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« La démission de M. Ghanouchi, un tournant politique majeur pour la Tunisie » par Troudi Mohamed

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- Exclusivité pour Politique-actu -

La révolution du « jasmin » a  été le fer de lance - la rampe de lancement - de ce qu'il convient d'appeler désormais le « printemps arabe », qui a enregistré successivement la chute de deux dictateurs de gros calibre, Messieurs Ben Ali et Moubarak.

L'effet de dominos est terrible pour les autres.

En Libye, le régime pernicieux de Khadafi cherche à prolonger l'échéance, au prix de l’impensables, de terribles massacres de population civile par l’intervention d'avions de combats - d'ailleurs fournis par la France dans les années 80 - qui bombardent sans distinction.

Au Yémen, l'actuel président Ali Salah - au pouvoir depuis plus de trente ans - saisit la balle au bond et annonce qu'il ne briguera pas un nouveau mandat tout en précisant qu'il ne chercherait pas à installer son fils au pouvoir à sa place, ce qui était largement programmé.

En Jordanie le roi sent la révolte se rapprocher et annonce toute une série de réformes doublée d'un remaniement ministériel.

En Syrie, le président Bachar vient d'annoncer également une série des mesures en faveur des couches sociales les plus démunies - baisse du prix du chauffage et de l'essence – comme tentative, à la fois insignifiante et tardive, de relativiser la portée de la contestation qui grandie  jour après jour.

Ce qui est acquis, c'est qu'un vent de changement souffle désormais sur le Maghreb et tout le monde arabe.

Plus rien ne peut arrêter ce désir ardent des populations arabes à une meilleure gouvernance qui passe inévitablement par des changements politiques, la chute de régimes autocrates et incompétents qui depuis plus de 20 à 40 ans se sont servis plutôt que de servir les peuples.

Après plus d'un mois de transition douloureuse - émaillée de manifestations, de revendications - qui a vu deux gouvernements provisoires se succéder en un espace de temps très court, la décision du Premier ministre Ghanouchi est tombée : il démissionne de son poste à compter de ce dimanche 27 février.

Comment on est arrivé à ce stade? Qui est derrière ce chaos qui se profile à l'horizon? Quelle évolution politique après cette décision? Qui tire aujourd'hui les ficelles et pour le compte de qui ? Autant de question pour le moment sans réponse.

Par contre, ce qui est acquis au moment de la rédaction de ces quelques lignes, c'est que l'avenir de ce pays est plus qu'incertain.

La révolte tunisienne - présentée comme modèle de libération des peuples arabes opprimés - est-elle entrain de tourner court ?

L'ex Premier ministre tunisien a parlé dans son allocution de quelques services de l'Etat qui n'ont pas été à ce stade désactivés, de personnes qui agissent dans l'ombre probablement pour le compte de l'ancien régime, sans préciser lesquels ni au membre du gouvernement provisoire ni au peuple.

Il pourrait s'agir éventuellement de personnes liées à l'ancien régime ou même quelque peu éloignées, craignant l'ouverture de quelques dossiers auxquels ils seraient mêlés.

L'ex Premier ministre tunisien s'est contenté de quelques allusions et a même fait part de certaines menaces reçues avant et après le 14 janvier, date du départ de l'ancien président déchu.

Pourtant, plusieurs mesures politiques courageuses ont été prises relativement rapidement : ouverture d'un large espace d'expression démocratique qui s'est traduit notamment par la légalisation de pas moins de 40 partis; gel de tous les avoirs de la famille ben Ali en Tunisie et à l'étranger ; mise en place d'un haut comité de réformes politiques devenue une institution à part entière présidée aujourd'hui par M. Iyad ben Achour ; libération de tous les prisonniers politiques ; retour de tous les exilés ;  rétablissement des droits civiques dans le but de consolider l'état de droit et l'union nationale ; réforme en cours du code électoral pour permettre une meilleure représentativité de toutes les sensibilités politiques tunisiennes et assurer le déroulement normal des prochaines élections…

En ce qui concerne les mesures sociales, il est possible de citer : les mesures de solidarité envers les couches les plus défavorisées de la population notamment les jeunes diplômés. L'institution d'une prime de 200 dinars par jeune en échange d'un travail d'utilité publique pour la moitié  concernera 100.000 jeunes et des formations devraient être mise en place - pour les 50.000 autres – afin de les rapprocher du monde du travail.

L'ex Premier ministre tunisien a également évoqué des promesses d'investissements notamment dans les régions les plus marginalisées. Il s’agit principalement de la ville de Sidi Bouzid, pour laquelle est envisagée la création de plus de 2000 emplois, ou  Kasserine - création de plus de 1000 emplois - mais aussi plusieurs autres longtemps oubliés comme Gafsa, Siliana…

Devant l'impatience du peuple et la multiplication des revendications - notamment de la part de ceux qui ont la chance d'avoir un travail et qui exigent des augmentations de salaire immédiates -  face aux menaces dont il a fait l'objet mais refusant de devenir l'homme de la répression, il a décidé de partir et de laisser la place à d'autres.

Cette décision constitue un tournant grave pour la Tunisie en ce qu'elle porte beaucoup d'interrogations concernant la continuité de l'Etat elle-même.

C'est à mon sens aujourd'hui le problème majeur qui se pose à la Tunisie dès ce dimanche soir d'ailleurs.

L'inconnu est d'abord et avant tout politique.

L'urgence aujourd'hui, c'est la continuité et la pérennité de l'Etat et non plus la réforme de la seule constitution qui n’est plus une priorité.

Le président par intérim M. Mbazzaa devrait annoncer, à la fin de cette semaine, une sorte de feuille de route avec une série de mesures.

 Espérons qu'elles iront dans le bon sens et surtout qu'elles tiendront compte de ce tournant grave dans lequel se trouve la Tunisie à ce jour.

D’ici peu, il devrait désigner un nouveau Premier ministre.

De mon point de vue, il serait préférable que cette personne soit quelqu'un d'entièrement nouveau, sans étiquette ni parti politique, en somme un technocrate, un homme de compromis capable de rassurer et d'engager le pays dans sa marche en avant pour franchir cette étape charnière pour son avenir politique, économique et social.

Dans ces moments politiques difficiles, ce qui apparaît aujourd’hui comme une urgence, c'est  la mise en place d'une sorte de Constituante à laquelle il faudrait transférer l'autorité de l'Etat.

Sa fonction serait dès lors  d'établir une nouvelle constitution le plus rapidement possible, de réorganiser les institutions et les lois, jugées défaillantes.

Son principe reposerait dans l’affirmation d’une volonté populaire retrouvée, alors qu’elle était confisquée ou détournée.

Cette Constituante exige dans les faits, l'organisation d'une Assemblée Constituante pour rédiger de nouveaux textes, organiser de nouvelles élections et la remise du pouvoir politique dans les mains du peuple. C’est le peuple qui devra alors désigner ses nouveaux représentants au suffrage universel direct.

De la mise en place de ce processus démocratique constitutionnel, il en va de la réussite de cette révolte - si exemplaire et si pacifique dans ses débuts -  mais il en va aussi – tout simplement – de l'avenir de notre chère Tunisie.

L’autre inconnue reste l'armée.

Restera-elle à l'écart face à ce tournant capital pour le pays ou au contraire serait-elle tentée par une reprise en main de la situation ?

Les prochains jours nous apporterons peut être la réponse. Je pense sans vouloir exagérer que c'est là une question existentielle pour la Tunisie.

Troudi Mohamed, chercheur en relations internationales et stratégiques associé à l'IIES, analyste en politique étrangère, Paris

Mot clés : algérie - Tunisie - Maroc - troudi - libye - ghanouchi

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