Le Guide du prisonnier - 4ème édition - Observatoire International des Prisons (OIP)
La quatrième édition du Guide du prisonnier, après 8 années pendant lesquelles il n'a cessé d'être utilisé, intervient dans une période d'alternance politique marquée par le souhait affirmé de réduction de la surpopulation pénale, d'amélioration du respect des droits des détenus et de leurs conditions de vie. « Les prisons sont pleines, mais vides de sens », affirme la garde des Sceaux Christiane Taubira. Si les prisons sont vides de sens, c'est notamment quand elles sont le lieu d'atteintes ou d'entorses aux droits fondamentaux de la personne.
Définie par la loi et ses règlements, la prison est aussi régie par des pratiques et des procédures locales parfois difficiles à connaître, donc à évaluer pour les faire respecter et parfois en interroger la légitimité. Le Guide du prisonnier permet de mieux se repérer dans cette complexité. Il décrit le plus précisément possible l'état du droit et de son application au quotidien. En permettant de voir ce qui devrait changer, il a aussi une fonction de lutte pour accélérer l'entrée inéluctable en prison des valeurs et des transformations de la société du dehors. Tâche difficile car elles sont terriblement filtrées, ralenties, parfois détournées par la culture de pragmatisme routinier de l'institution carcérale et par le scepticisme fier de ceux qui en ont la charge au-dedans. Moderniser ne va pas non plus sans problèmes nouveaux.
Si beaucoup d'anciennes prisons sont ou vont être remplacées par des bâtiments, des cellules, des « conditions d'hôtellerie » plus modernes et hygiéniques, le malaise persistant et parfois accru des personnels et des détenus doit être analysé sans cesse pour nous obliger à remettre sur le métier la critique de cette institution devenue le mètre étalon de la punition des sociétés laïques. Contacts impersonnels par interphones, caméras, télésurveillances vont de pair avec l'arrivée de l'eau chaude et de douches individuelles dans certaines cellules. Si la modernisation est souhaitable, il faut refuser qu'elle soit payée trop cher en souffrances psychiques nouvelles quand elle réduit encore plus ce qui fait lien social et ce qui humanise. Cela serait aller de mal en pire après le temps des vieux murs crasseux que nous voulons bannir.
Le droit, les droits des détenus, sont ceux qui permettent et aident à vivre, à survivre, dans ce passage punitif d'un temps de vie contraint par la sanction pénale avant le retour dans le monde ordinaire. Mais c'est aussi par le cadre, la signification et la dynamique qu'ils induisent, l'espace de respect mutuel et d'apprentissage qui dit l'envie et la possibilité après le retour dans la société ordinaire d'y vivre avec les autres hors des champs multiples de la transgression.
Les avancées et exigences supranationales de la loi nationale sont parfois en avance sur l'opinion publique et celle des professionnels. « L'administration pénitentiaire garantit a toute personne détenue le respect de sa dignite et de ses droits », affirme ainsi l'article 22 de la loi pénitentiaire adoptée en 2009. Il faut donc se battre pourque les avancées des droits des détenus ne restent pas des énoncés démocratiques et un alibi humanitaire n'existant que dans les écrits du législateur. Respecter réellement les droits tels qu'ils sont et sans contournements, c'est l'intérêt des détenus et de leurs familles, mais c'est aussi l'intérêt de toute la société. Comme pour tous ceux qui sont dépendants et isolés dans une institution fermée, le respect des règles les concernant est mieux garanti quand ils les connaissent et encore plus quand cette connaissance est partagée avec ceux qui les encadrent. C'est bien la finalité de cet ouvrage édité par l'équipe de l'OIP : apporter les connaissances qui protègent et font avancer les droits.
Antoine Lazarus, président de la section française de l'OIP
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