'un et l'autre, j'ai de l'estime et de la sympathie pour chacun. Disons que sur le plan idéologique, je me sens plus près de ce que dit Arnaud Montebourg, sur la démondialisation par exemple. 

Qui a alors l'envergure selon vous pour porter l'ensemble de la gauche à la présidentielle? 
Je pense que pour répondre à la question, il faut savoir quel est l'homme d'Etat qui aura à la fois l'expérience, la culture et le courage de parler à l'Allemagne de Mme Merkel. Aujourd'hui, son gouvernement nous entraîne sur une mauvaise pente. Les plans de rigueur mis en oeuvre aboutissent à la récession : on le voit en Grèce ou au Portugal. La récession entraîne des moins-values fiscales; les déficits budgétaires se creusent, l'endettement s'accroît... Tout cela, c'est un cercle vicieux, on ne peut pas s'en sortir comme ça. Il faut inverser le mouvement général et faire de la zone euro une zone de croissance. 

J'appelle de mes voeux un changement des règles du jeu de la zone euro. Sinon, nous irons vers la déconstruction de cette zone euro, qui, je le répète procède d'une grave erreur de conception, et il faut maintenant corriger le vice initial par une modification des statuts de la Banque centrale dont la mission doit être aussi de soutenir la croissance et l'emploi, et lutter contre la spéculation en rachetant les titres de dettes sur les marchés. Il faut aussi une relance salariale et un grand programme d'investissements financé par un emprunt européen. Mais les textes actuels ne l'autorisent pas. Il faut les changer. 

Quant à savoir quel est le candidat idéal, c'est celui qui aura à la fois cette expérience, cette culture, ce courage, pour parler de l'Allemagne et permettre à la France et aux pays du sud de l'Europe de remonter la pente, de se réindustrialiser, de faire reculer le chômage, qui touche la jeunesse en priorité. 

Ce candidat, ce pourrait être vous? 
J'ai réservé ma réponse. J'officialiserai cette décision à l'automne. J'attends d'ici là que les candidats potentiels fassent évoluer leurs discours. 

Avez-vous tout de même en tête un ou une candidate en tête qui pourrait incarner ce potentiel et ce changement que vous appelez de vos voeux, avec cette envergure d'homme d'Etat? 
Je les aime toutes et tous ! Je les connais tous, et je les connais très bien. Donc, je vois leurs qualités, mais aussi leurs taches aveugles, sur l'Europe en particulier. Si j'ai dit que je serai candidat pour faire bouger les lignes. C'est donc pour faire bouger ce qu'ils ont dans leur tête. Ma candidature est une candidature pédagogique. Elle a pour but de faire entendre une voix, qui est la voix de l'intérêt général. Il faut remettre la France en marche. J'aurai naturellement mon opinion à donner aussi sur des questions essentielles, comme l'Ecole, l'énergie, la sécurité, l'immigration, ou plutôt l'intégration. Sur ces sujets, on m'entendra certainement. 

La sécurité et l'immigration, deux thèmes qui reviendront dans la campagne. Le Front national est aussi sur ces thématiques. N'y a-t-il pas là un risque électoraliste? Faut-il s'inquiéter de la montée du Front national dans les sondages et dans l'opinion publique? 
Il faut être vigilant, mais tenir sur ces questions un discours solide, réaliste et républicain. Les Français ne cèderont pas à la démagogie du Front national, qui a fait de l'immigration le bouc-émissaire de tout ce qui ne va pas en France. C'est une façon d'exonérer le capitalisme financier de ses responsabilités. Je ne dis pas que l'immigration ne pose pas de problème, mais ces problèmes sont solubles par la voie républicaine. 


Source : Le Bien Public

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