"Dieu – La Science – Les Preuves" de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies - chronique anachronique de Hubert de Champris
[NDLR : La redaction de politique-actu.com est heureuse d'acceuillir de nouveau les chroniques d'Hubert de Champris dont nous apprécions la qualité d'analyse et la liberté de ton. Merci à cette plume exceptionnelle. JLPujo]
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La chronique anachronique de Hubert de Champris
- Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies, Dieu – La Science – Les Preuves, préface de Robert W. Wilson, Guy Trédaniel éditeur, 576 p. 24 €.
La cosmologie étant une science « dure », une science exacte, la théologie, en tant que science et connaissance de Dieu, d’un dieu créateur de l’univers visible et invisible comme l’enseigne le credo chrétien, devrait, du même pas, l’être pareillement. Tel est le sens sous-jacent à cette œuvre co-conduite par des gens aussi divers que le frère de Vincent Bolloré, Michel-Yves Bolloré, JR Armogathe, de l’AIBL (Académie des Inscriptions et Belles lettres) ou Jean Staune, encyclopédiste, entre autres qualifications, spécialiste de la science de la logique. Dieu, la Science, les Preuves est un ouvrage complet et inspiré, inspiré en cela même par quoi il pourrait susciter les réserves des âmes les mieux intentionnées, celles des savants qui font l’effort de soupeser le taux de véracité des diverses religions sur le marché mondial : le chapitre sur le peuple juif en tant que ‘‘peuple élu’’ et celui sur la fameuse apparition mariale de 1917, à Fatima (Portugal). Nous n’aborderons ici que la question du moment de la création de l’univers, celle des virtualités du théorème d’incomplétude de Gödel en ce qui regarde la véracité d’une création divine de cet univers ainsi que la fallacieuse confusion entre prédestination et préscience divines.
La question de « l’instant de Planck ».
Il est celui qui inaugure la survenue de l’espace-temps à t0 ; il est à proprement parler antérieur au fameux Big-Bang, lequel n’intervient qu’après, à 10-43 s, soit une durée inférieure à la durée d’un éclair au sein d’une durée de 13 milliards 800 millions d’années (l’âge actuel de l’univers). La durée de « l’instant de Planck » équivaut donc à dix millions de milliards de milliards de milliards de milliards de seconde.
Dans l’ouvrage de Bolloré et Bonnassies, il y a contradiction entre les pages 88, 91 et la p. 543 (inversion des ‘‘temps/instants’’) et il n’est rien dit sur le contenu de cet instant minimal inconcevable pour l’homme mais pas pour Dieu, sauf à se référer à la figure de la p. 88 : lors de cet ‘‘instant de Planck’’ se seraient produit des « fluctuations quantiques » (le fameux « Cantique des quantiques » de nos physiciens-poètes). Le Big-Bang proprement dit ne survient donc qu’à dix millions de milliards de milliards de milliards de milliards de seconde après. Cet instant minimal correspond à un statut incertain de l’espace-temps-matière-énergie puisque, ainsi qu’il est écrit p. 517 : « [la causalité divine] n’a pas agi avant le premier instant de l’univers, mais au premier instant de l’univers. » Mais, si vous vous reportez par exemple aux pages 88, 91, 517 ou 543, vous remarquerez que les auteurs, tantôt font se précéder, tantôt font se succéder ces « moments » certes inaccessibles à la raison et à l’imagination de l’Homme mais, pourtant, fondamentaux quant à notre tentative d’appréhension/compréhension de l’instant créateur initial. Nous sommes donc en présence de ce schéma : t0 : fluctuations quantiques, survenue de l’espace-temps mais statut indéfinissable de la matière-énergie-temps ; t10-43 s, le Big-Bang ; 380000 années après, apparition de la lumière (soit de l’univers tel qu’il est décelable par nos télescopes les plus avancées).
Le théorème d’incomplétude de Gödel :
Il nous permet d’envisager raisonnablement et rationnellement que :
- Les vérités mathématiques existent en soi (réalisme platonicien), indépendamment de l’esprit humain qui ne fait que les capter,
-L’univers n’est pas auto-suffisant et qu’il ne peut ainsi qu’avoir été créé/causé/déterminé par une instance atemporelle, la seule pleinement soluble dans la notion d’éternité,
-Sous réserves qu’un ensemble puisse être compris/compressé en un système arithmétique/numérique (dont les éléments constitutifs indispensables puissent être identifiés, décomptés), il est alors permis de jauger sa (ou son taux) de vérité (ex. le bouddhisme, l’univers etc). A cette aune, en bonne logique, selon les principes de Gödel, le christianisme devrait pouvoir être dit vrai.
La question de la liberté humaine.
L’omniscience fait partie des qualités/caractères constitutifs d’un Dieu personnel. La préscience est naturellement incluse dans l’omniscience, point qui aurait dû être mentionné p. 530. Elle n’est pas synonyme de prédestination comme le sens commun (et Calvin) nous pousseraient à le croire. Dieu voit et sait simplement ce que nous ferons de notre liberté. Mais les praticiens et le vulgus pecum finissent parfois à se rendre à l’impression de ce sens commun et par se dire en substance : bon au fond puisque c’est vu, visible avant, il n’y a pas à tergiverser, c’est donc que cela ne peut qu’advenir.
Quoique cet ouvrage n’aborde pas la question de l’éventuelle existence d’une intelligence, d’une civilisation humaine extraterrestre (et de sa compatibilité avec la révélation chrétienne) ni celle de l’existence, non pas d’un multivers, mais d’autres dimensions de l’espace-temps accessibles post-mortem, Dieu, la Science, les Preuves de Bolloré, Bonnassies, Staune, Armogathe et consorts mérite bien son titre et la pleine et entière considération de l’homme cultivé, serait-il post-moderne.
Hubert de Champris *