« EDF/NUCLEAIRE - Constellation, les raisons de la discorde » Par Julie de la Brosse
Le partenaire américain d'EDF a abandonné ce week-end le projet d'EPR dans le Maryland. Les relations entre les deux groupes sont extrêmement tendues. Le scénario du divorce se précise. Explications.
Constellation Energy
Coup dur pour EDF aux Etats-Unis. Ce week-end son partenaire américain Constellation a renoncé au projet phare de construction de centrale nucléaire EPR dans l'Etat du Maryland. Les relations entre les deux groupes sont extrêmement tendues. Selon une source proche du dossier, la situation aurait même "empiré depuis ce matin" lundi, ce qui pourrait avancer la date du divorce entre les deux groupes.
Pourquoi Constellation a renoncé au projet du Maryland ?
Officiellement pour des raisons financières. Pour construire la centrale nucléaire de nouvelle génération Calvert Cliffs 3 dans l'Etat du Maryland, les deux groupes doivent décrocher auprès du département de l'énergie américain une garantie de prêt fédéral de 7,5 milliards de dollars. Sans celle-ci, impossible en effet d'obtenir quoi que ce soit des banques. Mais Constellation considère que le coût de cette caution - 880 millions de dollars- est trop élevé, ce qui "créerait des risques inacceptables" pour l'entreprise déjà confrontée à des difficultés financières. Il a donc abandonné les démarches auprès du département de l'énergie. Pour l'électricien français, qui s'est dit extrêmement surpris par cette décision, c'est la douche froide. Comme pour l'administration américaine d'ailleurs, qui, selon le Washington Post était à deux doigts d'accorder la garantie indispensable. Pour certains observateurs, le groupe américain pourrait en fait tenter le coup de bluff pour obtenir de nouvelles concessions du département de l'énergie. Il pourrait aussi, et c'est l'avis de la grande majorité, être en train de faire volte-face sur sa stratégie nucléaire. A cause de la baisse des prix du gaz, liée la découverte de gisements de gaz non conventionnel aux Etats-Unis, Constellation ne partagerait plus les ambitions nucléaires d'EDF.
Est-ce que cela signe l'échec d'EDF aux Etats-Unis ?
Tant que les motivations de Constellation resteront floues, difficile à dire. Mais il est sûr que les choses se compliquent sérieusement pour EDF. Cela fait plusieurs semaines que son partenaire américain freine sur le dossier. Récemment, L'Expansion révélait que l'entreprise voulait réduire sa participation de 50 à 25% dans le financement du projet de Calvert Cliffs. Or, EDF ne peut continuer seul à construire et exploiter des réacteurs aux Etats-Unis. La législation américaine prévoit en effet qu'un investisseur étranger ne peut pas détenir plus de 49% d'une centrale nucléaire aux Etats-Unis. S'il veut poursuivre le projet - pour lequel il a déjà déboursé quelques 600 millions de dollars- EDF devra donc trouver un autre partenaire. Mais cela pourrait s'avérer difficile. Dans l'Etat du Maryland, le constructeur d'une centrale n'a aucune assurance sur le prix de vente de l'énergie qu'il produit. Sans ces tarifs réglementés, et avec la baisse des prix du gaz, la rentabilité de l'activité reste donc très incertaine, ce qui n'est pas de nature à rassurer les partenaires potentiels. Pour EDF en tous cas, il n'est pas question de faire machine arrière. Il a confirmé dès lundi "// sa volonté de poursuivre son engagement dans le renouveau nucléaire aux États-Unis//". Il faut dire que stratégiquement, le retrait des Etats-Unis serait un bel échec pour le groupe, qui a déjà investi 6 milliards de dollars là-bas depuis 2007.
Areva résolument optimiste
Le groupe nucléaire Areva, qui conçoit l'EPR, s'est dit "raisonnablement optimiste" quant à l'issue de cette affaire. Le groupe a souligné que les négociations se poursuivaient entre EDF, Constellation et l'administration américaine.
Quelles seront les conséquences d'un éventuel divorce entre EDF et Constellation ?
Depuis Abou Dhabi déjà, la filière nucléaire française n'a plus vraiment le droit à l'erreur. Un deuxième échec pour Areva et EDF serait en effet dramatique pour la technologie de l'EPR 3ème génération. Mais c'est surtout financièrement qu'un divorce serait catastrophique pour l'électricien français. Pour pouvoir s'allier à Constellation, EDF s'est engagé en 2008 à racheter, si l'électricien américain le demandait, certaines de ses centrales thermiques pour un prix fixe de 2 milliards de dollars. Or depuis la signature de cette clause, la valeur de ces actifs a été dépréciée d'au moins 50%. Si EDF était obligé de les racheter à ce tarif, sa perte sèche s'élèverait donc au minimum à un milliard d'euros. Or, même dans l'hypothèse où la direction de Constellation ne voudrait pas se brouiller définitivement avec le français, ses actionnaires ne lui laisseraient probablement pas le choix. Pour un PDG en effet, difficile de tirer un trait sur un gain potentiel de 400 millions de dollars (il est prévu que le gouvernement fédéral récupère les 600 millions restants). Le divorce entre les deux groupes pourrait donc être plus rapide que prévu. Ce qui là encore serait particulièrement défavorable à EDF. Depuis 2008, année d'achat de 49,9% des actifs nucléaires de l'américain, l'action Constellation Energy a perdu près de 40 % de sa valeur...
Source :
http://www.lexpansion.com/entreprise/edf-constellation-les-raisons-de-la-discorde_240516.html
[Merci à Claude]