« Maurice : de l’Isle de France à l’India Island » par Parvèz A. C. Dookhy
Article paru dans « Le Mauricien » du 16 août 2010
Il devient évident que depuis une ou deux décennies, Maurice a changé de cap. A notre origine, lorsque notre pays a eu une existence internationale, sous l’appellation d’Isle de France (1715-1810), nous avons connu un développement axé sur le modèle français. Très vite Mahé de Labourdonnais a bâti l’Isle de France et redessiné le paysage de l’île. Notre aménagement du territoire et les édifices administratifs qui y sont construits sont l’œuvre de grands travaux et de grande inspiration française de l’époque. Notre île est d’ailleurs devenue rapidement, pour des raisons tenant à la qualité de l’infrastructure mise en place, le chef-lieu des Mascareignes, ce qui nous a permis d’être rayonnants dans toute la région de l’Océan-Indien. Lorsque nous étions une possession française, la France était le pays le plus puissant du monde et beaucoup de pays se sont inspirés du modèle français de développement. A titre indicatif, le fameux Château de Versailles, résidence de Louis XIV entre autres, a déclenché une véritable course à la construction de palais dans des parcs chez les élites alors au pouvoir en Europe.
Chez nous, l’exportation de ce modèle s’est faite tout naturellement. Le Gouverneur Pierre Félix Barthelemy David a fait construire le Château du Réduit en 1749. Le Château, ainsi que les autres domaines construits sur notre sol, sont le reflet de l’architecture patrimoniale française ajustée localement. L’Hôtel du Gouvernement, au sein duquel a siégé le Conseil supérieur de l’Isle de France, et donnant sur la Place d’Armes, emprunte le style d’un Palais administratif fonctionnel. Nos grands jardins sont d’inspiration française bien que nous n’avons pas réellement des jardins à broderie végétale. Le Jardin des Pamplemousses, créé par Pierre Poivre, est tout aussi un jardin d’acclimatation que botanique. Le Jardin de la Compagnie tend à offrir avec ses tracés, ses symétries un sentiment d'unité et d'équilibre parfait. Les pavements qui ornent les trottoirs au centre de la ville de Port-Louis sont des vestiges du règne français et font notre fierté. Sur le plan juridique, la France a légué les codes civil, pénal et commercial.
L’Ile Maurice toute entière porte indéniablement l'empreinte du style français. A leur arrivée en 1810, les Anglais ont découvert un pays tellement bien entretenu par les Français qu'ils n'ont pas jugé nécessaire de lui ajouter grand-chose. L’autorité anglaise a rapidement décidé de laisser en vigueur toutes les lois, coutumes et religions. Elle avait consenti que la population utilise sa langue et ses lois. Le pays était géré par les britanniques mais ceux-ci ont poursuivi le développement à la française. A titre indicatif, le Champs-de-Mars à Port-Louis, un hippodrome qui a emprunté son nom du célèbre parc situé aux pieds de la Tour Eiffel à Paris, a vu le jour en 1812. Le Théâtre de Port-Louis a été érigé en 1922. L’administration britannique a même décidé de créer un autre jardin botanique, à l’image de celui des Pamplemousses, à Curepipe. La ville de Curepipe a elle-même pris son essor sous l’administration anglaise. Maurice est restée de tradition française, non pas seulement en terme de culture, la langue de la société civile étant le français, mais au regard de son mode et style de développement.
Certes, au fil des temps, les britanniques ont distillé à petite doses des réformes d’inspiration anglaise aux lois et au fonctionnement de l’Administration. Il n’en demeure pas moins que ce changement était peu perceptible car il s’agissait d’un modèle avec un standard équivalent de celui que nous avons connu sous gouvernance française. La France et l’Angleterre sont deux grands pays qui ont façonné le mode de vie dans le monde et l’île Maurice a pu hériter fièrement de ses deux traditions. A la veille de notre Indépendance, un fort courant militait pour un rattachement définitif de Maurice à l’Angleterre, ce qui signifiait en réalité la poursuite de notre françalité. A l’Indépendance en 1968, la transition s’est faite en douceur. La France a pu exercer une nouvelle influence sur Maurice. Des liens officiels ont été rétablis avec la France. Michel Debré, premier Premier Ministre de la Vème République française, a été l’artisan de l’entente entre indépendantistes et ceux du statut quo. Grâce à la Coopération française, l’île Maurice bénéficiait des aides et d’un savoir-faire français. Ce n’est qu’à partir de l’alternance de 1982 qu’un changement lent mais profond dans l’élaboration de notre gouvernance s’est opéré. Maurice commence alors à se rapprocher davantage de l’Inde pour marquer une volonté d’émancipation.
Ce phénomène s’est accompagné d’un exode intellectuel massif des mauriciens. Beaucoup de nos cadres formés en Europe, Angleterre et France notamment, ont quitté notre île pour immigrer au Canada, en Australie et l’Europe. De nombreux jeunes formés dans les plus prestigieuses universités d’Europe ne retournent désormais plus au pays après leurs études. L’Etat ne pratique manifestement pas une méritocratie acceptable. A l’inverse, ceux qui partent étudier en Asie, en particulier l’Inde, sont très bien accueillis au sein de notre Administration (civil service). La nouvelle élite aux commandes au sein de l’Administration a dorénavant le regard tourné vers l’Inde. Malheureusement, ces commis de l’Etat n’ont pas le même niveau de compétence et de savoir-faire que ceux formés dans les pays occidentaux. La différence de niveau est manifeste et s’est fait sentir dans de nombreux domaines, la médecine, la radio-télévision nationale, l’enseignement, les transports en commun etc. La radio-télévision nationale diffuse des émissions indiennes très médiocres de manière quasi-permanente. Il est évident que le standard indien est bien inférieur à notre mode de vie, notre niveau de développement. L’Administration indienne souffre elle-même d’un manque criant de compétence. L’on peut citer l’inefficacité de la police, les accidents ferroviaires récurrents, le manque d’hygiène etc. L’Inde doit faire appel aux compétences étrangères pour l’aider. Néanmoins, l’Inde a acquis une emprise outrancière sur la définition de notre politique étrangère, voire nationale. Maurice cherche systématiquement l’aval des autorités indiennes avant de prendre une position internationale. Maurice concède, bien entendu sous couvert de projets de développement, une partie de nos territoires, l’île d’Agaléga, à l’Inde, pour que celle-ci puisse étendre son influence dans l’Océan-Indien. Les entreprises indiennes bénéficient sans aucune transparence de grands contrats commerciaux alors même que les mauriciens sont peu satisfaits de la qualité de leur prestation.
Nous devons nous ressaisir. Maurice a su se distinguer de l’Afrique en raison de son niveau de développement et de l’occidentalisation de la société. L’Inde ne peut être un modèle de développement pour Maurice. Nous devons nous inspirer des pays d’Europe, de l’Angleterre et de la France pour connaître un développement de haut niveau et le confort matériel nécessaire.
Commentaires
Véritable cri du coeur pro-européen !
Il faut que MAURICE que nous aimons tant sache cultiver son attachement à la France !
Mais que fait donc la France ? la diplomatie française ?
Quelle politique de la francophonie menons-nous ?
Vivement un sursaut francophone !
Serge