PALESTINE : "El Khalil, épicentre de la contestation en Palestine occupée" par Fares Chahine (EL WATAN)
[Depuis octobre, Israël a assassiné 79 palestiniens et blessé des milliers d’autres]
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Comme aux plus forts moments de l’Intifadha d’El Aqsa, déclenchée en septembre 2000, la ville palestinienne d’El Khalil est soumise à un blocus asphyxiant de la part de l’armée d’occupation israélienne.
Devenue l’épicentre du soulèvement populaire lancé par la jeunesse palestinienne, il y a près d’un mois et demi, la ville d’El Khalil — où vivent barricadés parmi 200 000 Palestiniens 500 colons israéliens des plus extrémistes — subit une répression féroce. Si les manifestations de protestation caractérisées par des accrochages violents avec les soldats des forces d’occupation sont devenues une marque de fabrique de la ville, les exécutions extrajudiciaires de jeunes citoyens y sont très nombreuses aussi.
Les perquisitions et les fouilles de maisons de Palestiniens y sont aussi quasi quotidiennes. Pour rendre la monnaie de leur pièce aux agresseurs israéliens, les jeunes Palestiniens de la ville organisent désormais des attentats. Pour certains d’entre eux, c’est la seule manière de résister contre l’occupant israélien qui ne leur laisse aucun autre choix.
El Khalil est devenue aujourd’hui l’un des principaux bastions de la lutte contre l’occupation israélienne et de la dénonciation des violations répétées de la mosquée El Aqsa par les colons et les juifs ultra-orthodoxes. Pour preuve, plus de la moitié des martyrs de la Cisjordanie occupée sont tombés dans la ville d’El Khalil ou sont originaires de cette ville. La dernière victime est une femme de 72 ans, criblée de balles tirées par des soldats d’occupation dans le nord d’El Khalil. La pauvre vieille femme a été mitraillée alors qu’elle était au volant de sa voiture. Elle tentait de fuir une zone de heurts où les gaz lacrymogènes étaient intenses. Elle voulait se réfugier dans une station-service toute proche.
Prétextant, comme d’habitude, une tentative d’attaque à la «voiture bélier», trois soldats d’occupation ont criblé le véhicule de dizaines de balles dont 15 ont atteint Tharwat Echaarawi, ne lui laissant aucune chance. Elle a rejoint ainsi son mari Fouad Echaarawi, tué lui aussi par des soldats israéliens durant la première Intifadha palestinienne déclenchée en 1987. La colère dans cette ville a atteint un tel paroxysme que, pour la première fois, des Palestiniens ont utilisé des armes à feu contre des soldats et des colons israéliens.
Sniper palestinien
Vendredi soir, un sniper palestinien a grièvement blessé un soldat israélien posté à un barrage militaire au nord de la ville. C’était la deuxième opération du genre en deux heures seulement. Deux colons avaient été blessés par balles près de la mosquée d’El Khalil, caveau des patriarches, un point chaud qui se trouve au cœur de la ville. Des sources israéliennes ont indiqué que le soldat est dans un état grave, tandis que les blessures des deux colons ont été qualifiées de légères.
Après avoir bouclé les entrées nord et est de la ville, l’armée d’occupation a lancé, au cours de la même nuit, une vaste campagne de recherche dans l’espoir de mettre la main sur les auteurs des attentats. L’utilisation d’armes à feu contre les Israéliens — que désirent absolument éviter la direction palestinienne et le président Mahmoud Abbas — signe une nouvelle étape dans le soulèvement populaire actuel. Elle est surtout la conséquence du refus d’Israël d’œuvrer pour la paix.
Au cours de l’Intifadha d’El Aqsa déclenchée en septembre 2000, les Palestiniens avaient recouru, par endroits, aux attentats à l’arme automatique. Il y avait eu également beaucoup d’opérations-suicide à l’explosif. Israël a utilisé tout son arsenal militaire, y compris des avions de chasse de type F16, pour étouffer dans l’œuf la contestation. Le président Yasser Arafat, lui-même, a vaitété assiégé par les blindés israéliens dans son quartier général de Ramallah, dont les deux tiers furent détruits par les bombardements.
Talon d’Achille
Selon la direction palestinienne, le recours aux opérations militaires lors de l’Intifadha d’El Aqsa a donné un alibi aux Israéliens pour la construction du mur de séparation raciste qui a avalé près du tiers des terres de la Cisjordanie occupée. Sous le prétexte de lutter contre le terrorisme, les Israéliens ont tué et blessé des milliers de Palestiniens.
Malgré ce background, des factions palestiniennes, comme Hamas, le djihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), continuent à encourager ce genre d’opérations. C’est la raison essentielle de l’absence d’accord interpalestinien sur une stratégie commune de résistance face à l’occupant israélien. C’est d’ailleurs ce qui affaiblit le front palestinien interne et les positions palestiniennes sur la scène internationale.
Israël, la force occupante, ne ménage aucun effort pour faire perdurer cette situation de division honteuse. C’est en tout cas l’argument qu’elle utilise «politiquement» pour décréditer les Palestiniens et montrer à la communauté internationale qu’il n’y a pas partenaire pour la paix représentant l’ensemble des Palestiniens. Heureusement qu’au niveau populaire, cette division n’existe pas.
Tout le monde prend part au combat. La preuve, la bande de Ghaza participe au sacrifice du sang. Le jeune Salama Abou Jamaa, âgé de 23 ans à peine, a payé de sa vie sa participation aux heurts qui ont opposé, vendredi, de jeunes lanceurs de pierres à des soldats israéliens surarmés dans la zone frontalière, à l’est de la ville de Khan Younès au sud de l’enclave palestinienne.
79 Palestiniens — dont un quart sont des femmes et des enfants — ont déjà été tués par les soldats et les colons israéliens depuis le début octobre. Les blessés par balles réelles et en caoutchouc sont estimés à plus de 2500. Quant aux citoyens traités pour troubles respiratoires après inhalation de gaz lacrymogènes toxiques, ils sont plus de 7000.
C’est le lourd prix que les Palestiniens payent pour accéder à l’indépendance de leur Etat, avec El Qods comme capitale.
Fares Chahine
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