Elus & Maires

"Le Conseil européen doit se saisir des réalités" CHEVENEMENT - Conseil Européen des 26-27 juin 2014

100582-jpc1aa.jpg

France 3 Corse répond à Chevènement

Le Conseil européen des 26 et 27 juin va se voir soumettre, en vertu du traité dit TSCG et dans le cadre procédural du « semestre européen », une série de recommandations par pays, visant à guider les Etats membres dans leurs politiques budgétaires et de réformes dites « structurelles ». 

J’ai lu soigneusement ces recommandations pour la France mais aussi pour l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne. C’est un programme d’assainissement à perte de vue, engagé simultanément dans tous les pays européens : Il s’agit en effet de ramener le déficit budgétaire « structurel » - objectif de moyen terme, à 0,5 % du PIB mais aussi le niveau d’endettement à 60 % du PIB.

Dans ce cadre contraint, l’Allemagne ne peut absolument pas jouer son rôle de locomotive de la croissance européenne. Si, en effet, les recommandations qui lui sont faites mentionnent « l’amélioration des conditions propices à une hausse de la demande interne », la portée de cette recommandation est immédiatement circonscrite – je cite – « à la réduction des taux élevés d’imposition et de cotisation de Sécurité Sociale en particulier pour les bas salaires ». Cette suggestion est franchement dérisoire, quand on lit dans le paragraphe précédent que l’Allemagne doit préserver une position budgétaire saine de façon à ce que le taux d’endettement de l’Etat, actuellement de 85%, reste sur une trajectoire descendante durable » ! Ce n’est pas avec ce genre de recommandation qu’on fera repartir la croissance européenne !

Pour la France, c’est une mise à la diète généralisée : effort d’économies budgétaires accru, plafonnement des retraites, rationalisation des allocations familiales et des aides au logement et, curieusement, réforme territoriale, comme si celle-ci pouvait générer des économies propres à réduire le déficit du budget à 3 % du PIB en 2015. Objectif évidemment hors d’atteinte quand on sait que le déficit sera encore de 4,1 % en 2014 du fait d’un tassement de 14 milliards des rentrées fiscales par rapport aux prévisions.

Viennent ensuite parmi les recommandations la réduction du coût du travail, la mise en cause du crédit impôt-recherche, la déréglementation des professions, l’ouverture des services à la concurrence, la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité, la réduction des niches fiscales et l’élimination des seuils, la suppression des subventions au diésel, la réforme du système d’allocation-chômage. J’en passe et des meilleures : ultime et cocasse recommandation : « faire en sorte que le gestionnaire unique des infrastructures des chemins de fers soit bel et bien indépendant par rapport à la SNCF ».

On croit rêver ! Sur quelle planète vivent donc les technocrates de la Commission européenne ? Celle-ci n’hésite même pas à outrepasser ses compétences en préconisant la réforme du système d’éducation, compétence nationale s’il en est. Bonjour la subsidiarité !

C’est la mise en tutelle généralisée de la démocratie républicaine ! La Commission préconise ainsi les fusions des collectivités et la suppression des doublons administratifs, éclairant d’un jour cru les motivations d’une réforme territoriale dont nous avions jusqu’ici quelque peine à percevoir la logique.

La Commission européenne, dans sa proposition au Conseil européen, va même jusqu’à critiquer les règles européennes en pointant, page 5 du document concernant la France, l’absence de ciblage de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur les entreprises exportatrices seules en mesure d’aider la France à retrouver sa compétitivité. On sait que ce sont les institutions européennes elles-mêmes qui, au nom de la concurrence, imposent une règle de non-discrimination entre les entreprises, handicapant ainsi toute politique industrielle.

Ce qui frappe dans la lecture des considérants, c’est le resserrement du cadenassage de nos choix politiques.

Deux considérants remontant à 2000, un à 2012 – c’est le pacte pour la croissance et l’emploi comprenant le TSCG -, trois en 2013 et trois déjà pour les trois derniers mois de 2014 :

Le 5 mars 2014 intervenait la présentation par la Commission du bilan concernant la France ;
Le 7 mai, la présentation par la France de son programme national des réformes ;
Le 2 juin, le projet de recommandation de la Commission au Conseil du 26 et 27 juin 2014 concernant la France.

Vous entendez, mes chers collègues, ce « cliquetis de chaînes » que j’avais annoncé lors de la ratification du TSCG le 20 octobre 2012. Que restera-t-il après la réunion du Conseil des 26 et 27 juin de la liberté de vote du budget par le Parlement ? Et que reste-t-il déjà de la liberté de la France de s’organiser en tous domaines, y compris l’éducation ou l’administration des collectivités locales, comme bon lui semble ? Où est passé l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui rappelle que le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ? Et l’article 3 de notre Constitution qui rappelle que c’est au peuple qu’appartient la souveraineté. Chacun d’entre nous peut ressentir que notre République n’est plus vraiment libre de ses décisions.

Nous ressentons aussi le poids de la doxa économique qui sous-tend la logique de ces recommandations. Tandis que les Etats-Unis revoient à la baisse leurs prévisions de croissance de 2,8 % à 2 % pour 2014. « Dans la zone euro, la faiblesse des crédits bancaires et des taux d’inflation (0,5 % en rythme annuel, en mai) pose – je cite Mme Lagarde, directrice du FMI, dans une interview du 16 juin au Handelsblatt – de graves menaces pour la reprise européenne ». L’évolution de la situation en Ukraine et en Irak comporte des risques de récession accrus, à travers notamment les prix du gaz et du pétrole. L’euro a retrouvé un cours de 1,36 dollar, supérieur de près de 20 % à son cours de lancement. Bonjour la compétitivité !

Mme Yellen, présidente du Federal Reserve Board, promet quant à elle une politique monétaire accommodante. Mais que fait de son côté la BCE ? Mme Lagarde n’a pas hésité à déclarer : « Si l’inflation devait rester obstinément faible, alors nous espérerions certainement que la BCE prenne des mesures d’assouplissement quantitatif par le biais d’achat d’obligations souveraines ».

Nous attendons, Monsieur le Ministre, que le Conseil européen, détenteur de la légitimité démocratique, se saisisse pleinement de la gravité de la situation économique. Le Vice-Chancelier allemand, M. Sigmar Gabriel, s’est prononcé récemment pour « davantage de souplesse budgétaire à l’égard des pays qui paient le coût des réformes imposées. »

Il est temps d’engager une autre politique au niveau européen détenteur de la légitimité démocratique, en commençant par faire baisser la parité de l’euro et en allongeant d’un an ou deux les objectifs de retour aux critères du pacte de stabilité. Les sociaux-démocrates sont au pouvoir en Allemagne. Ils doivent aussi prendre leurs responsabilités pour mettre la monnaie au service de l’économie et desserrer le carcan des disciplines que l’ordo-libéralisme allemand veut imposer au reste de l’Europe, au mépris d’une situation sociale qui n’a jamais été aussi dégradée : 23 millions de chômeurs dans les pays de la seule zone euro ! Un peu d’inflation supplémentaire est parfaitement tolérable. La BCE doit cesser de combattre, tel Don Quichotte, les dangers imaginaires que ses statuts lui commandent de terrasser. C’est là chose faite depuis longtemps. Il est temps d’affronter les problèmes réels !

A cet égard, j’aimerais dire quelques mots de l’Ukraine dont la situation qui y prévaut amènera sans doute le Conseil à se saisir. M. Porochenko propose la paix mais il fait la guerre. A ce jour il n’a pas ouvert le processus de négociation auquel il s’était engagé. Or, il faut bien négocier avec ceux avec qui on se bat. Il est facile d’excommunier l’adversaire en lançant contre lui une opération dite « antiterroriste ». La Russie a facilité la tenue de l’élection présidentielle ukrainienne du 25 mai. Le Président de la République française et la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne ont appelé, le 10 mai, je cite : « le lancement d’un processus de réforme constitutionnel aussitôt après les élections du 25 mai comportant un calendrier court, un processus de consultation inclusif impliquant toutes les parties prenantes concernées et les principaux domaines couverts par le processus, notamment la compétence des autorités régionales ».

La France a toujours déclaré ne pas vouloir placer l’Ukraine devant un choix impossible entre l’Europe et l’Ukraine. Or, un accord d’association doit être signé entre l’UE et l’Ukraine le 27 juin. La France n’a pas à distinguer entre les bons Ukrainiens et les mauvais, entre ceux qui seraient à l’Est ou à l’Ouest, entre les uniates de Lviv et les russophones de Donetsk Elle ne connaît que les Ukrainiens. Mais est-il concevable de signer un accord d’association avec un pays dont le Président persisterait à refuser d’ouvrir le dialogue avec les régions russophones de l’Est ? La semaine dernière l’opération dite « antiterroriste » s’est soldée par 200 morts. Le Commissaire bruxellois chargé du dossier aurait déclaré que les mesures prises par le Président Porochenko constituaient une « violence proportionnée » et par conséquent acceptable. Or, je constate qu’il y a eu déjà trois fois plus de morts du côté des militants russophones dits « séparatistes », qu’il n’y en avait eu du côté des militants de Maïdan. Le Président Porochenko a été élu pour faire la paix. Tant qu’une négociation n’aura pas été engagée il me paraîtrait normal de suspendre la conclusion de l’accord d’association, d’autant que 11 milliards d’euros ont déjà été promis à l’Ukraine par l’Union européenne. Selon le Commissaire Oettinger la Grèce ne serait à côté de l’Ukraine qu’une « bagatelle ». Mais l’accord d’association ne peut en aucune manière valoir promesse d’adhésion à l’Union européenne. Celle-ci ferait mieux de se préoccuper des problèmes qui se posent au Sud, en Méditerranée et en Afrique plutôt que de vouloir toujours reculer sa frontière orientale. Le Conseil européen doit reprendre le contrôle de la politique européenne de voisinage qui a été laissé dès le départ à des incapables négociant séparément avec la Russie et avec l’Ukraine. Une certaine russophobie est de mise dans certains cercles, comme si on voulait construire l’Europe contre la Russie, au nom de je ne sais quelle idéologie.

Mais la Russie fait partie de l’Europe ! En l’oubliant, l’Union européenne se mettrait définitivement à la remorque d’intérêts qui ne sont pas les siens. Non une nouvelle guerre froide n’est ni de l’intérêt de la France ni de l’intérêt bien compris de l’Europe et encore moins de l’Ukraine.

SOURCE:

http://www.chevenement.fr/Le-Conseil-europeen-doit-se-saisir-des-realites_a1644.html


Derniers commentaires

Anne-Marie : On apprend aussi une interconnexion avec les chefs Islamistes de Syrie venus combattre en Ukraine... * "Les terroristes de Moscou avaient fuit vers…
sur Attentat à Moscou : Poutine promet que tous les responsables seront « punis »

Paul De Florant : Encore la CIA, le MI6 et le GUR Comme nous l'indique JLPujo via le groupe Hermes (Renseignements police&armée) de Politique-actu / PenserlaFrance…
sur Attentat à Moscou : Poutine promet que tous les responsables seront « punis »

Isabelle de Chritus : Un traitre a la Nation ! Un idéologue sans vision ! Comme le résume jluc Pujo pour Penser la France : «  #JacquesDELORS est mort ! Vive…
sur Jacques Delors : une cérémonie d’hommage national aux Invalides, le 5 janvier

Paul De Florant : VETO des USA - CONSEIL DE SECURITE - ONU - Cessez-le-feu immédiat à Gaza ! le "NIET" de Washington ! "Vote scandaleux" comme l'écrit JLPujo:…
sur Guerre Hamas-Israël : intenses combats dans le sud de la bande de Gaza

Anne-Marie : #Hanouka a l’#Elysee ? "Une honte !" pour Jean-Luc Pujo / Penser la France. "Même le #CRIF morigène #Macron et le #Consistoire ! Si même le…
sur Hanouka à l’Élysée : les louvoiements d’Emmanuel Macron sur la laïcité

Thématiques : AFGHANISTAN - AFRIQUE - Agriculture - Alain JUPPE - ALGERIE - Algérie - Alimentation - ALLEMAGNE - Amérique Centrale - Amérique du Sud - André Bellon - ANGLETERRE - Anne-Cécile Robert - Annie Lacroix-Riz - Armée française - ASIE - BANQUE MONDIALE - BRESIL - Bruno Le Maire - Catholicisme - CENTRE AFRIQUE - Chanson & Poésie - CHINE - CHINE - Christian Perronne - Christianisme - Cinéma - Clément Beaune - CNR - Communisme - COVID19 - COVID19 - Crypto & Blockchains - CUBA - CULTURE - Défense - Demographie - Demographie Mondiale - Didier Raoult - Diplomatie française - DROIT - Ecologie & environnement - Economie - Edouard Philippe - EDUCATION - Egalité Femme & Homme - Election Européenne - Elections régionales - Elisabeth BORNE - Emmanuel Macron - Emmanuel MACRON - Energie - Enfance - Environnement - Eric ZEMMOUR - Eric Zemmour - ESPAGNE - Etienne Tarride - EURO - euro - Européenne 2024 - Fabien Roussel - Fadi Kassem - Fiscalité - FMI - France-Allemagne - François Asselineau - François ASSELINEAU - François Bayrou - François Hollande - François Ruffin - Francophonie - francophonie & Langue française - G20 - G7 - Gabriel Attal - Gaullisme - Georges Gastaud - Gérald Darmanin - Gérard Larcher - Guadeloupe & Martinique - HISTOIRE - Humanisme - Immigration - Immigration - INDE - INDE - INSTITUTION - IRAK - IRAN - ISLAM - Islamisme - ISRAEL - ISRAËL & PALESTINE - ITALIE - Jacques CHEMINADE - Jacques Cotta - JAPON - Jean Castex - Jean-Luc Melenchon - Jean-Luc Pujo - Jean-Pierre Chevenement - Jean-Pierre Raffarin - Judaisme - Justice - Justice - Laïcité - Laicité - Législative 2017 - Léon Landini - LIBAN - Libéralisme - LIBYE - lutte sociale - Lutte Sociale & Combat social - MACHREK - MAGHREB - Maison de France & Monarchie - MALI - Manuel Bompard - Marine LEPEN - Marine LEPEN - Marlène Schiappa - Medecine - Medecine sous Hyppocrate - MEDIAS - MER - Mexique - Michel Houellebecq - Michel Onfray - MUSIQUE - Nathalie Arthaud - Nations d'Europe - Nicolas Dupont-Aignan - Nicolas Sarkozy - NIGERIA - Nucléaire - OCS - OCS - OMC - ONU - ONU - Nations Unies - OTAN - OTAN - PAKISTAN - PALESTINE - Patriotisme - Pauvreté - précarité - Penser la France - POLICE & Sécurité - Pour une Constituante - PRC - PRCF - Présidentielle 2017 - Présidentielle 2022 - Protestantisme - QUEBEC - QUEBEC - RéinfoCovid 2022 - Relations Internationales - RELIGION - Roland Hureaux - RUSSIE - RUSSIE - RUSSIE - SANTE - SANTE - Sciences & Recherche - Sciences&Technologie - SERVICE PUBLIC - SPORT - Syndicats - SYRIE - TURQUIE - UKRAINE - Ukraine - Union européenne - USA - USA - Valérie Bugault - Valérie PECRESSE - Valérie Pecresse - VENEZUELA - VENEZUELA - Venezuela - Yaël Braun-Pivet