Christiane Desroches Noblecourt : La «grande dame du Nil » !
Le 23 juin 2011, Christiane Desroches Noblecourt (97 ans) a rejoint le royaume d'Osiris après une vie toute entière vouée à l'égyptologie...
C'est, en trois ans, la troisième grande scientifique française à se retirer, après l'ethnologue Germaine Tillion, ancienne résistante comme elle, disparue le 19 avril 2008 à près de 101 ans, et l'helléniste Jacqueline de Romilly, morte le 18 décembre 2010 à 97 ans.
Retour sur un petit brin de femme dont la foi a déplacé les montagnes de Nubie.
Née en 1913 à Paris, dans la famille d'un avocat catholique aux idées larges, Christiane Desroches se prend de passion pour l'Égypte ancienne à 9 ans, à l'annonce de la découverte du tombeau de Toutankhamon. Avec le soutien de son père, elle suit les études appropriées : École du Louvre, École pratique des hautes études... et entre au département d'égyptologie du Louvre.
Elle a 25 ans quand elle se rend au Caire pour diriger des campagnes de fouilles. L'arrivée d'une jeune femme, la première égyptologue de l'histoire, fait sensation mais par son tempérament teigneux et du haut de ses 1,50 mètre, elle a vite fait de remettre chacun à sa place.
De retour en France, dans un pays occupé par les Allemands, elle s'occupe des antiquités égyptiennes du Louvre, mises à l'abri dans le Gers. Elle noue des contacts avec les réseaux de la Résistance, qui lui vaudront d'être médaillée. Elle trouve le temps aussi de se marier avec un ingénieur, André Noblecourt.
Le sauvetage des temples de Nubie
Un nouveau défi lui est lancé en 1954 quand, chef du département des antiquités égyptiennes du Louvre, elle prend connaissance du projet de construction d'un barrage géant sur le Nil, à Assouan, à l'initiative du raïs Nasser, destiné à développer l'irrigation et produire de l'électricité.
Au nom de l'UNESCO, elle remue ciel et terre pour que soient sauvés 24 temples pharaoniques de Haute-Égypte menacés de submersion, en particulier le ravissant temple de Philae et les deux temples géants construits par Ramsès II à Abou Simbel.
En 1960, grâce au soutien de cinquante pays, le plus grand déménagement de l'Histoire est engagé. Les temples sont découpés à la scie en blocs de 20 tonnes et remontés 64 mètres plus haut, hors de portée des eaux. Un travail proprement pharaonique. Reste le cas d'un temple trop délicat pour être découpé, celui d'Amada.
Elle demande une entrevue au président de Gaulle et lui avoue avoir annoncé par anticipation à la tribune de l'UNESCO que la France sauverait ledit temple ! La suite ci-après, racontée par l'héroïne elle-même (voir la video)
Une bibliographie pharaonique
Par ses actions comme par ses nombreux livres (une quinzaine d'ouvrages majeurs), Christiane Desroches Noblecourt a entretenu la flamme de l'égyptologie, dans le sillage de Champollion, Marette et quelques autres savants de grand mérite.
Ses ouvrages, très accessibles à un public cultivé, traduisent son amour pour cette civilisation à laquelle elle a voué sa vie. Dans ses biographies très détaillées de Ramsès II, elle fait revivre le pharaon avec des accents d'authenticité proprement incroyables. Mais c'est à la reine Hatshepsout, seule pharaonne de l'Histoire, qu'elle réserve la plus grande tendresse.
Tirant parti de toutes les ressources de l'archéologie et de l'épigraphie (les inscriptions sur les monuments), elle montre dans La femme au temps des pharaons (Stock, 1986) des Égyptiennes relativement épanouies et libérées, dans une société fondée sur la monogamie (à l'exception notable du pharaon).
Dans son dernier livre, Le fabuleux héritage de l'Égypte (Télémaque, 2004), elle exprime la conclusion de ses travaux, à savoir que nous sommes au moins autant redevables aux Égyptiens qu'aux Grecs.
Nous leur devons pêle-mêle la brique, le jeu de l'oie, l'alphabet, le calendrier, les animaux des fables d'Esope et de La Fontaine, le test de grossesse, les traitements de la cataracte ou de la migraine, les châteaux forts ou encore la symbolique chrétienne de la résurrection et de l'eucharistie !
André Larané
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