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Hannah Arendt & Le Procès Eichmann : La banalité du mal (Volet n°1) !

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Hannah Arendt Bande Annonce du film, au cinéma le 24 avril 2013.

Hannah Arendt Bande Annonce du film, au cinéma le 24 avril 2013.

Jerusalem 1961. Procès Eichmann. La philosophe juive allemande qui allait déclencher la controverse...

1961 - La philosophe juive allemande Hannah Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d'Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de juifs. Les articles qu'elle publie et sa théorie de "La banalité du mal" déclenchent une controverse sans précédent. Son obstination et l'exigence de sa pensée se heurtent à l'incompréhension de ses proches et provoquent son isolement. 

Hannah Arendt Bande Annonce du Film du film de Margarethe Von Trotta avec Barbara Sukowa. Abonnez vous maintenant pour ne rien rater des bandes annonces VF et VOST des films actuellement à l'affiche ou prochainement au cinéma !

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NOTE Jean-Luc PUJO

Un film exceptionnel à voir ! 

Face à la polémique relancée notamment par les propos déplacés de Claude LANZMANN - "Hanna ARENDT n'a rien compris"- nous soutenons totalement la thèse de la philosophe allemande. JLuc Pujo

Voir la page consacrée au dernier film de LANZMANN et à la polémique !

Lire ci-dessous l'article très clair de Pierre HASKI sur la lecture de Hanna ARENDT !

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« Hannah Arendt », le film (Pierre Haski/Rue89)

En voyant la bande-annonce et les affiches du film « Hannah Arendt » de Margarethe Von Trotta, qui sort ce mercredi en salles, j’ai surtout eu envie de relire (vous avez remarqué, on « relit » toujours Hannah Arendt) « Eichmann à Jérusalem », le texte qui figure au cœur du film.

« Eichmann à Jérusalem », 484 pages en collection Folio (transparence : je n’ai aucun intérêt dans les ventes du livre et Gallimard n’est pas mon éditeur !), n’est pas un livre de philo, mais un reportage.

Hannah Arendt a voulu suivre le procès d’Adolf Eichmann, ce haut responsable nazi en charge de la mise en œuvre de la « solution finale » pour les juifs, kidnappé par les Israéliens alors qu’il vivait caché en Argentine, et qui fut jugé par un tribunal spécial en 1961-1962 à Jérusalem. Eichmann fut condamné à mort et exécuté.

L’intellectuelle d’origine juive allemande, qui avait fui son pays pour vivre en France puis aux Etats-Unis après la montée du nazisme, s’est rendue à Jérusalem pour « couvrir » le procès pour le magazine américain The New Yorker. Elle était déjà accompagnée d’une solide réputation après la publication de son « Origine du totalitarisme » ; d’une réputation polémique, aussi, pour ses écrits critiques sur le sionisme.

La banalité du mal

Elle publiera cinq articles de fond dans The New Yorker, qu’elle reprendra ensuite pour ce livre qui déclenchera une tempête publique et privée.

C’est écrit comme un reportage sur un événement de portée historique, pas comme une thèse philosophique, même si elle y développe son concept de « banalité du mal » au cœur de la polémique.

Hannah Arendt sera violemment attaquée, comme peu d’intellectuels ont pu l’être au XXe siècle, pour avoir fait le portrait d’Eichmann en homme médiocre, banal rouage d’une machine infernale, plutôt que comme personnage exceptionnel, monstrueux, spectaculaire, comme le voulaient les initiateurs israéliens de ce procès « pour l’exemple et pour l’histoire ».

Elle écrit :

« Malgré tous les efforts de l’accusation, tout le monde pouvait voir que cet homme n’était pas un “monstre” ; mais il était vraiment difficile de ne pas présumer que ce n’était pas un clown. Et comme une telle présomption aurait été fatale à toute l’entreprise, comme il était aussi assez difficile de la soutenir vu les souffrances qu’Eichmann et ses semblables avaient infligé à des milliers de personnes, ses pires clowneries passèrent quasiment inaperçues et l’on n’en rendit jamais compte. »

Dans sa postface à une seconde édition, répondant à ses détracteurs, elle enfonce le clou en soulignant qu’« il est dans la nature même du totalitarisme, et peut-être de la bureaucratie, de transformer les hommes en fonctionnaires, en “rouages” administratifs, et ainsi de les déshumaniser ».

« Un citoyen obéissant à la loi »

Comme l’écrit Laure Adler dans sa biographie d’Arendt :

« Hannah ne conteste nullement la responsabilité d’Eichmann, mais elle explique son manque de conscience de culpabilité par le mécanisme du nazisme qui avait mis le commandement du Führer au centre absolu de l’ordre juridique. Eichmann était donc un citoyen obéissant à la loi. »

Dans sa présentation du livre en français, Michelle-Irène Brudny-de-Launay rappelle qu’Hannah Arendt fut accusée de se montrer plus bienveillante vis-à-vis de Eichmann que vis-à-vis de ses victimes. Mais elle explique :

« Quant à la banalité du mal, elle a pour fonction, en reprenant la vision kantienne de la “Religion dans les limites de la simple raison” selon laquelle l’homme n’est pas diabolique, de souligner, de manière polémique, qu’Eichmann n’est pas une figure démoniaque, mais plutôt l’incarnation de l’“absence de pensée” chez l’être humain. »

Cette thèse, largement acceptée aujourd’hui (Rony Brauman et Eyal Sivan y ont contribué en 1999 en reprenant, dans le film « Un spécialiste », les images du procès Eichmann à la lumière des écrits d’Arendt), et qui a ressurgi lors de situations similaires comme les procès de Khmers rouges au Cambodge (voir les films de Rithy Panh ou les livres de François Bizot), ou dans ceux des tribunaux de la justice internationale, fut largement combattue à l’époque.

En disant cela, Hannah Arendt faisait ressortir la capacité de tout être à devenir l’un de ces serviteurs dociles de systèmes monstrueux, une pensée insupportable pour les survivants de la Seconde Guerre mondiale qui tentaient de se reconstruire « après Auschwitz ».

D’autant qu’Arendt ne s’arrêtait pas là. Elle mit en cause de manière là aussi violente l’attitude de la communauté juive d’Europe qui s’est, selon elle, laissée massacrer sans se révolter. Elle s’en prenait en particulier aux conseils juifs mis en place par les nazis, et qui « coopérèrent » (une première traduction française avait employé le mot « collaborer »...) avec leurs bourreaux.

« Réexamen du sionisme »

Mais il faut dire que Hannah Arendt n’en est pas à sa première polémique. Elle s’est en effet mise à dos une partie de la communauté juive organisée, en particulier aux Etats-Unis, en critiquant sévèrement l’évolution du sionisme auquel elle a initialement adhéré, au point de se voir stupidement traiter d’« antisémite ».

Dans un autre recueil d’essais, « Auschwitz et Jérusalem », on peut lire « Réexamen du sionisme », un texte d’octobre 1944 (en pleine guerre, donc), dont il est précisé qu’il avait d’abord été refusé par la revue américaine Commentary, « alléguant qu’un lecteur mal intentionné pourrait y déceler trop d’implications antisémites », avant de paraître dans Menorah Journal, toujours aux Etats-Unis.

Dans ce texte important, Hannah Arendt dénonce le fait que la section américaine de l’Organisation sioniste mondiale ait gommé la référence aux Arabes dans sa vision de la future Palestine, « ce qui ne leur laisse manifestement plus d’autre choix que l’émigration volontaire ou le statut de citoyens de deuxième classe ». La suite ne l’a pas démentie.

Et elle conclut, quatre ans avant la naissance d’Israël :

« Ainsi, le mouvement national juif social-révolutionnaire qui prit son essor il y a un demi-siècle avec des idéaux si élevés qu’il en oublia les réalités du Proche-Orient et la méchanceté générale du monde, en est-il arrivé, comme la plupart de ces mouvements, à soutenir sans ambiguïté des revendications non seulement nationales, mais même chauvines, non pas contre les ennemis du peuple juif mais contre ses amis potentiels et ses actuels voisins. »

Prise de risque

Toute sa vie, Hannah Arendt a pris des risques intellectuels et même personnels – sa liaison amoureuse avec le philosophe allemand Martin Heidegger, membre du parti nazi –, explorant des territoires minés.

Aujourd’hui, paradoxalement, en particulier en France, son œuvre est reconnue et étudiée, vulgarisée au point que la « banalité du mal » en soit presque devenue un cliché journalistique. Le film de Margarethe Von Trotta replace la femme et sa pensée dans son contexte historique des années 60, explosif et polémique.

Mais rien ne remplace la lecture de ses textes, à commencer par « Eichmann à Jérusalem », qui frappe par son universalité et son actualité, hélas sans cesse renouvelée.

SOURCE:

http://www.rue89.com/rue89-culture/2013/04/24/avant-daller-voir-film-hannah-arendt-lisez-241752

A LIRE :

LIRE LE VOLET N°2 : Hannah Arendt & Le Procès Eichmann : "Hanna ARENDT n'a rien compris" Claude LANZMANN (Volet n°2) !

ET

LIRE LE VOLET N°3 - Hannah Arendt & Le Procès Eichmann : "The Defense of a Jewish Collaborator" Mark Lilla in NYRB (Volet n°3)

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