MARINE NATIONALE : Audition de l’Amiral Forissier (Suite)
Amiral Pierre-François Forissier. Le moral des troupes est plutôt bon, dans la mesure où nous avons des activités : un marin qui navigue est un marin heureux, un marin dont le bateau est cassé et qui ne navigue pas est un marin malheureux. Avec l’opération Atalanta et le déploiement du groupe aéronaval, nos marins ont beaucoup travaillé.
La situation est un peu différente pour les marins à terre, qui sont à la fois acteurs et objet de la réforme. Nous essayons de les motiver en leur disant qu’elle sera ce qu’ils en feront, tant il est vrai qu’au-delà des grands principes fixés à Paris, le réglage fin se fait sur le terrain. Ils ont parfaitement compris qu’on ne pouvait pas continuer à fonctionner avec l’ancien système. Le ratio entre le nombre de marins à terre et le nombre de marins qui naviguent n’est pas très bon, parce que nous avons des structures administratives occupées à faire appliquer des règles nombreuses, dont certaines datent de l’Ancien régime. J’attends de la réforme que toutes les ordonnances royales qui sont encore en vigueur et toutes les lois qui se sont empilées sous toutes les Républiques fassent l’objet d’un nettoyage. J’aspire, par exemple, à ce que l’on puisse acheter le joint manquant au Castorama local, au lieu de remplir une quinzaine de papiers pour en recevoir un trois mois plus tard et pour un prix dix fois plus élevé. Quant au code des marchés publics, je pense qu’il nous coûte beaucoup plus qu’il ne nous fait économiser de l’argent.
M. Jean Michel. Il évite quand même quelques fraudes…
M. Dominique Caillaud. Ma question concerne la disponibilité opérationnelle de nos hélicoptères. À Lanvéoc, on considère qu’il faut au moins six machines pour faire face aux missions ; or avec deux NH90 et deux EC225, on n’arrive qu’à quatre. Et qu’en est-il des hélicoptères embarqués, que les BPC et les frégates sont destinés à accueillir ? Les sacrifices à venir épargnent-ils un peu cette catégorie d’aéronefs ?
Amiral Pierre-François Forissier. Le parc d’hélicoptères est très varié, et les machines ne sont pas comparables. Il fallait à Lanvéoc six Super Frelon, mais avec les deux EC225, nous avons la disponibilité nécessaire. La difficulté concerne aujourd’hui le parc de Lynx, dont un très grand nombre sont indisponibles faute de pièces de rechange – parce que Westland ne les fabrique plus et qu’il faut les faire fabriquer ailleurs, ce qui coûte cher et prend du temps. Le problème va être résolu quand les Lynx auront été remplacés par des NH90.
Quant aux BPC, il n’est pas prévu de les armer avec des hélicoptères de la marine. Ce sont des bateaux interarmées, conçus pour embarquer des hélicoptères de l’armée de terre.
Ce qui compte, c’est que les missions qui nous sont assignées soient remplies. Aujourd’hui, les frégates anti-sous-marines naviguent la plupart du temps sans hélicoptère, les hélicoptères étant occupés à chasser les pirates et les narcotrafiquants ; demain, la priorité pourrait redevenir la lutte anti-sous-marine.
M. Jacques Lamblin. Je voudrais revenir sur la question du respect de la souveraineté française sur notre domaine maritime, en particulier autour de la Polynésie, les enjeux économiques à long terme étant considérables. Face aux appétits de puissants voisins, ne faut-il pas faire un peu plus ?
Amiral Pierre-François Forissier. Je n’ai aucune inquiétude sur le respect de la souveraineté dans cette zone. Le Pacifique représente la moitié de la surface de la planète, la Polynésie couvre une surface équivalant à celle de l’Europe ; les distances sont considérables, et quand on patrouille dans le Pacifique on ne rencontre personne. Il n’est donc pas nécessaire de disposer en permanence de moyens très importants. Il faut plutôt assurer une présence constante et efficace. Si nous avons préféré baser nos avions en Polynésie plutôt qu’en Nouvelle-Calédonie, c’est parce qu’en Polynésie, le vecteur utilisé pour surveiller la mer est principalement l’avion. La surveillance doit se doubler de la disponibilité sur place de moyens d’action en cas de besoin. Mais la mer ne s’occupe pas : assurer la souveraineté dans un espace maritime, ce n’est pas la même chose que garder un territoire. Pour assurer notre souveraineté dans ces zones, mieux vaut quelques moyens mobilisables toute l’année plutôt que de nombreux bateaux aux capacités d’action limitées : l’important n’est pas le nombre, mais la présence – il faut « montrer le pavillon ».
M. Philippe Vitel, président. L’idée d’acheter d’occasion aux Américains un quatrième Hawkeye est-elle définitivement abandonnée ?
Amiral Pierre-François Forissier. Oui car cet avion n’est plus à vendre…
M. Christophe Guilloteau. Le 2 juin 2009, un avion français s’écrasait au large du Brésil. La marine française a pris part activement aux recherches. A-t-on une idée du coût de ces opérations ? La responsabilité d’Air France peut-elle être engagée ?
Amiral Pierre-François Forissier. Le coût n’est pas très difficile à calculer, mais je ne dispose pas ici d’un chiffrage. Dans ces circonstances, il n’est pas un critère : notre éthique nous conduit à intervenir, au seul motif de la solidarité. Au début, nous avons essayé de retrouver d’éventuels survivants ; puis des indices nous ont fait penser que malheureusement, il n’y en avait pas. Nous avons alors tout mis en œuvre pour retrouver les boîtes noires, avec l’aide des Américains et des Brésiliens, mais c’était chercher une aiguille dans une botte de foin. Nous avons fait le maximum, mais nous n’avons pas réussi.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.
Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jean-Louis Bernard, M. Daniel Boisserie, M. Dominique Caillaud, M. Patrice Calméjane, M. Jean-Jacques Candelier, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy Chambefort, M. Gérard Charasse, M. François Cornut-Gentille, M. Nicolas Dhuicq, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, M. Michel Grall, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, Mme Françoise Hostalier, M. Marc Joulaud, M. Jacques Lamblin, Mme Marylise Lebranchu, M. Gilbert Le Bris, M. Christian Ménard, M. Jean Michel, M. Georges Mothron, M. Étienne Mourrut, M. Alain Moyne-Bressand, M. Guy Teissier, M. Marc Vampa, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin.
Excusés. – Mme Patricia Adam, M. André Gerin, M. Jack Lang, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Daniel Mach, M. Franck Marlin, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Bruno Sandras, M. Michel Sordi, M. André Wojciechowski.
[MERCI à CLAUDE G.]
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