« L’EUROPE ET LAMPEDUSA » par Etienne TARRIDE
- Contre l'UE, pour une politique commune entre les Nations européennes -
La montée du Front National dans les sondages et sa position dominante quant aux intentions de vote aux futures élections Européennes provoque l’affolement. Là est la plus mauvaise des attitudes. On ne combat pas l’extrêmisme par la peur ou par la passion. Au contraire on le renforce en se plaçant sur son terrain.
L’observation des opinions dans les pays d’Europe montre une poussée des Droites extrêmes ou des mouvements protestataires tel le rassemblement de Beppe Grillo. Elle montre aussi que depuis bientôt dix ans, à travers les référendums de 2005 en France et aux Pays Bas ou l’échec cuisant de Mario Monti en Italie, l’idée d’une Europe de type fédéral est en recul constant.
Paradoxalement, le drame de l’Ile de Lampedusa peut être l’occasion d’un redressement Européen, à condition de prendre le problème du bon côté.
La France va proposer, à ce qui nous en est dit, une politique Européenne commune en matière d’immigration clandestine et de prévention des malheurs comme celui qui vient de se produire. Là est une bonne démarche. Il est d’autant plus utile de souligner qu’elle pourrait constituer une rupture avec ce qui est aujourd’hui la règle de Droit Européenne qui réserve à la commission Européenne le monopole des propositions de directives et le soin de leur rédaction.
Ce sont les élus des nations de l’Europe et non la commission Européenne qui ont pour mission de proposer et de négocier des règles communes quand elles sont nécessaires. Le Droit Européen voudrait qu’en cette matière comme dans beaucoup d’autres ce soit la Commission qui propose puis qui applique. Le Droit Européen tel qu’il est conçu aujourd’hui voudrait que pour décider d’une politique migratoire les Nations transfèrent leur pouvoir de décision aux instances communautaires conçues comme un gouvernement supranational. Il s’agirait là d’un abandon sans retour comme il s’en est déjà trop produit en matière économique, comme il pourrait s’en produire dans les prochains mois en matière sociale. La démarche initiée par la France semble indiquer que nous envisageons une délégation de pouvoir limitée et réversible à une Europe conçue comme une institution internationale. Là est la démarche d’avenir, là serait une application de ce que De Gaulle appelait l’Europe des Patries.
Certes, ce langage est trop juridique pour apaiser les inquiétudes brûlantes qui expliquent en grande partie la progression du Front National . Il faudra traduire l’idée en termes plus accessibles. Ce qui doit être souligné aujourd’hui reste que l’erreur qui consisterait à remettre aux instances Européennes des pouvoirs de décision en matière migratoire ferait bondir le Font National à des niveaux qu’on imagine mal encore. L’erreur qui consisterait à refuser de mesures Européennes communes qui règleraient les questions liées à la porosité des frontières d’une zone de libre circulation des hommes aurait à plus lond terme un effet similaire.
La construction européenne telle qu’elle est conçue aujourd’hui autour d’un fédéralisme virtuel impuissant et rejeté par les peuples doit être entièrement repensée. L’Europe doit devenir ce qu’elle aurait toujours dû être, une institution internationale. Il faut le dire et en tirer publiquement les conséquences. Une proposition de politique commune après Lampedusa serait un bon début.
Etienne TARRIDE*
*Etienne TARRIDE - ancien avocat au barreau de Paris, gaulliste de gauche - publie des billets en exclusivité pour POLITIQUE-ACTU.COM