Départ de Moubarak : "L'Egypte face à l'inconnu" par M. TROUDI
Trente années de pouvoirs sans partage, le désormais ex président Hosni Moubarak, cède devant la pression de la rue, qui au bout de 18 jours de manifestions a eu raison d'un des dictateurs les plus abjects que le monde arabe ait connu.
Hier le printemps tunisien, aujourd'hui le printemps égyptien, mais à qui le tour ?
Une chose est sûre, il se passe quelque chose de plus important qu'une simple expression d'un ras-le-bol général d'une population en total désarroi et longtemps oubliée, laissée pour compte.
Ce soir, s'en est terminé de l'ancien régime couvert, dorloté par les puissances mondiales en tête desquelles figuraient les Etats-Unis et accessoirement l'Europe. L'ex-président a jusqu'à la dernière minute bénéficié d'une relation très privilégiée avec les administrations américaines successives et notamment les plus extrémistes je veux parler de l'ancienne administration de l'ex-président Bush.
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L'autoritarisme de Moubarak rarement contesté pendant ces trente dernières années de dictature a désormais vécu. L'inconnu aujourd'hui c'est l'armée : comment va-t-elle assurer la transition et quel sera le rôle du général Souleimane, ancien chef des renseignements militaires et actuel vice-président très récemment installé à ce poste ( une première en Egypte) par l'ancien président ? Alors qu'il est détesté par la population, pour avoir été le deuxième homme fort de l'ancien régime Moubarak ?
Néanmoins, on peut penser que les deux hommes véritablement décisifs aujourd'hui sont le ministre de la défense et le chef d'état major de l'armée, deux hommes appréciés par le peuple notamment pour leur position pour le moins courageuse et salutaire permettant à l'armée de rester neutre pendant ces 18 jours de révolte.
Deux possibilités semblent se présenter aux égyptiens : ou bien l'armée assure la transition vers une véritable démocratie dans ce pays phare qui forme le cœur battant du monde arabe, ou bien le vide politique laissé par l'ancien président pourrait être source de tensions et de règlements de compte comme on l'observe dans le cas tunisien aujourd'hui.
Mais de tous ces inconnus la question régionale notamment sur le plan géopolitique et diplomatique semble constituer le défi majeur auquel doit faire face et le nouveau pouvoir transitoire et le voisin israélien qui suit avec une inquiétude certaine et légitime ce printemps égyptien.
Quelle serait la position du nouveau pouvoir égyptien vis-à-vis des engagements de l'Egypte vis-à-vis du traité de paix israélo-égyptien ? Quelle serait sa position également sur les relations à adopter envers les mouvements de la résistance palestinienne en tête desquels le Hamas ? Je rappelle que ce dernier a été largement affaibli par une politique de positionnement claire de la diplomatie de Moubarak sur les positions israélo-américaines notamment son silence pour ne pas dire sa complicité dans la guerre désastreuse dite « plomb endurci » engagé par « Tsahal » en décembre 2008 contre le territoire de Gaza dont plus de 1500 de personnes essentiellement des civils en ont fait les frais.
Il faut noter que récemment les frères musulmans tout en assurant respecter les engagements du pays, déclarent néanmoins qu'ils ouvriraient le passage de « Rafah » entre l'Egypte et la bande de Gaza et qu'ils s'engageraient à relancer et rebâtir des nouvelles relations étroites avec la population palestinienne, devoir que dicte la solidarité musulmane de l'Egypte, affirmaient les frères musulmans.
Les Etats-Unis et certaines capitales européennes, sont désormais devant un dilemme diplomatique et géopolitique : comment soutenir ce printemps égyptien, encourager une véritable transition démocratique juste et durable dans ce pays et en même temps garantir la sécurité de l'Etat hébreu après ce séisme politique dont l'effet de domino est certains ?
Les prochains jours et les mois à venir nous en apprendrons davantage.
M. Troudi, politologue, chercheur en relations internationales et stratégiques, associé à l'IIES, analyste en politique internationale, intervient régulièrement sur POLITIQUE-ACTU.