Réforme pénale : "L’AFFAIRE DE NICE CHANGE-T-ELLE LA DONNE ? NON !" par Etienne TARRIDE
[ Un bijoutier niçois abat un cambrioleur qui venait de lui dérober des bijoux, mercredi 11 septembre à Nice (Alpes-Maritimes)- Mis en examen, son geste suscite la polémique et déclenche une vague de soutien.]
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La triste affaire de Nice qui vu un commerçant excédé tirer en direction d’un jeune homme qui venait de le voler ne modifie en rien mes sentiments quant à la politique pénale qu’il faut adopter d’urgence et qui est bien initiée par les projets de Madame Taubira.
La première leçon qu’il faut tirer de cette affaire est qu’un jeune homme, auteur à plusieurs reprises de délits mineurs, en l’espèce des vols de scooters est devenu en sortant de prison un criminel. C’est la preuve péremptoire de l’effet nocif de la prison telle qu’elle fonctionne en France aujourd’hui. Un jeune garçon n’en n’est pas sorti amélioré mais aggravé. Il n’a pas trouvé en détention les raisons de renoncer à la délinquance mais au contraire d’y persévérer en plus grave. Il n’a pas été suivi, après sa sortie, par des gens spécialisés formés pour l’accompagner et, le cas échéant, lui montrer vers quelles impasses il se tournait et faire aux autorités de Justice les rapports nécessaires.
Personne de sensé n’imagine même un instant que, pour des vols de scooters, il soit possible de condamner un homme, une femme jeune ou moins jeune à des années de détention pour l’écarter significativement de la société. Nous devons bien reconnaître, nous les professionnels, que les interminables débats destinés à choisir entre six, huit ou douze mois de prison qu’il convient d’infliger à un petit délinquant sont devenus un peu ridicules. Il n’en est que plus nécessaire de donner à ces gens l’accompagnement nécessaire. La nouvelle peine de probation pénale pourra, si elle est bien conçue et si le personnel nécessaire est recruté et formé, accomplir cette fonction, mieux en tous cas que le sursis avec mise à l’épreuve qui n’intervient qu’après plusieurs infractions.
Si cette affaire démontre quelque chose c’est bien le tromperie grave que constitue la politique du tout carcéral.
L’affaire de Nice n’ébranle pas mes convictions, elle les renforce. Il faut d’urgence élargir la palette des peines disponibles vers des sanctions utiles. Il faut d’urgence cesser de croire qu’en enfermant quelqu’un avec d’autres malfaiteurs on a fait ce qu’il fallait pour le corriger.
Quant au bijoutier auteur du coup de feu, la Justice a, jusqu’à présent joué son juste rôle à son égard.
Il est impossible que cet homme ne soit pas jugé. Je dis bien jugé, je ne dis pas condamné. Pour cela, il fallait qu’il soit d’abord placé en garde à vue puis mis en examen. Il aurait été anormal qu’il soit placé en détention provisoire. Je regrette un peu qu’il ait été placé sous contrôle judiciaire, je pense qu’il n’envisage même pas une seconde de s’enfuir. La liberté pure et simple pendant l’indispensable instruction eût été préférable. Peut-être est-ce mon tropisme de défenseur qui m’inspire cette dernière réflexion. Sur ce point non plus, je ne changerai pas.
Etienne TARRIDE*
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*Etienne TARRIDE - ancien avocat au barreau de Paris, gaulliste de gauche - publie des billets en exclusivité pour POLITIQUE-ACTU.COM