"La maîtresse italienne" de Jean-Marie ROUART - La chronique anachronique de Hubert de Champris
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La chronique anachronique de Hubert de Champris
- Jean-Marie Rouart, La Maîtresse italienne, Gallimard, 172 p., 19 €.
L’affiliation au gaullisme, entendu comme doctrine politique, implique-t-elle, sauf contradiction dans l’esprit et dans les termes, certains rattachements connexes ?
Peut-on se dire gaulliste et carolingien, par exemple ?
Ou bien, le dévouement à la personne du Général entraîne-t-il à l’opposé une affection particulière pour l’ensemble des Capétiens ?
On connaît la tripartition des droites selon René Rémond.
Pouvons-nous défendre l’œuvre de la Cinquième République gaullienne tout en nous inscrivant dans le camp des Orléans, ou des orléanistes ?
La Droite gaulliste est-elle fatalement de veine bonapartiste ?
Et, encore, doit-on distinguer entre Bonaparte et Napoléon Ier, entre le Premier Consul et les guerres de l’Empereur ?
En bonne logique, ce dont nous sommes certains, c’est que la fibre gaulliste, ne se dirait-elle que ‘‘gaullienne’’, entraîne un ralliement à la personne de Bonaparte puis à celle de Napoléon Ier.
A sa personne, à ses amours, à ses entours.
Qui l’aime, le suive !
Fusse à deux siècles de distance.
Et, lorsqu’on aime, quelle délectation que de s’en retourner sur les lieux du crime, c’est-à-dire sur les terres (et les mers) où, selon la formule consacrée, votre héros a aimé et souffert.
Jean-Marie Rouart ne se lasse pas de ces pèlerinages.
Reportez-vous à sa biographie de Morny qu’il évoque au travers de cette Maîtresse italienne en mettant en scène le père, Charles de Flahaut et son non moins parent Talleyrand ; chevauchez avec ce Cavalier blessé pour retrouver ce que peuvent avoir d’emblématiques les souffrances amoureuses vécues sous l’empire de la passion, avec ses fêtes et ses défaites ; assimilez le tout de l’époque et de la personne, en contemplant, au travers d’épisodes bien sentis, ce qu’une Destinée peut bien vouloir dire.
En somme, cette Maîtresse est un condensé, une suite de cartouches dont la centre est l’île d’Elbe et qui renvoie tantôt à Paris, tantôt au Congrès de Vienne qui se tient en même temps que l’exil en l’île, tantôt à Florence et l’Italie, où séjourne cette fameuse jeune comtesse Miniaci qui se joue de Neil Campbell, cet officier anglais dont on ne sait à la vérité si les sens par elle enflammés auraient pour un peu modifié le sens de l’Histoire en empêchant l’empereur de s’évader et d’aller vers sa fin politique.
Ce livre est donc presque une pièce de théâtre, pour le moins un script élaboré qui se lit pour ainsi dire au pas de charge et sabre au clair. Car Jean-Marie Rouart craint de s’ennuyer et veut éviter que le lecteur éprouve à son tour cet ennui redouté.
Aussi procède-t-il par sprints successifs ; on sent qu’il appréhende le demi-fond et coupe court assez tôt dès qu’il ne se sait certain de terminer sa course, illuminant notre lecture d’étincelles successives de peur, contrairement à ce qu’il souhaiterait en son fond, de ne pas entretenir la flamme.
« Au plus dru » pourrait être ici – mais ici seulement – sa devise.
Elle est celle des ravis.
Non, bien sûr, celles des ravis de la crèche, mais celle des amoureux de la vie, de tous ceux qui aiment à se prendre aux ravissements du courage et des sens.
Et, puisqu’il était plus avant question de doctrine politique, on s’inscrira, par exception, dans la lignée de ceux qui, s’inscrivant en faux contre Maurras, montrent que Napoléon Ier (et, s’il en est, ses épigones), quand bien même ne les incarnaient-ils pas, mettaient tout du moins en scène des idées généreuses.
Hubert de Champris *
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[NDLR : La redaction de politique-actu.com est heureuse d'acceuillir de nouveau les chroniques d'Hubert de Champris dont nous apprécions la qualité d'analyse et la liberté de ton. Merci à cette plume exceptionnelle. JLPujo]